DON'T WORRY, HE WON'T GET FAR ON FOOT

DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT ne laisse pas un grand souvenir – Critique

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Pour son dernier long métrage présenté au Festival de Sundance dans la catégorie Premieres, DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT, Gus Van Sant s’est attaqué à une partie de la vie du caricaturiste américain quadriplégique John Callahan.

On connait tous Gus Van Sant, prolifique explorateur de l’Amérique et de ses déviances (Elephant), ses personnages forts ou emblématiques (Will Hunting, A la rencontre de ForresterHarvey Milk) mais aussi son rapport au corps et à la maladie (Restless et Nos souvenirs). Avec DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT, que le distributeur français n’a pas jugé utile de traduire, Gus Van Sant a trouvé le point commun à tous ses centres d’intérêt. Il rend un hommage appuyé à John Callahan, dessinateur caricaturiste originaire de Portland, dans l’Oregon, ville dans laquelle le réalisateur a longtemps vécu. Cet artiste avait tout pour plaire au réalisateur, car sa vie peu, voire pas du tout connue en France, est loin d’être un long fleuve tranquille. On vous la fait brève : adopté bébé, brutalisé par un père rigide et éduqué par les religieuses, il a commencé à se rebeller. Alcoolique dès l’âge de douze ans, Callahan passait son temps dans les bars. En 1972, à l’âge de 21 ans, il a eu un très grave accident avec sa voiture conduite par un compagnon de tournée de bars. Sa colonne vertébrale sectionnée, il est devenu quadriplégique. La journée qui précède l’accident marque le début de DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT.Photo du film DON'T WORRY, HE WON'T GET FAR ON FOOTIl semble que ce qui a réellement intéressé le réalisateur dans ce personnage, c’est la force, le courage et peut-être l’abnégation de John à vouloir continuer à vivre. Ou alors la façon dont cet élément déclencheur l’a obligé à prendre enfin sa vie en main, à sortir la tête de la bouteille et paradoxalement, à ne plus être une victime. Son sale caractère, son esprit contestataire et son mode d’expression sans filtre l’ont sans nul doute aidé à supporter sa nouvelle vie en fauteuil roulant et l’obligation de faire confiance à autrui pour se nourrir, se laver. Un transfert de dépendance, en quelque sorte, comparable à celui rencontré par de jeunes drogués en cure de désintoxication dans La Fête est finie ou dans La Prière.

John n’a en effet pas d’autre choix que d’entrer dans un groupe d’Alcooliques Anonymes pour se désintoxiquer. Mais ce qui va réellement le sauver, c’est surtout sa capacité d’observation de l’être humain qu’il va mettre au service de son talent de dessinateur. Car il se met à dessiner des caricatures drôles et caustiques. Il se prend aussi comme modèle, faisant preuve de cette autodérision qui frôle le désespoir. Et il va être publié dans un journal, suscitant de nombreux débats.

« DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT ne laisse pas au final un grand souvenir et ne donne même pas – un comble – envie de découvrir l’œuvre de John Callahan ! »

Celui qui livre ici une véritable performance d’acteur en incarnant John, c’est le bluffant Joaquin Phoenix, éternel caméléon et dont on rappelle qu’il a obtenu en 2017 le Prix d’interprétation masculine à Cannes avec son rôle dans A beautiful day. Joaquin et son fauteuil, devrait-on dire. Il paraît que les jurés de la Berlinale 2018 ont hésité à lui remettre l’Ours d’argent du Meilleur Acteur.

Une polémique a aussi eu lieu lors de la présentation en avant-première de DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT au Festival de Sundance, à propos du rôle d’un handicapé interprété par un acteur valide. La même polémique avait déjà eu lieu avec les personnages muets de La famille Bélier et avec Tout le monde deboutGus Van Sant y a mis fin en répondant qu’il lui fallait avant tout un acteur et non un handicapé.Photo du film DON'T WORRY, HE WON'T GET FAR ON FOOTPour autant, on n’arrive pas à éprouver la moindre once d’empathie envers John. Même quand il comprend qu’il ne marchera plus jamais. Ni quand il tombe amoureux d’une jeune femme dont on n’a toujours pas compris si elle est visiteuse d’hôpital ou hôtesse de l’air (Rooney Mara). Ni quand il se livre dans son groupe de parole et que le réalisateur utilise les flash backs pour montrer son histoire. Et puis, baser tout un film sur une si courte partie de la vie d’un tel homme sur le chemin de la rédemption (il a vécu jusqu’en 2010) suffit-il à en faire un film digne d’intérêt? On le regrette bien- parce qu’on aime tellement l’œuvre de Gus Van Sant – mais hélas non. Le réalisateur a peut-être été écrasé par la personnalité de son héros et n’est jamais parvenu à poser un regard autre qu’admiratif.

Pour combler des vides dans son scénario, Gus Van Sant a aussi jugé utile de consacrer beaucoup de temps de parole aux autres membres du groupe des AA (dont la chanteuse Beth Ditto, dans son second rôle au cinéma après Nocturnal Animals). Personnages secondaires qui aident John à avancer, ils racontent aussi leur combat contre l’alcoolisme, mais c’est d’un ennui mortel. Le personnage le plus original et le seul qui parvient à émouvoir, c’est Donnie, l’animateur des AA, fils à papa en quasi gourou des années 70, qui lutte encore contre son démon. Jonah Hill, amaigri et auréolé d’une barbe christique, bien loin de son personnage gouailleur habituel (War dogs) est lui aussi bluffant. Enfin, il faudrait expliquer au réalisateur qu’il ne peut pas faire rire, même jaune, pendant tout un film sur les mêmes blagues ! On s’est ainsi lassé des multiples scènes de vitesse de John dans son fauteuil roulant (on en a compté une bonne quinzaine), des chutes qui s’en suivent et des sondes pleines d’urine qui éclatent dans un rire joyeux du héros. Retraçant pourtant brillamment une époque révolue dans DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT ne laisse pas au final un grand souvenir, et ne donne même pas- un comble- envie de découvrir l’œuvre de John Callahan !

Sylvie-Noëlle

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Titre original : Don’t Worry, he won’t get far on foot
Réalisation : Gus Van Sant
Scénario : Gus Van Sant , d’après la biographie de John Callahan
Acteurs principaux : Joaquim Phoenix, Jonah Hill, Rooney Mara, Jack Black
Date de sortie : 4 avril 2018
Durée : 1h43 min
2.5
Décevant

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