MASTERCLASS WILLIAM FRIEDKIN

[MASTERCLASS] WILLIAM FRIEDKIN

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Jeudi, après une courte introduction de Thierry Frémaux, William Friedkin est apparu et a traversé la salle en serrant avec chaleur les mains des spectateurs sur son passage. Véritable ovation devant le réalisateur de French connection, L’exorciste et Police Fédérale Los Angeles.

« Do you mind if I stand ? ». Rires dans la salle. William Friedkin préfère rester debout obligeant ainsi Samuel Blumenfeld qui mène la rencontre et la traductrice à en faire autant. On avait pu le remarquer lors de sa courte présentation de La chasse, Friedkin n’est pas du genre à rester assis. Quand il parle à l’assemblée cela relève même un peu du spectacle tant il se délecte à rendre son récit vivant, drôle et passionnant. « Il n’y a bien que dans la ville qui a vu naitre le cinéma qu’on voit autant de cinéphiles dans une salle à trois heures de l’après midi ! ».

Blumenfeld évoque les débuts au cinéma de Friedkin et lui rappelle qu’il n’a pas fait d’études ni de cinéma ni d’autre chose. « Je suis allé jusqu’au lycée quand même ! » se défend-il. A l’époque, il faut dire que l’on pouvait devenir cinéaste en démarrant en bas de l’échelle. Né à Chicago en 1935, William Friedkin découvre réellement le cinéma quand à 18 ans il voit Citizen kane. Ce fut un tel choc qu’il resta dans la salle et le vit quatre fois d’affilée. A l’instar de Sidney Lumet ou Brian De Palma, Friedkin démarre à la télévision pour qui il réalise ses premiers documentaires. Lui qui fuit les mondanités se retrouve un soir à une fête organisée par une riche femme de Chicago et fait la rencontre d’un prêtre protestant qui travaille dans les couloirs de la mort. Ce dernier lui parle de Paul Crump qui attend son exécution depuis 9 ans. Friedkin demande à le rencontrer et persuadé de son innocence, il réalise un documentaire sur le détenu. Ce sera The people vs Paul Crump. Le film visionné par la cour permettra à l’innocent de se faire gracier. Il réalise alors tout le pouvoir que peut avoir le cinéma. « Je ne savais pas exactement ce que j’allais filmer mais je savais que je pouvais aider cet homme d’une manière ou d’une autre ».

Blumenfeld en profite pour souligner le penchant documentaire de Friedkin qui transparait dans chacun de ses films. « Vous avez le droit de me poser des questions plus violentes hein ! ». Il enchaine avec le récit bouleversant d’une exécution à laquelle il a assistée. « Il n’y a pas un jour où je n’y pense pas ». Pendant vingt minutes, un silence glacial dans la salle alors que Friedkin témoigne de chaque détail de cette exécution avec beaucoup d’émotion. Tout son génie du récit, son talent à donner à voir, à incarner est là devant nous.MASTERCLASS WILLIAM FRIEDKINFriedkin est aussi un grand cinéphile. Selon lui, trois films ont révolutionné le cinéma : Naissance d’un nation de Griffith, Citizen Kane d’Orson Welles et A bout de souffle de Godard. « Aujourd’hui encore même les shows télévisés s’inspirent d’A Bout de souffle«  Il évoque également de nombreux réalisateurs et adresse un joli clin d’œil à Hugh Hudson présent dans la salle en lui disant combien il adore son film Les charriots de feu (projeté au Festival) et combien il le trouve spirituel. Blumenfeld revient vers sa filmographie et l’interroge sur sa manière de travailler, sur ses choix d’acteurs. Moment hilarant où il raconte comment Fernando Rey s’est retrouvé sur ce film. Il avait vu Belle de jour et voulait embaucher celui avec son avec son “4 o’clock tan“ (en réalité Francisco Rabal) mais erreur de casting, c’est Fernando Rey qui est invité à rejoindre le tournage. Friedkin vient l’accueillir à l’aéroport et découvre l’allure princière de Rey, son bouc blanc qu’il refusait de raser et se dit que ça ne marchera jamais. Furieux, il convoque son producteur et son directeur de casting en leur ordonnant de le virer. Mais devant l’impossibilité de remplacer Rey, il le garde et contre toute attente, Rey campera un magistral Alain Charnier. Quant à Gene Hackman, tout aussi magistral, Friedkin avoue avoir eu des réticences au départ, le trouvant trop « chiant ». Hackman étant le « last man standing » pour le rôle, Friedkin doit s’en satisfaire. Si l’on imagine pas aujourd’hui de meilleur casting, Friedkin se dit lui que le « dieu du cinéma » était avec lui cette fois encore.MASTERCLASS WILLIAM FRIEDKINIl évoque d’ailleurs à plusieurs reprises ce « dieu du cinéma » qui l’a souvent accompagné comme lorsqu’il remonte 56 blocs à pied avec son producteur pour réfléchir à quelle scène de poursuite il pourrait réaliser et que soudain il imagine une course entre le métro aérien et une voiture. Avec son producteur, il vont voir le responsable de la compagnie de métro et lui demande si ce qu’il envisage serait possible (c’est-à-dire une course poursuite en plein New York avec des gens et non comme cela se faisait toujours, sans aucune personne dans le champ à part les deux qui se poursuivent). Le type lui dit qu’il est fou et que cela parait presque impossible. Friedkin se dit alors qu’il trouvera une autre idée et s’éloigne. « J’ai dit PRESQUE impossible ! » ajoute le type. Son producteur sicilien précise Friedkin comprend le sous-entendu. « Vous voulez combien ? ». Quarante mille dollars et un billet aller simple pour la Jamaïque en guise d’accord et l’une des plus grandes scènes de course poursuite était née. « Il est encore en Jamaïque à ce jour ! Mais aujourd’hui si c’était à refaire, jamais je ne prendrais un tel risque. Nous étions inconscients et avons risqué la vie de beaucoup de personnes pour tourner ces scènes. Et sans aucun scénario ». Ironie du sort, le film sera récompensé de l’Oscar du meilleur scénario en 1972 en plus de l’Oscar du meilleur réalisateur bien mérité pour Friedkin. « Si j’avais vu les films de Buster Keaton à ce moment-là, jamais je n’aurais eu l’audace de tourner cette scène. Keaton a réalisé les plus grandes courses poursuites du cinéma. » Le « dieu du cinéma » intervient également sur le casting de la fillette de L’exorciste. Friedkin a auditionné un nombre incroyable de personnes jusqu’au jour où une femme arrive avec sa fille de 12 ans. Friedkin lui pose des questions sur le film, lui demande si elle sait de quoi il parle. « Bien sûr, j’ai lu le livre ! ». C’était Linda Blair.

William Friedkin clôt cette rencontre en rendant un bel hommage au cinéma qui certes est encore un art jeune mais laisse déjà de belles œuvres comme empreintes. Les films de Friedkin en sont une belle preuve.

Anne Laure Farges

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