FRANTZ

FRANTZ – Critique

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FRANTZ
• Sortie : 7 septembre 2016
• Réalisation : François Ozon
• Acteurs principaux : Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner
• Durée : 1h54min
Note des lecteurs6 Notes
5

L’histoire: Anna, une jeune allemande a perdu l’homme qu’elle s’apprêtait à épouser pendant la guerre. Un jour alors qu’elle se rend sur sa tombe elle découvre qu’un autre est venu s’y recueillir. Cet autre est Adrien, un soldat français. Quel lien l’unissait à Frantz ? Quelles seront les conséquences de sa venue ?

Tout au long de sa filmographie François Ozon n’a cessé d’explorer les genres, de la comédie musicale (Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Huit femmes), au drame (5 fois 2, Jeune et jolie), en passant par le huit clos, la comédie dramatique et le thriller (Swimming pool et Dans la maison). Avec FRANTZ, il s’engouffre cette fois-ci dans le mélodrame mélancolique, et réalise un long-métrage en deux parties qui à travers les histoires d’Anna et d’Adrien, nous plonge dans le tourment des relations franco-allemandes d’après-guerre.

François Ozon signe un film aux allures exigeantes mais qui se révèle être un récit sentimental délicat, accessible et particulièrement sensible. Le réalisateur y développe avec une certaine finesse sa thématique récurrente du voyage intérieur et pense FRANTZ dans une alternance pour le moins poétique d’images en noir et blanc et en couleur. Pierre Niney et Paula Beer qui incarnent les deux premiers rôles, se donnent la réplique en langues françaises et allemandes et livrent des performances parfaitement justes, tout en pudeur et intensité. Ainsi Pierre Niney, l’ex-pensionnaire de la Comédie Française renoue avec le jeu d’excellence qui lui avait valu le César du Meilleur acteur pour Yves Saint Laurent en 2015, s’engageant très certainement dans la course aux récompenses en 2017.

FRANTZ s’ouvre sur la campagne allemande. Au premier plan, une branche de cerisier en couleur, au second, un village en noir et blanc. La caméra s’approche, le noir et blanc se diffuse jusqu’à envahir l’image, le film démarre. Francois Ozon nous immerge immédiatement dans une ambiguïté visuelle, une sorte d’étrangeté temporelle. Deux sphères semblent se juxtaposer, mais lesquelles ? Assistons-nous à une plongée dans un souvenir ? Un rêve ? Un autre temps ?

Ce questionnement sur la nature de ce que nous voyons, la dramaturgie Ozonnienne se charge avec habilité de la mettre en abyme tout au long d’un scénario solide. A la façon de Swimming pool, Ozon mêle les temps, les réalités, les fantasmes et les mensonges dans une première partie où le mélo flirte discrètement avec le thriller psychologique. Adrien est un être mystérieux dont le motif de la venue en Allemagne et le lien qui l’unissait à Frantz demeurent longuement troubles. La relation qui s’esquisse entre Anna et lui se maintient elle aussi dans une construction fragile et évanescente. Nous avançons à tâtons et FRANTZ peut tout d’abord donner la sensation de se perdre dans un manque de rythme; un sentiment de pièce manquante persiste, et l’intrigue semble peiner à se mettre en place, mais cette étrangeté qui nous trouble n’est autre que le secret d’Adrien que François Ozon garde précieusement. Une fois le puzzle reconstitué, le film s’offre un bel élan et se lance dans une seconde partie palpitante et poignante.

François Ozon signe un film aux allures exigeantes mais qui se révèle un récit sentimental délicat, accessible et particulièrement sensible.

FRANTZ jouit tout du long d’une écriture dense, maîtrisée et offre d’ailleurs quelques scènes vibrantes. Qu’il s’agisse d’une baignade au bord du lac où une peau perlée sèche au soleil, du chant de l’hymne national par des citoyens patriotes, d’un acte intime tragique ou d’un baiser sur le quai d’une gare, FRANTZ joue sur la sensation charnelle sans pourtant jamais trahir l’élégance de la retenue. Ozon cherche à révéler l’intensité contenue de la pudeur, de la suggestion et du trouble intérieur. Sa mise en scène est épurée mais en aucun cas dénuée de puissance. Tout en non-dits et en hésitations, les deux héros nous troublent, nous intriguent et parviennent à nous toucher profondément. Mais bien au-delà de la romance, FRANTZ interroge la notion de courage, celui qui est nécessaire pour prendre sa vie en main, faire fi des contingences, suivre son cœur et pardonner. Le réalisateur français reste ainsi fidèle au fond féministe dont il pare la majorité de sa filmographie. Ainsi le personnage d’Adrien, courageux au premier abord, avouera finalement sa lâcheté et sa soumission à son destin… Tandis que ce sera une femme, Anna, qui incarnera la résilience et la transgression de sa condition.

