LE GANG DES ANTILLAIS

[CRITIQUE] LE GANG DES ANTILLAIS

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LE GANG DES ANTILLAIS
• Sortie : 30 Novembre 2016
• Réalisation : Jean-Claude Barny
• Acteurs principaux : Djedje Apali, Eriq Ebouaney, Vincent Vermignon, Adama Niane
• Durée : 1h30min
3
note du rédacteur

 LE GANG DES ANTILLAIS , librement adapté du roman autobiographique éponyme de Loic Léry, est le second film de Jean-Claude Barny, après Nèg Maron (2005) et les téléfilms Tropiques Amers (2007) et Rose et le soldat (2015). Un projet qui a connu un long teasing et qui était attendu au tournant. Le moins que l’on puisse dire c’est que le résultat est… frustrant.  Venons-y doucement.

L’une des forces de Jean-Claude Barny est de porter à l’écran des histoires et des thématiques peu représentées, comme les questions de l’identité antillaise et des rapports sociaux, omniprésentes dans son cinema. Depuis Christian Lara et Euzhan Palcy, peu de réalisateurs de la scène antillaise ont réussi à émerger sur le plan national, exception faite de Lucien Jean-Baptiste. C’est tragique, car il y a beaucoup à dire, à questionner et à raconter au sujet des Antilles et des antillaise.

Photo du film LE GANG DES ANTILLAIS
Le Gang Des Antillais : quatre types différents, mais une révolte commune.

Le film s’ouvre sur des images d’archives du général De Gaulle, haranguant une foule antillaise à grands coups de «  Mon dieu comme vous êtes français ». Une bonne entrée en matière pour ce film qui se déroule dans les années du BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer). Un joyeux dispositif censé favoriser l’insertion professionnelle des jeunes antillais en métropole ; En réalité un aller simple pour la « mère-patrie » afin de retrouver un emploi précaire et un torrent de mépris.

Dans cette époque particulière, on suit l’histoire de Jimmy Larivière (avatar de Loic Léry incarné par Djedje Apali) , un jeune père d’origine martiniquaise qui peine à trouver sa place dans la société. Traité en moins que rien, il s’associe à trois autres antillais: Politik ( Eriq Ebouaney), Mòlòkòy ( Adama Niane) et Liko ( Vincent Vermignon) pour commettre une série de braquage, formant ainsi le…GANG DES ANTILLAIS. Très tôt on comprend que les aspirations du groupe sont plurielles, entre Politik le leader, qui y voit un moyen de financer la cause indépendantiste, Mòlòkòy le minet de Barbès, qui passe tout dans les sapes, les putes et l’héroïne, Jimmy et Liko qui cherchent à s’enrichir et à améliorer leurs conditions de vie. Mais tous sont soudés dans ce sentiment de révolte envers une France qui les a trahis et humiliés, unis par leurs faits d’armes.

« Le film nous raconte la galère, la lutte et l’amertume, mais avec platitude. »

LE GANG DES ANTILLAIS est tourné façon blaxploitation, sans pour autant confiner au public communautaire. Sur le plan visuel le rendu est plutôt réussi, le retour dans les 70’s crédible. Coupe afro, veste ajustée et pantalon patte d’eph: les personnages ont du style. On peut d’ailleurs s’accorder sur le fait que la direction de la photographie est bonne dans les films de Jean-Claude Barny. Mais malgré ce visuel réussi et un casting prometteur, le résultat reste malgré tout cinématographiquement pauvre, et se rapproche du téléfilm moyen. Les personnages manquent de matière et de profondeur. Les dialogues sont plats et ne permettent pas d’appuyer les ambiances et le contexte du film. Les répliques en créole sont assez rares, sonnent parfois faux et ne confèrent pas d’authenticité aux protagonistes. On ne sent pas la verve et l’identité créole qui est supposé bouillonner en eux.

