Le documentaire LES SAISONS a été présenté en avant-première à Bordeaux, en présence des deux réalisateurs Jacques Perrin et Jacques Cluzaud (co-réalisateurs de Le Peuple Migrateur et Océans). Étaient également présents le scénariste Stéphane Durand et l’un des membres du Comité Scientifique Gilbert Cochet. Nous avons eu la chance de les rencontrer et d’assister par ailleurs à un échange très instructif de l’équipe du film avec de jeunes écoliers de primaire et de collège.
Nous vous livrons ici ce que nous avons retenu de leurs passions et de leurs intentions au cours de ces rencontres avec les deux réalisateurs, le scénariste et le scientifique, tout en faisant le lien avec notre critique face à ce magnifique documentaire.
Les intentions des réalisateurs et le scénario – Le rôle du Comité Scientifique et des conseillers scientifiques- Le message du film
Ce que nous ont dit réalisateurs, scénariste et scientifique
– Jacques Perrin: Nous voulions réaliser un film sur notre territoire européen, car nous avons aussi de magnifiques paysages. Notre défi, c’était de montrer l’Europe sauvage à la seule condition de remonter à 20000 ans d’histoire. Notre moteur a été de revisiter l’histoire du point de vue animal avec les animaux d’antan (les Rennes, les Bisons…), et non l’histoire du point de vue de l’homme tel qu’on enseigne à l’école.
– Stéphane Durand: Trouver l’idée et l’approche a pris du temps (deux ans). Après l’Âge de Glace se met en place l’Âge d’or de la forêt et des grands arbres, qui est aussi le moment où apparaît le cycle des saisons. Le sous- titre du film est d’ailleurs « 20 000 ans d’histoire au cœur du monde sauvage« . C’est pour cette raison que le scénario et les scènes sont très écrits.
– Stéphane Durand : De fait, il était fondamental de faire valider les détails par les membres du Comité Scientifique, qui nous ont accompagné dès le départ, depuis la préparation et l’écriture du scénario, mais aussi sur le tournage et en promotion.
– Jacques Perrin :Nous nous sommes nourris de leur passion, de leur humour. Ces experts sont de grands enfants, vulgarisateurs de leur science, qui sont très heureux que le cinéma parle de leurs recherches. C’est une chance formidable de partager avec de grands professeurs, c’est aussi cela le pouvoir du cinéma (Ndlr : Yves Coppens, Gilles Boeuf, Jean-Marie Pelt étaient notamment conseillers scientifiques du film).
– Gilbert Cochet: Il ne s’agit pas pour autant d’être défaitiste, ni moralisateur, ni prophète et encore moins annonciateur de catastrophes… on y est déjà ! Nous ne sommes pas pessimistes, sinon pourquoi faire des films sur la question ? Mais bien sûr, on ne peut pas réparer le mal que l’homme a fait à la nature comme si on réparait un monument. La seule chose à faire, et c’est le message de notre film, c’est d’encourager les spectateurs à protéger la nature et de la laisser tranquille : les arbres poussent tous seuls, la faune sauvage se reconstitue, la nature revient en puissance, les animaux se reproduisent. Il faut créer des sanctuaires, comme des parcs nationaux et des réserves naturelles avec des corridors afin que les animaux puissent passer d’un sanctuaire à l’autre. L’homme peut aussi réparer en réintroduisant des espèces qui ont disparu au XXème siècle, comme c’est déjà le cas avec les loups, les grands ducs, les castors, les grues cendrées et les lynx.
Notre critique du scénario
La vocation pédagogique et la portée documentaire de ce projet ambitieux sont indéniables, gageons que LES SAISONS plaira à toutes les générations de spectateurs. Comme pour Océans ou Le Peuple Migrateur, ils resteront scotchés par cette oeuvre qui répond en de nombreux points au défi fixé par les porteurs du projet.
Le scénario est construit en deux parties distinctes. Les deux premiers tiers de LES SAISONS donnent ainsi à voir les animaux vivre et survivre, gambader et se frotter les uns aux autres, chaîne alimentaire oblige. Ce parti pris de rester du point de vue seul des animaux est charmant, mignon, émouvant, instructif , il permet de revenir à l’essentiel de la nature, devinant à peine les traces de l’homme qui apparaît parfois dans l’ombre ou derrière un arbre, présence lointaine et pourtant si proche et influente.