Au-delà de sa dramaturgie, la grande force du film émane de sa superbe photographie. Véritable élément du scénario, FRANTZ doit son aura à un travail subtil sur la couleur. Ozon compose la tristesse et la mélancolie d’un enveloppant et lumineux noir et blanc qui se fond en des tons doux et colorés au gré de l’espoir, du bonheur et du sentiment amoureux qui gagnent parfois le cœur d’Anna. Sa palette chromatique est le spectre émotionnel de ses personnages, et à l’image du jeu de brillant de Pierre Niney et Paula Beer, François Ozon livre un film esthétiquement remarquable.

Avec FRANTZ, nous plongeons dans l’histoire romanesque et romantique de deux personnages que les événements séparent, pour autant le film est-il une histoire d’amour, de résilience ou de destin ?
François Ozon ne semble pas choisir, il se contente d’entériner le message optimiste qu’il nous délivrait dès le premier plan. Comme le cycle naturel  de la vie, après l’hiver sombre viendra le temps des cerisiers fleuris, du « vent dans les branches » et de l’espoir. Si FRANTZ se montre parfois un peu naïf et n’évite pas quelques écueils sentimentalistes, François Ozon qui affiche dix-huit long métrages, réalise son film le plus abouti et sensible. FRANTZ se clôt dans la contemplation et sur une envie de vivre, de quoi en faire, certainement, l’un de ses meilleurs films.

Sarah Benzazon

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Rédactrice

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Note finale

  1. Excellent mélo français. Un peu de mal à pénétrer le film car on imagine de nombreuses pistes plus farfelues les unes que les autres. Et puis, dès que nous sommes saisis par l’émotion et le jeu des acteurs, tous excellents, y compris les futurs nazis, nous rentrons totalement dans l’Histoire, remarquable et qui comme le disait PEGUY rappelle que:  » les guerres sont faites par des gens qui se connaissent mais ne se tuent pas au détriment de gens qui se tuent mais ne se connaissent pas » ! Ode au pacifisme indispensable pour l’être huamain!!!
    Je regrette, toutefois, que le réalisateur n’en ait pas dit plus au début du film sur les rancoeurs que les conditions du traité de Versailles ont entraîné dans la quasi-totalité du peuple allemand… l’amenant, doucement mais surement, dans les bras d’Adolphe!

  2. Très bon et beau film, aux thèmes qui s’entrecroisent avec finesse et justesse, excellents acteurs (tous), Paula Beer m’a,par moments, rappelé Romy Schneider… Elle et Pierre Niney très émouvants dans leurs tourments exprimés avec retenue et sensibilité, remarquablement filmés, de même tous les plans.

  3. Le meilleur film d’Ozon . Un très grand film.
    Le mélo parfait qui réussit l’exploit de ne jamais en faire trop.
    Il y a juste un défaut , la présence de Pierre Niney. J’ai beaucoup de mal
    avec cet acteur.
    Par contre, la jeune allemande Paula Beer est tout bonnement touchée par la grâce.

    1. Oui , je suis tout à fait d’accord , c’est le meilleur film de François Ozon , en revanche , je trouve que la sensibilité de Pierre Niney est stupefiante, et je pense au contraire , que le film lui doit beaucoup.

    2. J’ai été touchée par ce jeune acteur Pierre Niney que je ne connaissais pas et qui tient son rôle avec perfection ………………………..

      1. Merci Fatizo. En effet Pierre Niney est jeune mais il affiche déja une trés belle carrière , je vous laisse jeter un coup d’oeil à sa filmographie , il a déjà été récompensé par le César du Meilleur acteur pour Yves-Saint Laurent! En 2016 il est a l’affiche de trois films….Régalez vous!