Même au niveau du rythme, le film ne transporte pas le spectateur. Il y a beaucoup de longueurs et les scènes se succèdent sans créer ni tensions ni harmonies. Seule UNE vraie scène de braquage (peu édifiante) nous montre le mode opératoire. Dommage car il y avait matière à proposer. Des péripéties secondaires sur fond de racisme, de drogue et de prostitution, de lutte indépendantistes… mais pas d’émotions. C’est triste, mais tout au long du film, on n’établit aucun contact émotionnel avec les personnages à l’écran; Y compris concernant la romance entre Jimmy et la belle Linda (Zita Henrot). Le film nous raconte la galère, la lutte et l’amertume, mais avec platitude. Les personnages secondaires comme celui de Matthieu Kassovitz, en patron de bar raciste mais au grand cœur, ou de Jocelyne Béroard en marraine prévenante sont bienvenus tout comme ceux de Karim Belkhadra ou Romane Bohringer qui viennent rajouter de la matière. Mais la progression du film reste une juxtaposition de séquences.

Le gang des antillais

Si dans la première partie du film de tourne plutôt vers le combat commun et le rapprochement entre les membres du gang, la seconde partie laisse peu à peu place aux trajectoires individuelles de chacun à faveur des tensions qui divisent le groupe. Après un dernier coup qui finit en foirade, Jimmy se retrouve finalement en prison où il fait une rencontre inattendue. Celle de Patrick Chamoiseau (Lucien Jean-Baptiste). Celui qui deviendra par la suite écrivain lauréat du Goncourt en 1992 est alors éducateur en milieu carcéral. Une rencontre entre deux hommes qui parviennent à se faire écho et qui marque un tournant dans la vie de Jimmy.

Puisqu’il s’agit d’un récit autobiographique, on sait par les témoignages de Loic Léry, (Dont Jimmy est l’avatar), que cette rencontre avec Chamoiseau a été quelque chose de fondateur. On se doute que l’homme qui a écrit « Chronique des sept misères » devait avoir des choses à échanger avec cet ex-braqueur en quête d’identité mais cela se voit peu dans cette adaptation. Léry, à propos de son récit avait déclaré que Chamoiseau avait réussi subtilement à l’amener à l’écriture en lui faisant lire les livres de Frantz Fanon, essentiels à son introspection, été qu’il présente comme son premier maitre en écriture. Puis la lecture de Cheick Anta Diop, Chester Himes ou encore les écrits de Tony Delsham lui ont permis de sortir de sa chrysalide et d’écrire son récit. Cette partie de la vie de Léry représente un éclair trop fugace dans l’adaptation de Barny. A l’écran la rencontre des deux hommes est presque anecdotique et on n’assiste en rien à la maturation de Jimmy durant son incarcération à Fleury-Mérogis.

Le gang des antillais

On peut néanmoins saluer les choix musicaux tout au long du film qui alterne entre références à Super Combo, les Aiglons et morceaux de rap contemporains, notamment Lino, toujours efficace. Cette combinaison film 70’s/rap contemporain est d’autant plus intéressante qu’elle permet de tracer des parallèles avec la situation des jeunes antillais aujourd’hui, toujours en proie à cette question identitaire.

Dommage, vraiment, pour ce film. C’est un peu comme si vous trouviez un menu alléchant, passiez votre commande et trouviez un plat joliment présenté, mais que dès les premières bouchées vous ne trouviez plus ni le gout ni la texture de votre plat. On regrette la superficialité du film, malgré la qualité d’image. Finalement, on a un peu l’impression d’être dans un film qui veut tout dire tant et si bien qu’il ne dit plus grand chose. Son meilleur argument est peut-être d’offrir à travers ses personnages une mini-mosaïque de la société antillaise, entre besoin viscéral de s’en sortir, famille, luxure, lutte pour l’indépendance ou au contraire pour l’intégration. Oui, malgré toutes ses lacunes, LE GANG DES ANTILLAIS de Jean-Claude Barny a le mérite d’exister et d’offrir l’exploration de sujets pertinents peu représentés au cinéma.

Maitre Iota

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