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DOCTOR SLEEP, la suite risquée d’un chef-d’oeuvre célébré – Critique

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Près de quarante ans après, Mike Flanagan réveille le shining dans une suite risquée. Préparez-vous, on libère les fantômes.

Dans cette suite écrite par Stephen King et parue en 2013, Dany Torrance est un quadragénaire alcoolique dont les pouvoirs magiques sont aujourd’hui inhibés. D’un autre côté il y a une bande de hippies démoniaques apparemment immortels qui se nourrissent du shinning des enfants qu’ils assassinent. Les deux itinéraires vont alors converger vers la jeune Abra Stone, une enfant qui semble déjà maîtriser un grand pouvoir. Sur le papier le projet a de quoi faire peur, et pas pour les bonnes raisons. Mike Flanagan semblait vouloir relever le défi de réconcilier, presque quarante ans après, le chef d’oeuvre de Stanley Kubrick et l’auteur du roman dont il est issu. Mais sont-ils fondamentalement réconciliables ? C’est moins sûr…

On sait depuis longtemps que Stephen King avait détesté l’adaptation de Kubrick, se sentant trahi par la réinterprétation qu’en proposa le cinéaste. En partie autobiographique le roman racontait le basculement vers la folie et la monstruosité d’un père alcoolique, submergé par ses démons. On retrouve dans DOCTOR SLEEP une volonté de remettre la thématique de l’alcoolisme au centre de l’intrigue. A travers l’itinéraire du personnage de Dany détruit et déterminé par la maladie et les actes de son père. Comme pris dans une inéluctable malédiction, il tombe à son tour dans cette mécanique autodestructrice, incapable de se construire une existence au monde. Prisonnier des fantômes et des traumatismes qui peuplent inlassablement ses pensées.

Ewan McGregor est Dany Torrance © 2019 Warner bros

Dès son ouverture, le film montre une seconde ambition, celle de développer l’aspect fantastique avec le pouvoir du shining, traité uniquement de manière énigmatique par Kubrick qui préféra se concentrer sur le côté psychologique. Mike Flanagan décide de rester fidèle au récit imaginé par Stephen King. Davantage narratif, au risque de paraître parfois didactique, le film repose dès lors essentiellement sur les aspects allégoriques convoqués par le fantastique.

Mais là où le travail du réalisateur devient intéressant, c’est lorsqu’il se réapproprie le cinéma de Kubrick. Mike Flanagan parvient à se rapprocher de l’univers de Stephen King tout en réutilisant les procédés de mise en scène de Shining. La symétrie dans les cadrages, les mouvements de steadicam, les visions horrifiques ou encore l’extrême plongée, sont ici détournés et mis au service du fantastique. Ils ne servent plus uniquement à figurer l’état mental de Jack Torrance mais à nous plonger dans le pouvoir du shining. Bien évidemment Mike Flanagan ne se contente pas de transposer cette mise en scène, il la réinterprète, la digère et la prolonge. DOCTOR SLEEP réussit à redonner vie, pas uniquement à un récit ou à un imaginaire, mais également à une logique cinématographique.

Les couloirs de l’Hotel Overlook sont de retour © 2019 Warner bros

Dans le Shining de Kubrick, Jack Torrance est possédé par l’esprit de l’hôtel. Le film est construit autour de ce procédé esthétique qui joue avec l’aspect labyrinthique du décor censé rappeler les méandre de l’esprit torturé, la folie psychique du personnage est projetée dans l’espace physique. Là encore, Mike Flanagan reprend cette idée et la démultiplie. Chaque personnage possède son espace mental dans lequel il évolue et se projette grâce au shining. Un parfait exemple des bonnes idées de mise en scène imaginées pour illustrer les différents aspects du pouvoir au moyen des procédés instaurés par Kubrick.

Dans le film initial, l’hôtel est pratiquement le personnage principal et sa présence inéluctable dans cette suite sait se faire magistralement désirer. Quel plaisir de ressentir des frémissements parcourir l’arrière de sa nuque au moment où retentissent, le long des routes enneigées du Colorado, les iconiques accords de Wendy Carlos & Rachel Elkind. Comme bien souvent, tout finit où tout a commencé et Dany doit affronter les fantômes du passé pour faire face aux monstres d’aujourd’hui.

Kyliegh Curran est Abra Stone © 2019 Warner bros

Malheureusement le film de Mike Flanagan développe trop d’éléments et semble vouloir traiter trop de sujets au risque de dévitaliser son récit. L’alcoolisme et la reproduction des traumas, la maltraitance des enfants, le shining… Toute cette substance devait parfaitement fonctionner au sein du livre, mais elle a du mal à cohabiter harmonieusement dans cette adaptation. Quelques pistes sous-développées, trop de maladresses d’écriture et de retournements précipités voire carrément navrants car totalement programmatiques. Difficile d’incarner à la fois une continuité et une rupture. Peut-être que la meilleure manière d’adapter une oeuvre, c’est finalement la trahison.

Parfois esthétiquement proche d’une série B et truffé de faiblesses scénaristiques, DOCTOR SLEEP est loin du chef d’oeuvre dont il est la suite, mais il serait vain de les juxtaposer de la sorte. La présence de Shining fait évidemment de l’ombre à cette suite qui ne réussit jamais à vraiment s’en libérer. Et même s’il tente désespérément de se débarrasser des vieux fantômes qui hantent encore les lieux en proposant sa propre lecture, le film se mue en une sombre célébration cinéphilique anecdotique. Stephen King doit probablement se sentir vengé de sa disgrâce passée, Kubrick, lui, n’est plus là pour donner son avis, mais on l’imagine aisément…

Hadrien Salducci

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Note des lecteurs10 Notes
Titre original : Stephen King's Doctor Sleep
Réalisation : Mike Flanagan
Scénario : Mike Flanagan
Acteurs principaux : Ewan McGregor, Rebecca Ferguson, Kyliegh Curran, Cliff Curtis, Carl Lumbly, Zahn McLarnon, Jacob Tremblay, Emily Alyn Lind
Date de sortie : 30 octobre 2019
Durée : 2h32min
2.5
mitigé

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Note finale

  1. Ce film est magnifique pour toutes personnes ayant vu et compris le premier volet mythique , très bonne mise en scène , peut être même un peu parfaite le casting est bon , le film est agréable à voir des flash resurgissent , un voyage différent , La plume parfaite de Stephen K. s’exécute à merveille , mais une chose est certaine il manque la schizophrénie de Stanley K. , sa mise en scène fabuleuse et sa sauce qui lui a valu dans l’original les foudres de Stephen K. , sans parler de Jack Nicolson qui manque cruellement dans cet opus . Mais malgré tout je l’ai aimé , c’est un bon film.