VALÉRIAN

[CRITIQUE] VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES

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Luc Besson et sa major EuropaCorp viennent jouer sur le terrain des blockbusters américains. Qu’on approuve ou non la formule et le ton choisis, au Blog, on salue le foisonnement et la générosité de la direction artistique, démonstration de force du savoir-faire français.

Luc Besson est définitivement un personnage redoutable. Sous cette silhouette de pacha appesanti et sous ce visage peu expressif, se cache en réalité un gamin hyperactif, du genre de ceux qui agitent les bras dans tous les sens et multiplient les bruitages à la bouche quand ils inventent une histoire. Cela explique sans doute la place exceptionnelle que tient aujourd’hui cet entrepreneur ambitieux dans la production hexagonale. Aux vus de ses projets successifs, les financiers seraient tentés de croire qu’en invitant le bonhomme Besson à s’asseoir dans le salon bourgeois du cinéma français, ils risquent de retrouver le décor éparpillé façon puzzle, avec un grand enfant de soixante balais au sourire coupable, au milieu de son nouveau terrain de jeu.

Avec VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES, Besson a le mérite d’ouvrir ce terrain de jeu à un large public, qui sera sans doute émerveillé lors de son entrée dans un univers si foisonnant et polymorphe. Si  Besson est un grand gamin, on peut reconnaître que sa démarche n’est pas celle d’un gamin gâté pourri dépourvu de générosité. Mais attention, ça n’est pas parce qu’on invite des copains dans sa salle de jeux que ces derniers vont s’amuser, surtout si on se contente de jouer les fiers en présentant dans le détail une monstrueuse collection de jouets sans remarquer que les visiteurs commencent à bailler copieusement. C’est là le péché d’orgueil que des productions opulentes, pour ne pas dire surchargées, trahissent une fois passée la première demi-heure de mise-en-place. Le syndrome Jupiter Ascending, pour ainsi dire. A la façon d’un festin visuel dont tous les plats seraient servis en même temps, l’écœurement menace assez vite la rétine, d’autant plus que le tourbillon de couleurs pop / bande-dessinée / vidéo-clip / jeux vidéo / magasins de bonbons n’est pas là pour ménager notre estomac.Photo du film VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTESSoyons clairs sur ce point, puisque c’est là que réside tout le pari de VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES : oui, la richesse visuelle et la maîtrise technique sont à la mesure des productions hollywoodiennes affichant les mêmes budgets pharaoniques. On s’esbaudit à la vue du moindre objet futuriste apparaissant deux secondes à l’écran, de la moindre coiffure défiant les lois de la gravité d’une figurante au troisième plan, et même si chacun de ces éléments superflus n’apparaissait que cinq secondes à l’écran, il réussissent ensemble à approfondir la représentation de l’univers, tout en gardant paradoxalement leur statut de gentils petits délires fétichisés, tout droit sortis du coffre à jouet qui tient lieu de cerveau au réalisateur.

Mais alors pourquoi l’ennui finit-il par pointer le bout de son nez, alors que Besson cherche justement à charger l’image de détails alléchants pour tenir le spectateur éveillé ? Eh bien justement parce qu’à trop vouloir attaquer les américains sur leur terrain, VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES adopte les mêmes conventions, et montrent progressivement les mêmes faiblesses que les divertissements formatés outre-Atlantique. Pour jauger ce problème de formatage, il suffit d’étudier le rythme avec lequel le récit est conduit ; et dès lors, on regrette que celui-ci accélère aux moments choisis pour privilégier l’action, et patine quand il s’agit de se calmer pour compléter le programme spectaculaire par un peu d’émotion.

« Valérian et la Cité des Mille Planètes apparaît comme un roller coaster survolté, négligeant les moments de grâce. »

C’est à se demander si Besson, emporté dans la démesure de la production design, tel un créateur fou déployant sa collection printemps-été-automne-hiver 2017 – 2740, n’a pas négligé au passage des points essentiels dans l’élaboration d’un film, notamment l’importance d’écrire et de représenter des personnages crédibles et attachants. On est en droit de se poser cette cruelle question lorsqu’on regarde d’un œil dubitatif, les interprètes de Valerian et de Laureline, tenter de former un couple digne d’intérêt à l’écran. Si Cara Delevingne joue son rôle sans grande subtilité, on peut admettre, en faisant preuve de bonne volonté, que le tempérament de l’héroïne est là pour dessiner un caractère. Le cas de Dane DeHaan est lui, clairement plus problématique, puisque l’acteur au regard hanté et à la carrure d’adolescent fragile, apparaît immédiatement comme une erreur de casting, en décalage complet avec l’archétype du héros arrogant, charmeur et désinvolte.Photo du film VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES

