

Les fans du réalisateur Wes Craven regretteront que son nom reste associé, aujourd’hui encore, à des petites productions souvent imparfaites, alors que d’autres nom du cinéma d’horreur de cette génération ont atteint la reconnaissance critique (John Carpenter, Sam Raimi, ou même Tobe Hooper). Et pourtant, une rétrospective à la Cinémathèque française en 2016 était là pour le montrer, l’univers et la filmographie de Wes Craven, malgré des problèmes de production sur certains films, est passionnant. On peut citer aussi le récent magazine spécial MadMovies Hors-Série N°77a et N°77b de février 2024 qui fournit un tour d’horizon très complet sur la carrière du réalisateur.
À l’origine du cinéma d’horreur
Il faut commencer par dire que Wes Craven se situe incontestablement à l’origine du cinéma d’horreur moderne avec le film choc La Dernière maison sur la gauche (1972). À cette époque aux États-Unis d’Amérique, plusieurs événements rendent possibles un tel film. Tout d’abord, le code de la production – qui régulait jusque là ce qui était montrable au cinéma – est assoupli au profit d’un système de catégories. Ensuite, les foyers américains reçoivent des images très violentes des actualités relatives à la guerre du Viêt Nam, ce qui inspirera sans doute Wes Craven dans le traitement documentaire de la violence pour son film. Enfin, le milieu du cinéma indépendant new yorkais des années 1970 incite à la production de films à petit budget audacieux. Le résultat en est La Dernière maison sur la gauche, un film qui enfermera définitivement Wes Craven, malgré lui, dans le cinéma d’horreur.
Le film est un film de vengeance très violent où la cruauté et la crudité des scènes marquent une génération de spectateurs. Craven pose pourtant déjà les éléments présents dans la suite de sa filmographie, comme un traumatisme à élucider : une famille monstrueuse, une maison remplie de dangers, un dérèglement sexuel (il y a une discussion dans le film où l’un des personnages affirme que le plus grand criminel sexuel du siècle c’est Freud, car depuis tout le monde voit des symboles sexuels partout).
Des classiques dans la filmographie de Wes Craven
Il faut ensuite parler des classiques intemporels de Wes Craven : La Colline a des yeux (1977), Les Griffes de la nuit (A Nightmare on Elm Street, 1984), Scream (1996). Craven aura ainsi marqué chaque décennie de son empreinte dans l’histoire du cinéma d’horreur. Pour mesurer à quel point ces films sont cultes, signalons que l’un des personnages les plus marquant de La Colline a des yeux, joué par l’acteur Michael Berryman, se retrouve en clin d’œil dans le film pour adolescent Weird Science (Une créature de rêve) de John Hugues en 1985.
Disons aussi que Les Griffes de la nuit inaugurera une franchise de sept films, et que Scream rencontrera un immense succès aboutissant à être maintes fois copié (Urban Legend, 1998) ou parodié (Scary Movie, 2000). Au passage, deux personnages mythiques, Freddy Krueger et Ghostface, deviennent des « monstres » incontournables de la culture populaire.
Inutile de revenir en détail sur ces films cultes. Notons simplement le premier rôle d’un certain Johnny Depp dans Les Griffes de la nuit, et la position novatrice de Scream d’être un film d’horreur dans lequel les personnages connaissent les films d’horreur (et sont conscients d’en faire partie).
Des curiosités honnêtes à redécouvrir
Au titre des curiosités à redécouvrir, on peut citer : L’Emprise des ténèbres (The Serpent and the Rainbow, 1987), Shocker (1989) ou Le sous-sol de la peur (The People Under the Stairs, 1991).
Pour en dire quelques mots, L’Emprise des ténèbres (1987) est un film de vaudou haïtien halluciné porté par l’acteur Bill Pullman qui mêle des images oniriques à un reportage quasi documentaire sur la situation politique en Haïti. C’est sans doute un des films oubliés de Craven les plus maîtrisés où la question passionnante de la nature de la mort ne cesse de hanter le spectateur.
Shocker (1989) est l’histoire d’un tueur en série ayant fait un pacte, non pas avec le diable mais avec la télévision ! A l’occasion de son passage sur la chaise électrique, il va alors passer à une existence incorporelle passant de corps en corps jusqu’à se perdre dans les émissions de télévision des foyers américains. Sur sa route, un jeune homme ayant d’étranges prémonitions. Il y aurait ici beaucoup à dire en particulier sur les thèmes de la famille américaine et de l’influence (la dépendance) de la télévision.
Enfin, Le sous-sol de la peur (1991) présente un conte dérangé où « Papa » et « Maman » sont un duo raciste conservateur gardant dans leur sous-sol des prisonniers à qui on donne à manger de la viande humaine. Déconstruction cauchemardesque de la famille américaine, le film porte une attention toute particulière à la question des inégalités de richesse qui mérite d’être souligné.
L’héritage
L’héritage de Wes Craven a commencé de son vivant avec les excellents remakes de La Colline a des yeux (Alexandre Aja, 2006) et de La dernière maison sur la gauche (Dennis Iliadis, 2009). Pourtant, de Scream à Scream 4, Wes Craven semble avoir fait le constat de la fin d’un certain cinéma d’horreur. Le cinéma d’horreur tel qu’il le concevait n’existe plus et les spectateurs de cinéma d’horreur eux-mêmes n’arrivent plus à être impressionnés par ses images. Ne restent que l’appât grand-guignolesque de l’hémoglobine à tout-va (tendance dite du « torture-porn » symbolisée par les films Saw, 2004 et Hostel, 2005) et des productions « concepts » souvent insipides calibrées pour rapporter de l’argent à défaut de produire un souvenir durable au spectateur (les créations de masse de la société de production « Blumhouse Productions » depuis 2009 et le film Paranormal Activity).
Alors au final, il faut continuer à voir et revoir les films de Wes Craven comme des films qui étaient là au début du cinéma d’horreur, et peut-être aussi à la fin d’un certain cinéma d’horreur qui va des années 1970 aux années 2000. Force est en effet de constater qu’avec Wes Craven s’en est allé une certaine idée de l’horreur.
Olivier09
Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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