THE UGLY STEPSISTER, Emilie Blichfeldt revisite Cendrillon à coups de bistouri – Interview

Interview avec la réalisatrice Emilie Blichfeldt
Crédits : TheCritizMan / YouTube

Avec The Ugly Stepsister, la réalisatrice Emilie Blichfeldt réécrit le mythe de Cendrillon à la sauce horrifique. Au centre du film : Elvira, la « vilaine » demi-sœur, prête à tout pour plaire au prince… y compris à meurtrir son propre corps.

On dit qu’il faut souffrir pour être belle. Ce dicton infâme, Emilie Blichfeldt le connaît trop bien – elle en a même fait son cheval de bataille. Le prix de la beauté est un thème récurrent dans ses courts-métrages. Pas surprenant, donc, que cette thématique soit au cœur de The Ugly Stepsister, son premier film sorti le 2 juillet 2025.

La réalisatrice norvégienne s’empare du mythe de Cendrillon, un classique dont elle a redécouvert récemment toute la puissance. Mais ce n’est pas la douce héroïne qui a retenu son attention. « Je me suis tout de suite reconnue dans la demi-sœur. Pas seulement parce qu’on chausse du 42 toutes les deux ! » Elle y a surtout vu un reflet de sa propre expérience : « Ça a été une surprise, car c’était un personnage que je n’avais jamais vraiment considéré. Parfois, je m’en moquais même. Mais il faut bien l’admettre, Elvira, c’est moi. »

Elvira, cette demi-sœur que l’on daigne à peine regarder. Tapie dans l’ombre, elle observe la jolie Cendrillon gagner les faveurs du prince. Perdre cette bataille ? Impossible. Sous les ordres de sa mère, elle enchaîne les opérations chirurgicales. Il faut tout refaire, tout changer sur son visage pour plaire.

Mais à quoi bon ? « Il n’y a qu’une seule Cendrillon. Les autres doivent galérer à enfiler cette chaussure », constate Emilie Blichfeldt. « Au fond, nous sommes toutes des demi-sœurs. »

Une beauté hors cadre

Avec son appareil dentaire, ses cheveux noués de rubans et ses rondeurs, Elvira ne fait pas figure de prétendante idéale. Pire encore : elle n’est même pas prise en compte dans cette course à la main du prince. Pour ses camarades, elle n’est qu’une adolescente laide, comme si ce seul visage suffisait à la disqualifier.

« Elle ne correspond pas aux standards de beauté, mais ce n’est pas pour autant qu’elle est moche », souffle la réalisatrice. « La notion de beauté évolue sans cesse. Et il existe mille façons d’être belle. »

Elle prend l’exemple d’une amie : « J’ai une copine qui a une dent de travers, et je trouve ça magnifique ! Elle perdrait une part de sa beauté, de son humanité, si elle la faisait retirer. »

« Vous connaissez la différence entre le gore et la body horror ? »

Si ce discours est au cœur du récit, Emilie Blichfeldt n’en oublie pas pour autant la forme.
« Le message est important, mais l’expérience cinématographique prime à mes yeux. »
Pour son premier film, la réalisatrice norvégienne a choisi une approche… peu ragoûtante. Qui lui vaut d’ailleurs une interdiction aux moins de 16 ans en France.

Parmi ses inspirations, David Cronenberg arrive en tête. « Il t’injecte ses idées directement dans les veines, en connectant ton corps à celui des personnages. » Comme lui, Emilie Blichfeldt transforme les corps pour raconter quelque chose – pas seulement pour choquer ou faire frémir.

« Vous connaissez la différence entre le gore et la body horror ? », lance-t-elle, malicieuse. « La body horror porte toujours un sens, à travers des images, des symboles ou une esthétique particulière. » Les innombrables opérations subies par Elvira en sont la preuve, toutes aussi pénibles à regarder les unes que les autres. La célèbre expression évoquée en ouverture résonne alors tout autrement : chaque supplice la rapproche un peu plus du visage « parfait ».

Quand la douleur devient palpable

Chaque meurtrissure, si réelle, si violente, semble toucher jusqu’au spectateur. « Quand Elvira se coupe le pied pour le faire rentrer dans la chaussure, on le ressent presque dans notre propre corps », observe la réalisatrice.

Peut-être la meilleure façon de raconter la dysmorphophobie : en la faisant vivre au public. « Quand tu es dans un corps que tu n’aimes pas, c’est une expérience viscérale, pas intellectuelle. » Elle ajoute : « Je trouve ça formidable que l’on puisse éprouver une telle empathie à l’égard des autres. »

Peut-être même un peu trop… Une poignée de spectateurs auraient rendu leur déjeuner pendant la séance. « Je ne pensais pas que certains iraient jusqu’à vomir ! », s’exclame-t-elle en riant.

Retrouvez l’intégralité de cet interview en vidéo ci-dessous, grâce à un binôme avec TheCritizMan lors de l’événement. Nous en profitons pour le remercier de cette captation !

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