Disney donne une suite à la Reine des neiges et parvient à étoffer un univers déjà foisonnant. Une bonne opération qui prolonge et réactive une franchise phénoménale.
Pour construire sa suite, Disney s’éloigne du conte d’Andersen en bricolant un scénario parfois bancal sur l’origin story de la Reine de neiges. Dans ce récit qui vise à expliquer d’où viennent les pouvoirs d’Elsa, on découvre une forêt magique, un peuple oublié et des forces telluriques qui se réveillent. L’ambition de ce second volet est grande, jusqu’à l’excès, l’intrigue est parfois trop dense voire indigeste. Forcées d’expliciter le moindre élément, certaines séquences basculent dans un didactisme qui ralentit et alourdit le rythme du film. Mais une fois cet inévitable désagrément dépassé, la franchise peut déployer une avalanche de bonnes idées.
Les forces élémentaires de la forêt magique se réveillent et menacent de détruire Arendelle si le passé qui l’a bafouée n’est pas réparé. En effet, une malédiction a plongé ce mystérieux sanctuaire dans un éternel brouillard à l’intérieur duquel deux camps s’affrontent inlassablement depuis trente ans. D’un côté une ancienne garnison maudite d’Arendelle face à une peuplade autochtone qui vivait en harmonie avec la magie des lieux. À mesure qu’elles progressent dans leur quête des origines, Elsa et Anna découvrent la vérité sur leur famille. Toute cette partie de l’intrigue est d’une résonance politique très surprenante, il s’agit de réparer les erreurs du passé, les regarder en face et briser les cycles infernaux pour enfin aller de l’avant.
Dans l’imaginaire des contes, la forêt est un décor iconique, c’est un lieu initiatique par excellence également dédié à la métamorphose. Le périple qu’entreprennent les personnages est un récit d’apprentissage marqué par cette thématique du changement. Cette idée se matérialise dans les choix esthétiques des réalisateurs qui adoptent des ambiances automnales pour habiller leurs décors et ainsi suggérer le mouvement perpétuel de la nature. La question de la mort mais aussi du renouveau sont abordés frontalement avec le personnage d’Olaf qui grandit et fait face à tout un tas de réflexions existentielles. Ces moments donnent lieu à des séquences à la fois hilarantes et extrêmement pertinentes. Plusieurs morts symboliques sont présentes à l’écran, tout doit mourir pour renaître sous une forme nouvelle, porté par le cycle éternel de la nature.
Mais pour apaiser la colère de l’esprit de la forêt, Elsa va devoir affronter, à la manière d’une quête mystique, les incarnations des forces élémentaires. Disney ferait-il un film alchimiste ? C’est ce qui semble transparaître à travers un étonnant discours sur la mémoire de l’eau que l’on pourrait rapprocher de la célèbre maxime rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Si l’enveloppe physique change, l’essence reste la même. On peut alors noter, d’un côté une réflexion sur le changement, les cycles de la vie et la mort, de l’autre un sous-texte sur l’immortalité des choses à travers la mémoire éternelle de l’eau et la transmutation des éléments. Une dualité reprise dans le duo Elsa/Anna, magie visible contre magie invisible, union complémentaire et indispensable à l’équilibre de la vie.
Mais la principale réussite de cette suite, c’est son univers visuel. L’animation et sa mise en scène débordent d’inventivité. On assiste véritablement à ce qu’on peut faire de mieux aujourd’hui en terme d’animation. Le studio se permet même des excursions expérimentales dans des séquences clipesques absolument géniales. La marge de progression entre les deux films est immense et l’émerveillement est au rendez-vous. Les réalisateurs puisent énormément dans le folklore scandinave et l’imaginaire des Sagas Islandaises. À l’instar de Maléfique, le film se tourne bien évidemment du côté de la peinture romantique allemande, des paysages de Friedrich mais également vers les peintres de Skagen et leur recherche sur la lumière si particulière du grand Nord.
La direction artistique tournée vers l’automne nous donne à voir des paysages et des ambiances magnifiques. Un choix qui se révèle payant car il permet de renouveler l’univers dans une exploration de nouveaux territoires. Jennifer Lee & Chris Buck composent de vrais tableaux cinématographiques à travers des jeux d’échelles et de perspectives bluffants. La dernière partie du film va même jusqu’à atteindre une dimension quasi mythologique dans ses compositions des cadres qui replacent l’individu face à l’immensité de la nature. Une expérience en salle qui éprouve tout son potentiel.
LA REINE DES NEIGES 2 est un excellent cru qui coche toutes les cases du Disney réussit, une galerie de personnages attachants, la ribambelle de chansons qui n’ont pas fini de vous trotter dans la tête, l’alternance des registres entre le rire et le pathos sans oublier les différents degrés de lecture qui ne manqueront pas de réunir petits et grands.
Hadrien Salducci
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• Réalisation : Jennifer Lee & Chris Buck
• Scénario : Jennifer Lee
• Acteurs principaux : Kristen Bell, Idina Menzel, Jonathan Groff, Josh Gad, Martha Plimpton, Evan Rachel Wood, Sterling K Brown, Rachel Matthews
• Date de sortie : 20 novembre 2019
• Durée : 1h44min