À vouloir doser sans cesse le cocktail habituel du blockbuster entre action, aventure et touches d’humour, Besson sacrifie fatalement l’intensité émotionnelle qui devrait lier les personnages. La plupart des amateurs de cette catégorie de divertissement grand public me répondra qu’elle a depuis longtemps fait le deuil de cette composante et qu’elle savoure le cocktail avec ces ingrédients funs et juvéniles. Si on considère VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES de ce point de vue, alors le contrat est rempli, mais si on garde dans un coin de sa mémoire de spectateur, Le Cinquième Elément du même sieur Besson, dans ce cas, on ne s’empêcher d’afficher une moue perplexe. Dans Le Cinquième Elément, le réalisateur laissait le temps à un instant de poésie de s’installer lorsqu’un rideau d’opéra se levait sur une diva extraterrestre. Avant que la musique ne dérive vers des expérimentations électro pour accompagner la chorégraphie du combat de Leeloo contre les Mangalores, le chant avait eu le temps de naître, de frémir puis de s’élever avec douleur et passion.

Comme Bruce Willis était saisi par ce moment de grâce suspendu hors du temps, Dane DeHaan assiste lui aussi à une performance artistique qui le cueille. Cette fois, c’est Rihanna qui est sur scène ; elle ne chante pas, elle danse en changeant d’apparence à de multiples reprises, brune, blonde, infirmière sexy… Le rythme du numéro ne laisse aucun répit au spectateur, la musique est sans importance ; la séquence est à l’image d’un parti pris du film tout entier : un roller coaster dont les moments de grâce ne sont pas au programme. Il aurait pourtant été judicieux de laisser une poésie s’installer davantage à l’écran, au diapason de la grâce émanant du peuple de la planète Mül, apportant in extremis l’émotion qui tardait à s’exprimer.

Arkham

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Note des lecteurs84 Notes
Titre original : Valérian et la Cité des mille planètes
Réalisation Luc Besson
Scénario :Luc Besson, d'après les bandes dessinées de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières
Acteurs principaux :Dane DeHaan, Cara Delevigne et Cliwe Owen
Date de sortie :26 juillet 2017
Durée : 2h20min
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coloré

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Note finale

  1. Effectivement, pas de Bruce Willis, pas de héros musclé pour incarner ce personnage de BD (rappelons le!) superficiel, à la limite de l’anti-héros: pas spécialement intelligent, pas de super-pouvoir. L’antithèse du super héros américain, archétype honni par les inventeurs de la série. C’est peut-être cela qui a dérouté les spectateurs. Dans le film, c’est Laurine qui vole la vedette. Un peu comme dans la BD … Ce qui laisse de la place pour la contemplation de l’univers magnifié et e la faune haute en couleurs. L’histoire (écologiste) n’est franchement pas pire que dans n’importe quel block-buster de SF.
    Film vu dans une petite salle près de mon village, en VF (correcte) . Du début à la fin, j’avais la banane , je me suis laissé prendre par la main le temps de cette histoire. Moi, j’ai hâte de voir Valerian 2.

    1. Il y a du vrai dans ce que vous dîtes, je pense qu’en France, Besson est jalousé parce qu’il est à la fois un riche entrepreneur et parce qu’il a de l’audace dans ses entreprises, là où d’autres producteurs restent frileux. Valérian est un pari gagné sur le plan technique, son ambition dans le spectaculaire est à la hauteur des blockbusters hollywoodiens, et comme il est dit dans l’article, c’est une démonstration de force du savoir-faire français : les costumes, les design des aliens et des environnements, les décors, les maquillages etc…toute cette direction artistique foisonnante permet aux artistes et techniciens français dans ces domaines d’exprimer tout leur talent créatif, ce qui leur arrivent trop rarement dans une production français. En tout, une entreprise comme Valerian fait travailler 1500 intermittents; et je pourrais également rappeler que c’est à Besson qu’on doit La Cité du cinéma, l’augmentation du crédit d’impôts du CNC etc…mais bon, les jaloux ne veulent pas entendre ce genre d’arguments, que voulez-vous.

  2. Énorme faute dans le titre et partout dans l’article : mille est invariable et ne prend pas de « s ». On apprend ça à l’école primaire!