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MALÉFIQUE: LE POUVOIR DU MAL, une suite utile ? – Critique

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Cinq ans après la sortie de Maléfique, Angelina Jolie renfile les cornes de la fée noire pour un deuxième opus martial.

Aurore, devenue Reine de la Lande, est demandée en mariage par le Prince Phillip, c’est une promesse d’unification pour les deux royaumes. Le Roi et la Reine organisent une réception au château pour que se rencontrent les deux familles. Mais les hostilités sont ouvertes entre les deux matriarches, Maléfique est alors chassée du château par les armes. Si le mariage aura bien lieu, les manoeuvres obscures de la Reine Ingrid semblent dissimuler un sombre dessein. Si vis pacem, para bellum – Si tu veux la paix, prépare la guerre, ainsi pourrait se résumer MALÉFIQUE: LE POUVOIR DU MAL.

Maléfique face à la Reine Ingrid interprétée par Michelle Pfeiffer © 2019 Disney Enterprises, Inc.

Le premier volet était marqué d’une intention révisionniste, changer le point de vue et aller chercher de nouvelles choses à raconter en 2014 à propos d’un vieux conte du XVIIe siècle, déjà réinterprété par Disney en 1959. Maléfique se changeait ainsi en protagoniste incompris d’une histoire oubliée. La grande méchante d’hier devenait l’héroïne d’aujourd’hui, Disney renversait les perspectives pour interroger ses propres mythes et représentations. Un film produit à une époque antérieure à l’affaire Weinstein et qui préfigurait déjà des changements à l’oeuvre dans la société.

Une approche surprenante mais rafraîchissante, relativement bien accueillie aussi bien par le public que par la critique. On aurait pu croire que Disney traçait avec Maléfique, un modèle à suivre pour les adaptations live action de ses classiques. Mais les derniers Aladdin et Le roi lion ont montré que l’orientation prise avec cette franchise relevait davantage de l’exception. Ce geste révisionniste visait plus à tirer profit du potentiel d’un personnage iconique sous-exploité plutôt que d’une volonté à réinterroger durablement l’ensemble de son héritage. Peut être faudra-t-il attendre 2021 et l’adaptation des 101 dalmatiens pour voir une Emma Stone en Cruella d’Enfer suivre les pas de Maléfique ?

Elle Fanning est Aurora © 2019 Disney Enterprises, Inc.

Cette suite prolonge les questionnements du premier opus autour des notions de bien et de mal. Le film joue en permanence sur cette dualité fondamentale jusqu’à en bâtir un principe esthétique. Le clair contre l’obscur, la guerre opposée à la paix, le monde magique contre celui des humains, pour aboutir à une bataille finale rappelant une partie d’échec grandeur nature dans laquelle la Reine blanche affronte sa rivale Maléfique.

À travers ce motif bipolaire, une dialectique pointe le bout de son nez: comment cohabiter avec l’autre, comment composer avec la différence ? Le film pose des questions sur l’identité, ce que l’on est et que l’on choisit d’être, le métissage et l’acceptation de soi comme condition à la rencontre de l’autre, débarrassé de ses peurs. Sans oublier de montrer les dérives du repli identitaire et ses prédicateurs de haine qui ne mènent qu’à la guerre et la ruine. MALÉFIQUE: LE POUVOIR DU MAL est un véritable plaidoyer en faveur du multiculturalisme. Mais le discours sonne creux tellement il paraît stéréotypé, formaté et disséminé à l’intérieur d’un scénario aussi simpliste que mièvre. C’est toujours le même procédé avec Disney, masquer la démarche commerciale de son entreprise dans un enrobage suffisamment lisse, rassembleur et progressiste.

Heureusement, Joachim Rønning parvient à sauver ce qui composait la principale force de la franchise, son univers foisonnant. On retrouve avec enthousiasme cette même direction artistique tournée vers la peinture romantique allemande. Une iconographie que l’on reconnait dans les claires/obscurs de la lumière, la nature luxuriante de la Lande ou encore les décors volontiers baroques du château.

Église gothique sur une falaise face à la mer 1815 Karl Friedrich Schinkel

Dans ce mouvement artistique apparu à la fin du XVIIIe siècle, les artistes se tournent vers le passé médiéval de l’Allemagne pour puiser dans un imaginaire idéalisé. C’est un retour au folklore populaire à travers la littérature, les contes et les légendes germaniques que font notamment revivre les célèbres frères Grimm. Les thèmes de prédilection sont centrés autours de l’expression des sentiments, des passions, de la nostalgie mais aussi de la magie et du mysticisme. C’est ainsi qu’apparaissent les paysages miroirs de l’âme de Caspar David Friedrich ou encore les scènes bucoliques de Carl Spitzweg dont l’iconographie a sans doute nourri durablement la direction artistique de film.

À cette époque l’Allemagne est prise dans des élans nationalistes et cherche, à travers sa culture et les beaux Arts, à reconstruire une identité nationale. Ce n’est pas un hasard si la franchise puise autant dans le romantisme allemand. On retrouve ce même mouvement vers le passé qui se nourrit d’un imaginaire afin de remettre en question les représentations présentes. En revenant sur cette période de l’histoire de l’art, Disney retourne au coeur de ses inspirations et interroge ses propres origines. Et même s’il souffre de quelques lourdeurs scénaristiques, on prend plaisir à retrouver un univers riche et merveilleux, dans une mise en scène souvent efficace et inspirée.

Hadrien Salducci

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Note des lecteurs10 Notes
Titre original : Maleficent: Mistress of Evil
Réalisation : Joachim Rønning
Scénario : Linda Woolverton, Micah Fitzerman-Blue, Noah Harpster
Acteurs principaux : Angelina Jolie, Elle Fanning, Michelle Pfeiffer, Sam Riley, Harris Dickinson, Ed Skrein, Chiwetel Ejiofor, Imelda Staunton, Juno Temple
Date de sortie : 16 octobre 2019
Durée : 1h59min
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