THE LAST FACE

[CRITIQUE] THE LAST FACE

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• Sortie : 11 janvier 2017
• Réalisation : Sean Penn
• Acteurs principaux : Charlize Theron, Javier Bardem, Adèle Exarchopoulos
• Durée : 2h11min
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Note du rédacteur

D’un réalisateur un tant soit peu consciencieux, et a fortiori de Sean Penn, ce qu’on n’attend surtout pas c’est qu’il nous inflige une œuvre de propagande gonflée aux bons sentiments. Ses précédents films avaient certes comme défaut d’insister un peu trop lourdement sur le pathos de l’histoire (gros plans sur les yeux mouillés par les larmes, zoom pour souligner un choc, etc.) mais ce n’était jusqu’ici qu’une affection lourdingue pour ses personnages. Avec THE LAST FACE, Sean Penn signe la première publicité pour une ONG déguisée en superproduction lacrymale.

THE LAST FACE raconte l’amour impossible entre deux médecins envoyés par l’association Médecins du Monde dans un conflit armé en Afrique. Le film s’ouvre et se ferme sur un discours du Dr. Peteren (Charlize Theron) qui demande à son amant (le Dr. Leon, joué par Javier Bardem) : « pourquoi doit-on les divertir pour qu’ils nous écoutent ? » Si la phrase désigne l’audience présente ce soir-là pour la récolte de dons, on ne peut s’empêcher de penser que Sean Penn s’adresse directement à nous, en nous enjoignant à donner, pour n’importe quelle cause, à n’importe quelle organisation. Ce sentiment est renforcé lorsque le Dr. Petersen attend son avion dans un aéroport, bouleversée par les événements qu’elle vient de traverser, et ouvre son portefeuille à la première personne venue lui demander « pour la bonne cause. » La jeune fille en face de Charlize Theron n’aura même pas le temps de finir sa phrase, on ne sait ni d’où elle vient ni qui elle prétend sauver.

Photo du film THE LAST FACE
Une histoire d’amour impossible ?

Dans les premières minutes du film on a envie de croire que cette baudruche « droit-de-l’hommiste » n’enfle que pour être mieux dégonflé. On souhaiterait que Sean Penn  nous dresse un portrait au vitriol d’humanitaires partis sur un coup de tête avec le syndrome de Don Quichotte. Mais non, il est très sérieux, il veut vraiment sauver le monde et nous inflige alors 2h12 de sentimentalisme affligeant pour nous persuader du bien-fondé des idéaux de nos deux tourtereaux. L’imagerie misérabiliste donne au film des allures de spot TV contre la famine au Biafra. Zoom sur les blessures, difformités et horreurs alternent ainsi sur les gros plans des deux comédiens principaux, en mode très tristes de ne pas être d’accord sur la façon de gérer le conflit (« Chéri, on a des problèmes de communication »). La forme choisie par Sean Penn est doublement indécente : elle décrédibilise l’action des humanitaires et rend artificiel le sentiment amoureux. Non pas qu’on croit impossible de s’aimer en situation de conflit armé, même avec tout ce sang autour de soi. C’est plutôt qu’on ne croit ni à leur histoire telle qu’elle nous est racontée, ni au message publicitaire du film. Comment être triste qu’un docteur en quitte un autre, alors qu’on vient de voir un homme éventré ? Comment s’apitoyer sur les remords de l’un ou l’œdipe mal digéré de l’autre sans se dire « quels égoïstes ». A trop vouloir forcer notre empathie, THE LAST FACE provoque un rejet violent et immédiat.

Au-delà de l’intrigue et de la mise en scène nauséabonde, Sean Penn redouble maladroitement son propos « We save the world » par une voix-off et des dialogues écrits à la truelle idéologique. L’histoire d’amour sert alors d’argument pour sonder sans finesse les tréfonds de l’âme humaine, à coup de formules alambiquées qu’on dirait directement sorties d’un communiqué langue de bois des Nations-Unies. Très étonnamment, le film a plusieurs fois l’occasion de critiquer lui-même cette dérive idéologique, mais revient systématiquement sur les rails pour mieux souligner à quel point ces héros sans-frontières se sacrifient pour sauver l’Humanité d’elle-même (sic).

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Le comble du ridicule revenant à certaines lignes de dialogues qui font penser à un échange de textos entre deux adolescents vaguement cultivés mais sans la maturité pour mesurer la portée de leurs propos. On retiendra le plus comique : « il faut pas pécho, mais aimer » dicté par un Dr. Love aussi subtil qu’un caillou. Dr. Love, c’est bien le nom tellement grossier du personnage de Jean Reno qui, comme Adèle Exarchopoulos, fait très joli dans le décors mais ne sert absolument à rien.

Avec tous ces éléments mis bout à bout, on avait de quoi tenir un excellent brûlot comique sur l’inutilité des ONG, organisations derrière laquelle nos sociétés se cachent pour mieux oublier la misère du monde qui frappe à nos portes. Triste constat de s’apercevoir que Sean Penn a pris le contre-pied exact de la farce qu’il nous présente, involontairement, en prenant très au sérieux le message puant de THE LAST FACE. Alternant imagerie publicitaire pour ONG et sentimentalisme dégoulinant d’une histoire d’amour dont on se fiche royalement, THE LAST FACE est à voir ne serait-ce que pour comprendre enfin que de grands noms d’acteurs associés à un « message », ne fait pas un bon film. THE LAST FACE est le symptôme même d’un cinéma de festivaliers en train de se replier sur lui-même. En mettant en avant la pseudo morale plutôt que les qualités intrinsèques d’un film, les festivals comme Cannes deviennent des institutions bien-pensantes qui réifient une idéologie sans questionner le monde qui les entoure. Quand arrêtera-t-on de donner du crédit à des films sous prétexte qu’ils « dénoncent » quelque chose ? Si seulement le ridicule pouvait tuer, THE LAST FACE serait enterré avant même sa sortie.

Thomas Coispel

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