matrix resurrections

MATRIX RESURRECTIONS : au bout du tunnel, la lumière – Critique

Nous souhaitons recueillir votre avis sur votre façon de nous lire. Merci de prendre 2 minutes de votre temps en cliquant ici !


En plus d’être une suite complètement justifiée qui ne trahit jamais son héritage, Matrix Resurrections excelle comme brûlot politique à la croisée des genres. Une œuvre radicale absolument indispensable.

Ne nous leurrons pas : la production d’un nouvel épisode de Matrix nous a laissés perplexes. Des sublimes trailers, qui caressaient les fans de la première heure dans le sens du poil, jusqu’à la résurrection de personnages formellement évincés de la narration, rien ne poussait à envisager une suite. Surtout, à l’heure du reboot ou autres remakes de franchises vouées à l’oubli, le paradoxe est tel qu’il illustre une démarche allant à l’encontre du message explicitement délivré dans les premiers films. Foncièrement insolente et destructrice quant il s’agissait de s’attaquer aux mœurs de son époque, la trilogie, autonome, n’a jamais eu la prétention de laisser derrière elle un quelconque héritage, bien au contraire. C’était sans compter sur l’impulsion de Lana Wachowski.

À son meilleur, en évitant toute forme de classicisme, la cinéaste démontre, s’il en était besoin, qu’elle n’a rien perdu de sa fougue. Le prologue frappe très fort et donne le ton : plongés dans un modal, programme inséré à l’intérieur même de la matrice, les néophytes de l’univers observent le prologue du premier film, dont ils deviennent eux-mêmes les acteurs. L’échange qui conclut ce condensé d’action pure est métonymique de la démarche opérée par la réalisatrice ; le retour dans la matrice doit faire sens et rien n’est dû au hasard.

matrix resurrections
Crédits : Warner Bros. Entertainment Inc. and Village Roadshow Films (BVI) Limited

Dans cet exergue, on pourrait peut-être reprocher au film son caractère trop bavard lorsqu’il s’agit de justifier les enjeux. Sans être avare de réponses, le récit fait preuve d’un didactisme pourtant bénéfique pour défendre l’existence même de ce quatrième opus. Les explications plurielles qui interviennent dans le second tiers du film s’inscrivent ainsi dans la continuité de la trilogie. En cela, cette résurrection est oxymorique des derniers Star Wars, dont on cherche encore à cerner les enjeux. Malgré ce léger bémol d’ordre rythmique, il faut l’admettre : cette variation autour d’un univers cher à nos cœurs est exempte de tout reproche.

La première partie est un condensé d’humour corrosif, une satire acerbe pleine d’autodérision. Le plaisir non-dissimulé de replonger dans la matrice est accompagné d’un apologue méta, lequel met à mal toute la stratégie consumériste de l’industrie hollywoodienne. Personne n’est épargné, jusqu’au chef de production, aux traits déjà bien connus et hautement significatifs. La tension fiévreuse propre à la lutte purement manichéenne des premiers films a été effacée en même temps que l’ancienne matrice. La mise à jour, nécessaire, fait rejaillir une société tout aussi grégaire, animée par la peur. Par la force de cet univers effrayant et grotesque, où les figures de l’abrutissement collectif coexistent, MATRIX RESURRECTIONS est un conte philosophique total, réécriture nécessaire du mythe de la caverne.

matrix resurrections
Crédits : Warner Bros. Entertainment Inc. and Village Roadshow Films (BVI) Limited

Aussi, si les enjeux du premier opus sont actualisés, Lana Wachowski y injecte du sang neuf. Le personnage de Smith (Jonathan Groff, parfait) en est la preuve la plus évidente : le virus cristallise nombre d’instants-clés jubilatoires, des échanges qu’on rêve d’entendre depuis sa chute. Attestant du refus de toute redite, Il n’occupe pas la fonction d’opposant principal dans un schéma actanciel mûrement réfléchi, où les péripéties surprennent. Les règles imposées par l’analyste (Neil Patrick Harris, tout en justesse), nouvel architecte, s’inscrivent dans l’ère du temps et renouvellent les codes d’un univers résolument contemporain. Son pouvoir donne lieu à de jolis instants figés, où Néo, mis à mal, questionne avec pertinence sa nouvelle existence, toujours guidé par son amour.

Ces séquences, sublimées par une mise en scène à la fois crue et sophistiquée, sont à l’origine d’un cinéma de pure sensation, à des années lumières de ce que montrait la trilogie. D’ailleurs, la seule péripétie obéissant aux exigences du fan-service et qui appelait au retour de Néo et Trinity pour détruire le programme, intervient à l’aube du générique final. Au préalable, les vers récités séduisent et la confiance en l’Aède les chantant est totale. L’émotion prend le pas sur le despotisme et l’amour vainc de méandreux rouages informatiques, dans un épilogue de tous les possibles. Une extension réussie qui démêle habilement sa propre mythologie pour concevoir un blockbuster exaltant et irrévérencieux. Pour nous, c’est définitivement la pilule rouge.

Emeric

Note des lecteurs1 Note
Titre original : Matrix Resurrections
Réalisation : Lana Wachowski
Scénario : Lana Wachowski, David Mitchell
Acteurs principaux : Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Jada Pinkett Smith, Jessica Henwick, Yahya Abdul-Mateen II
Date de sortie : 22 décembre 2021
Durée : 2h28min
4
Brillant

Nos dernières bandes-annonces