Cette année, Le Comte de Monte-Cristo, qui cumule plus de 7 millions d’entrées, nous oblige à rester en salle 2 heures 58 minutes. Oppenheimer, grand gagnant aux derniers Oscars et grand succès public, dure 3 heures 1 minute. Cinq des dix films les plus populaires en 2023 s’étendent chacun sur plus de 2 heures 15 minutes. Nos films sont-ils plus longs qu’avant et si c’est le cas, pourquoi ?
Les films épiques, donc longs, ne datent pas d’hier
En 1916 déjà, le grand film américain Intolérance atteint les 3h17. Mais malgré de classiques très longs métrages comme Autant en Emporte le Vent (3h58) ou Lawrence d’Arabie (3h42), il semble qu’aujourd’hui la durée des films fasse débat.
Une chose est sûre, la tendance des films de 90 minutes si répandus au début des années 30 semble bien révolue. En 1935, quand Hollywood s’attaque aux 1 630 pages des Misérables de Victor Hugo, le film ne dure que 1h48. L’adaptation de 1998, 63 ans plus tard, prendra 2h14 pour raconter la même histoire, et celle de 2012, version comédie musicale, 2h38. Même dans les années 1970, 34% des films les plus populaires duraient moins de 1h40. Dans les années 2000, ce chiffre est tombé à seulement 4%.
Une explication technologique à l’allongement des films ?
Pour autant, les données ne montrent pas que nos séances de cinéma sont devenues beaucoup plus longues. Une enquête menée par le média anglais The Economist révèle que les films de 2 heures ou plus restent tout de même une exception dans les années 2020. Certes, depuis les années 1930, la durée moyenne d’un film a augmenté de 24%, mais la moyenne reste aujourd’hui de 1h47.
D’où vient cette impression de films à rallonge qui dominent nos salles obscures ?
Une des raisons se trouve peut-être dans l’essor des cassettes vidéo, il y a environ 40 ans. Quand les VHS changent radicalement notre façon de consommer des films, on doit proposer des œuvres dont la durée ne dépasse pas la capacité d’une cassette. Alors que la longueur d’un film augmente progressivement entre les années 1930 et les années 1960, on perd en moyenne 10 minutes entre 1970 et 1985. Pour ceux qui ont vécu l’heure de gloire des magnétoscopes, les films du nouveau millénaire peuvent donc sembler trop longs.
La longueur augmente-t-elle les chances de prix ?
Comme Ben Hur (1960 – 3h27) qui rafle un record de 11 Oscars, Oppenheimer montre que pour gagner des prix, mieux vaut miser sur un film long. Plus de minutes à l’écran sont traduites par un aura de prestige et d’importance. Et qui dit film long dit souvent film d’auteur, un film né d’une vision artistique. Une telle recette séduit le jury.
Une longueur influencée par l’essor de l’ère Netflix ?
Alors que la durée moyenne d’un film semble en réalité avoir peu augmenté depuis des décennies, la dominance des franchises peut donner une autre impression. Les films tirés du Seigneur des anneaux, et du Hobbit, et bien sûr les Marvel, sont autant de blockbusters qui attirent l’attention et séduisent les foules. Ces très gros succès jouent la carte de l’excès, tant côté effets spéciaux que côté durée du film. Un public nourri de soirées-séries devant Netflix afflue pour passer autant de temps au cinéma. Ainsi, on peut se demander si ces longs films cherchent aussi à reproduire les intrigues et les personnages complexes souvent vus dans les séries de plusieurs épisodes, voire saisons. Ainsi, la dernière trilogie Star Wars dure 18 minutes de plus par film que la trilogie originale, et le plus récent des films mettant en vedette Indiana Jones dépasse de 30 minutes Les Aventuriers de l’Arche Perdue.
Heureusement tout de même, le succès d’un film ne se mesure pas seulement par sa durée. Les producteurs devraient même peut-être prendre en compte l’accueil réservé à certains films longs. Killers of the Flower Moon avait tout pour gagner des prix en 2023 : la légende Martin Scorsese aux manettes, un casting de choix, et une durée… de 3h26. Pourtant, il n’a récolté aucun Oscar et a perdu au moins 350 millions de dollars. De la même façon, Tár, avec Cate Blanchett comme force de la nature dans un film de 2h38, a généré seulement 6,7 millions de dollars aux Etats-Unis. Et est-ce que les trop nombreux spectateurs qui ont boudé The Fabelmans de Steven Spielberg l’ont fait pour ne pas rester assis pendant 2h31 ?
Après tout, Alfred Hitchcock avait peut-être raison de clore le débat d’une seule phrase : « La durée d’un film devrait être directement liée à la capacité de la vessie humaine ».
Andrew TAYLOR
Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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