Le dernier tiers de LES SAISONS bascule vers un discours moins joyeux, ça ne gazouille plus, voire ça devient plombant. Sont évoqués les dégâts causés sur la nature par les hommes, qui ont abattu les forêts pour construire des bateaux, sont responsables de la domestication de certains animaux et de la disparition de certains, comme les loups. L’être humain n’a pas tenu compte de la vie de ses « compagnons de planète » et cette dimension du film est presque culpabilisante pour le spectateur, qui n’avait pas conscience de son influence aussi négative ! LES SAISONS se termine là, mettant en avant la nécessité d’une nouvelle alliance, mais sans donner véritablement de pistes.
« LES SAISONS est un documentaire magnifique, réalisé par des passionnés, qui émerveillera petits et grands. »
La mise en scène et les animaux
Ce que nous ont dit réalisateurs, scénariste et scientifique
– Jacques Cluzaud: Nous avons mélangé deux approches : le monde de la nature et de la vie sauvage d’un coté, et le monde du cinéma de l’autre. Deux types d’images nourrissent le film : celles filmées dans la vie sauvage et les scènes reconstituées, dont on sait qu’elles ont existé dans le passé, comme la course folle entre les chevaux Tarpan et les loups, scène forte du film, que nous avons finalement filmée telle quelle.
–Jacques Perrin: Nous avions très envie d’aller à la rencontre du monde sauvage et de filmer les animaux comme des acteurs. C’est pour ça que notre film n’est pas comme un documentaire classique, il y a de vraies scènes d’action comme au cinéma ! Nous considérons vraiment les animaux comme des acteurs. La mise en scène avec les animaux n’a été possible qu’avec la technique de l’imprégnation, que nous avions déjà utilisée pour Le Peuple Migrateur. Ce principe développé par Konrad Lorenz avec ses oies cendrées, est que le premier contact que voit l’animal à sa naissance dans un parc naturel, c’est l’homme, qu’il va considérer comme son parent de substitution. Ce lien peut paraître un peu artificiel, mais nous nous engageons à prendre soin des animaux. Une trentaine d’imprégnateurs ont ainsi passé deux ans de leur vie avec ces animaux, pour les habituer à la présence humaine, gagner leur confiance. Ce ne sont pas des dresseurs, parce qu’on ne demande rien aux animaux que l’on filme, on vit leur vie avec eux.
Le maître mot, c’est qu’on n’apprivoise ni ne domestique aucun animal. Ainsi les combats de chevaux, de cerfs ou d’ours n’ont pas fait l’objet de dressage, ce sont des combats réels et ritualisés dans la nature. Ces animaux n’ont pas peur de l’homme, même si on devait quand même faire attention : ainsi on avait un extincteur dans les mains pour repousser les ours pendant la scène de combat au cas où. Travailler avec le monde animal donne beaucoup d’humilité, il n’y a pas de star à gérer ! L’approche du monde sauvage procure tant d’émerveillement et d’émotion ! La proximité avec les animaux change définitivement la vie des hommes qui vivent avec.
Notre critique de la mise en scène
La rencontre avec les réalisateurs nous a appris que la reconstitution de certaines scènes issues du passé, comme les courses folles des chevaux et des loups ou les différents combats, était donc le fruit du travail de l’imprégnation. Mais il faut bien avouer que considérer que les animaux, tels des acteurs, jouent une scène, est particulièrement troublant : comment en effet ne pas penser que les réalisateurs emmènent le spectateur exactement dans la direction qu’ils souhaitent et non celle des animaux eux-mêmes, influençant eux aussi d’une certaine manière la nature?
La photographie et les moyens techniques
Ce que nous ont dit réalisateurs, scénariste et scientifique
– Jacques Cluzaud: Nous avons mis en oeuvre des développements techniques pour pouvoir accompagner les animaux dans leurs mouvements, pour les découvrir dans leurs expressions et partager leur vie. Il a fallu inventer des outils qui n’existaient pas pour pouvoir rendre compte de cette proximité. Ainsi l’ULM qu’on avait déjà utilisé pour Le Peuple Migrateur et qu’on a amélioré pour le vol du coléoptère, ou un scooter à quatre roues électriques qu’on a amélioré pour aller au plus près de la vitesse des sangliers et des loups. On a aussi utilisé des drones.
