Malgré un scénario-prétexte sans grande profondeur, Tim Burton crée la surprise avec cette suite sympathique et fidèle à l’esprit de son premier film. BEETLEJUICE BEETLEJUICE touche en effet les fans de la première heure, en ravivant les obsessions de son auteur.
Beetlejuice…
Après des années de frustration chez Disney, Tim Burton obtient son premier succès au box office avec Pee Wee’s Big Adventure en 1987. Satisfaite de cette réussite commerciale, la Warner envisage Burton pour la réalisation de Batman. Or, le projet tarde à obtenir son feu vert. Les mains libres, le réalisateur entreprend donc de travailler sur Beetlejuice, charmé par l’humour noir du scénario écrit par Michael McDowell. Doté d’un budget plus important que Pee Wee mais moindre par rapport à Batman, ce film offre à Burton une plus grande liberté artistique et lui permet d’imposer davantage son style.
Succès surprise à sa sortie en 1988, Beetlejuice rapporte près de cinq fois son budget. Le réalisateur gagne ainsi la confiance de ses producteurs, qui lui confient enfin les clés de Batman. Plus encore, cette comédie atypique va durablement définir la “patte Burton” dans l’imaginaire collectif. Gothique, absurde et macabre côtoient stop-motion et expressionnisme allemand dans un imaginaire foisonnant. Malgré ses faiblesses de scénario dues à de nombreuses réécritures, Beetlejuice reste, à ce jour, considéré comme l’une des œuvres les plus emblématiques de son réalisateur. Difficile donc de retoucher la toile près de 30 ans après.
Beetlejuice…
Pourtant, Beetlejuice appelait une suite dès 1990. À cette époque, le bio-exorciste interprété par Michael Keaton devait retrouver la famille Deetz et remporter un concours de surf… à Hawaii. Le projet prend néanmoins du retard en raison du tournage de Batman : Le Défi et sera définitivement abandonné en 1997, car Winona Ryder devient trop âgée pour reprendre le rôle de Lydia Deetz. Toutefois, Warner Bros fait de Beetlejuice 2 une marotte. En 2011, un nouveau scénario est rédigé par Seth Grahame-Smith. De nombreuses annonces et réécritures vont suivre, mais le projet ne sera officiellement confirmé qu’en 2022, après une décennie de pourparlers et de scripts abandonnés.
Et nous voici donc, deux ans plus tard, devant le produit fini. Exit les pitreries hawaïennes, BEETLEJUICE BEETLEJUICE prend place 30 ans plus tard, à notre époque, où nous retrouvons Lydia, devenue médium à la télévision. Sa fille Astrid, incarnée par Jenna Ortega – nouvelle icône burtonienne, prend sa suite en tant qu’ado rebelle. Et comme Lisa Marie et Helena Bonham Carter auparavant, le réalisateur place sa compagne, Monica Bellucci, dans le rôle d’une revenante mangeuse d’âmes. Avec Michael Keaton, Catherine O’Hara et Danny DeVito, Burton achève de réunir ses habitués et tire ainsi sur la corde de la nostalgie, tout en agrandissant ses rangs avec des figures de la nouvelle génération.
Beetlejuice !
La méthode est déjà éprouvée, comme en témoignent les derniers Scream et Ghostbusters. Il n’empêche que la formule fonctionne, puisqu’on éprouve un certain plaisir à retrouver toute la clique de Burton dans cet univers familier réactualisé. De même que le réalisateur revient à ses premières amours, avec son lot de clins d’œil au cinéma bis, des double features de science-fiction au giallo italien. Un référentiel qui nous avait presque autant manqué que ces maquillages et effets pratiques à base de stop motion et de maquettes. Cependant, Burton continue de souffrir la prise de vue numérique, si bien que le film baigne dans la photo bleue-noire terne et fade de ses dernières réalisations.
Par ailleurs, si l’on apprécie ce regain de vitalité et de créativité dans la filmographie de Tim Burton, le scénario reste accessoire dans ce déferlement de références et d’idées visuelles. Nonobstant, le premier Beetlejuice pâtissait du même défaut, sans qu’on ne s’en émeuve. En effet, BEETLEJUICE BEETLEJUICE est plus enclin à déployer les obsessions de son auteur qu’à construire une histoire cohérente. En résulte, à l’instar de son aîné, un joyeux bordel, où la bande son pop se mêlent aux démembrement, viscères visqueux et personnages lourdement décapités. Un vicieux plaisir qu’on se gardera bien de bouder.
Lilyy Nelson