4 HISTOIRES FANTASTIQUES

4 Histoires Fantastiques, l’éventail français du genre – Critique

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Grave, Revenge, Dans la brume…on délire ou bien une effervescence nouvelle est en train de réveiller le cinéma de genre en France ? 4 HISTOIRES FANTASTIQUES arrive à point nommé dans ce contexte enthousiasmant pour nous faire découvrir quatre cinéastes prometteurs, proposant chacun une approche différente du fantastique.

En 2016, le magazine SOFILM, en partenariat avec CANAL+ et le CNC, eut la judicieuse idée de créer un laboratoire d’idées, afin d’encourager l’écriture et la production de courts métrages de genre. Depuis, les résidences SOFILM ont pour but de favoriser des modes d’écriture innovants, en laissant davantage de place aux expériences d’écriture collective, ainsi qu’aux apports de la littérature et de la musique. Elles permettent également d’associer très tôt dans l’élaboration des projets, les principaux acteurs de la fabrication des films, tels que les grands studios d’effets spéciaux français. Il résulte de cette initiative, le film à sketchs 4 HISTOIRES FANTASTIQUES qui présente justement quatre propositions de cinéma, en entendant prouver que le fantastique ne doit plus être désormais considéré comme le parent pauvre du paysage français. Dépourvu des scénettes qui font habituellement la jonction entre les segments de ce type d’anthologie, le manifeste artistique de SOFILM DE GENRE se contente de nous délivrer les quatre courts métrages, en misant sur la diversité des degrés de fantastique et des univers « genrifiques » afin d’apparaître comme une entreprise riche et aboutie.

CHOSE MENTALE de William Laboury
Les solennités commencent avec le court métrage de William Laboury, dans lequel une jeune femme électrosensible voyage hors de son corps. Se présentant d’abord comme un monologue introspectif, CHOSE MENTALE dévoile l’intérêt de son concept dans sa deuxième partie, avec un ingrédient de home invasion fort bien exploité. Si l’objectif des résidences SOFILM est de prouver que le fantastique peut trouver sa voie en France en proposant des directions artistiques ni folkloriques ni foutraques, alors cet objectif est déjà atteint aux vus du travail de Laboury. Par une utilisation habile des flous, par des sonorités électro atmosphériques et par un code couleurs focalisé sur les teintes bleues et lavande, Laboury compose une œuvre sensitive des plus élégantes. Le cocon visuel de CHOSE MENTALE semble traversé par une onde (électrique ? émotionnelle ? métaphysique ?) à la fois pale et lumineuse, qui n’est pas sans rappeler l’approche d’Upstream Color, quant à l’espace et au temps.

Photo du film CHOSE MENTALE

LIVRAISON de Steeve Calvo
Vous reprendrez bien un peu de zombie ? C’est à cette figure emblématique du cinéma fantastique de prendre le relais avec LIVRAISON, et de trancher radicalement avec les humeurs pastel de CHOSE MENTALE. Les contrastes affirmés de la photographie mettent ainsi en relief le jeu sur les textures de la viande crue, de la rouille et de la boue. On observe cet environnement post-apocalyptique en attendant désespérément de comprendre quelle est la place et le projet du protagoniste, frère caché dépressif de Hugh Laurie. Et in fine, le road movie apparaît comme une errance absurde qui évoque à l’évidence la fragilité existentialiste de La Route, le chef-d’œuvre de Cormac McCarthy. Steeve Calvo n’a pas un rôle facile au sein de l’anthologie, puisqu’il signe le segment le plus ancré dans un courant esthétique et dans une famille de récits identifiables. On peut donc saluer la maîtrise de l’exercice accompagné d’un air d’harmonica, digne d’un western automnal et crépusculaire.

Photo du film LIVRAISON

AURORE de Mael Le Mée
Le spectacle continue avec cette fois-ci une approche plus domestique du fantastique. L’adolescente qui donne son nom au segment se découvre la capacité de remodeler son corps, et d’entrer en interaction avec ceux des autres de manière surprenante. Cette fable sur la découverte de la sexualité est sans doute le court métrage de la collection qui pêche le plus par sa construction maladroite. Cependant si sa narration n’est pas totalement maîtrisée, AURORE reste un objet de curiosité qui semble vouloir ancrer une forme de body horror soft dans un décorum de cinéma d’auteur français. Avec leurs tignasses bouclées et leurs sous-pulls BCBG, ces adolescents semblent sortis d’un film de François Ozon ou de Christophe Honoré, et ce parti pris esthétique perturbe notre rapport au concept fantastique, qui peut ainsi apparaître à la fois inquiétant et amusant. Il est donc d’autant plus surprenant de voir dans ce contexte domestique et vraisemblable, la parenthèse de poésie symboliste que se permet Mael Le Mée en mettant sa jeune héroïne face à une chouette blanche.

Photo du film AURORE

ACIDE de Just Philippot
Choix judicieux que de conclure 4 HISTOIRES FANTASTIQUES sur le court métrage de Just Philippot, puisqu’il est à la fois le plus court et le plus percutant de l’anthologie. ACIDE représente l’approche la plus agressive du genre, et le prouve dès ses premières secondes « rentre-dans-le-lard » qui, à la différence des trois autres récits, installe directement l’argument fantastique sans entretenir de mystère. Pris au piège dans un cadre presque carré, donc des plus oppressants, les protagonistes n’ont d’autre choix que la fuite permanente entre deux pluies acides, accompagnée par une caméra très réactive et par conséquemment diaboliquement immersive. Le rythme effréné exacerbe l’angoisse que l’on partage avec le personnage de l’enfant, répétant ses questions aux adultes en attendant désespérément une réponse rassurante. Comme ce gamin, le public est embarqué dans un cauchemar climatique qui ne laisse jamais une seconde de répit. Comparé à ACIDE, Phénomènes est une promenade de santé.

Photo du film ACIDE

On remarquera que dans sa volonté de composer un cinéma fantastique à spectre large, 4 HISTOIRES FANTASTIQUES à éviter l’écueil du traitement comique ultra-référentiel ou sarcastique, que l’on retrouve fréquemment dans les sélections de festivals. Entre poésie, intimisme, trouble et angoisse, l’offre de l’anthologie est déjà large et nous met en appétit pour la collection de longs métrages, dont la promotion 2017 des résidences SOFILM devrait accoucher prochainement.

Arkham

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Réalisation :William Laboury, Steeve Calvo, Mael Le Mée et Just Philippot
Scénario :William Laboury, Anne Brouillet, Pierre Cendors, Steeve Calvo, Jean-Etienne Martin, Mael Le Mée et Just Philippot
Acteurs principaux :Sophie Breyer, Didier Bourguignon et Manon Valentin
Date de sortie :le 14 février 2018
Durée : 1h15min
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