Nous avions plusieurs équipes de tournage, présentes aussi bien dans la vie sauvage que pour la reconstitution de certaines scènes. Nous avons travaillé avec le caméraman Laurent Charbonnier, qui a notamment filmé la scène où la biche met bas : il fallait être très discret sinon elle se retient. Nous étions cachés dans des tentes blanches. Il faut être très patient, il a fallu qu’on attende parfois plusieurs semaines pour un moment intéressant. La scène des écureuils volants a par exemple été filmée durant une semaine entière, de nuit.
Même si nous avons parfois créé des décors de cinéma et fabriqué des faux nids dans un tronc d’arbres, nous avons évidemment tourné en décor naturel et n’avons évidemment violenté aucun animal ni coupé aucun arbre.
Notre critique de la photographie
Les images, véritable ode à la nature, sont magnifiques et un vrai régal pour les yeux. Au plus près de la vie des animaux, un sourire aux lèvres devant tant de malice et de maladresse ou le cœur battant devant les scènes de combat, l’émotion est présente… même si le procédé devient un peu lassant sur la longueur.
Les dialogues et la musique
Ce que nous ont dit réalisateurs, scénariste et scientifique
–Jacques Perrin: Bruno Coulais nous accompagne depuis Le Peuple migrateur, et ce qui est épatant avec lui, c’est qu’il cherche, s’inspire des sons naturels, accompagne les mouvements des animaux. Il y a beaucoup d’humilité chez lui. Il ne vient jamais en contradiction avec la sonorité naturelle.
Le film est fait pour être en sensibilité directe avec ce que nos yeux voient à l’écran, il n’était donc pas besoin de commenter les images, sauf pour expliquer le passage des saisons et les périodes historiques.
Notre critique de la musique
La voix chaude et suave de Jacques Perrin n’intervient effectivement que pour donner de trop rares indications historiques ou contextuelles, faisant avant tout de LES SAISONS une véritable expérience sensorielle et visuelle. Les bruits des animaux sont présents, et la musique accompagne avec justesse l’émotion ressentie face à de nombreuses scènes.
Le temps passé sur le film et les moyens
Ce que nous ont dit réalisateurs, scénariste et scientifique
– Jacques Perrin et Jacques Cluzaud: Nous avions mis 4 ans pour Le Peuple Migrateur, et 5 ans pour Océans. Pour Les Saisons, ça nous a pris le temps de deux saisons et demi : 2 ans pour écrire le scénario et rencontrer les experts puis 1 an et demi pour le tournage et le montage. Nous avons filmé près de soixante-dix animaux. Il y a eu près de trois cent personnes qui ont travaillé sur la totalité du film, pas en même temps évidemment, parfois jour et nuit. Pendant la préparation, il y avait les personnes qui travaillaient à l’imprégnation des animaux, mais aussi les repéreurs de décors qui ont fait un tour d’Europe pour trouver les forêts primaires. Particulièrement en Pologne qui possède encore des forêts de grands chênes. Il y avait aussi bien sûr l’équipe de cameramen et du son, puis les monteurs.
– Jacques Cluzaud: Nous allons bientôt développer Les Saisons sous la forme d’une série pour la télévision, au format de trois épisodes de 52 minutes, sur la même histoire mais cette fois avec plus de paroles. Et nous diffuserons bientôt le making-off du film qui dévoilera toutes les coulisses du tournage.
Notre avis général
Tant de moyens mis au service de tant de passion pour un tel résultat pédagogique ne peut que forcer notre respect de spectateur. Nul doute que LES SAISONS est un film qui réjouira les familles et sera l’objet d’émerveillement des petits et des grands.
Sylvie-Noëlle
D’ACCORD ? PAS D’ACCORD ?
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• Réalisation : Jacques Perrin, Jacques Cluzaud
• Scénario : Jacques Perrin, Jacques Cluzaud, Stéphane Durand avec la collaboration de François Sarano
• Pays d’origine : France, Allemagne
• Sortie : 27 Janvier 2016
• Durée : 1h37min
• Distributeur : Pathé Distribution
• Synopsis : Après avoir parcouru le globe à tire d’ailes avec les oiseaux migrateurs et surfé dans tous les océans en compagnie des baleines et des raies mantas, Jacques Perrin et Jacques Cluzaud reviennent pour ce nouvel opus sur des terres plus familières. Ils nous convient à un formidable voyage à travers le temps pour redécouvrir ces territoires européens que nous partageons avec les animaux sauvages depuis la dernière ère glaciaire jusqu’à nos jours.
L’hiver durait depuis 80 000 ans lorsque, en un temps très bref, une forêt immense recouvre tout le continent. Une nouvelle configuration planétaire et tout est bouleversé…
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