divines

[CRITIQUE 1] DIVINES

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DIVINES
• Sortie : 31 aout 2016
• Réalisation : Houda Benyamina
• Acteurs principaux : Oulaya Amamra, Deborah Lukumuena, Jiska Kalvanda
• Durée : 1h45min
Note des lecteurs3 Notes
4

Retrouvez notre critique négative du film, ici

Pour celui qui la reçoit, la Caméra d’Or est peut-être une récompense plus jouissive encore que la Palme d’Or. Elle célèbre un premier film, cristallise un talent et ouvre les portes à une prochaine réalisation… Alors lorsque Houda Benyamina reçoit son prix, elle s’empare du temps et de l’espace et lance un explosif« On est là, ça veut dire que c’est possible !». Sa voix raisonne et nous rappelle la rage du « il faut oser être riche », leitmotiv qu’elle donne à dire aux héroïnes de son film. Houda Benyamina, en force de la nature a elle aussi osé, elle s’est battue et a gagné sa place parmi l’intelligentsia cannoise – alors qu’elle vient du 93. Mais ce prix c’est surtout la conquête d’une femme dans un monde d’hommes, qui rappelle qu’à l’heure du 69e festival de Cannes, seule une unique Palme d’Or a été attribuée à une femme depuis 1993 (La leçon de piano, Jane Campion). Cette leçon de vie et cette révolte intime que la réalisatrice exulte, c’est aussi la révolte de toute une génération qu’elle révèle dans son film, une détermination féroce de se battre contre un destin tout tracé. DIVINES, ou l’histoire des femmes qui décident de prendre leurs destins à bras le corps.

Dounia vit en banlieue parisienne. Entre le spectacle de sa mère bafouée et des études qui la mèneront à la servitude et un SMIC avec lequel elle ne pourra jamais réaliser ses rêves, elle étouffe et tue le temps avec Maimouna à espionner la troupe de danseurs du quartier. Mais un jour c’est trop, l’étau qui se ressert l’étouffe, elle envoie tout balader pour se faire de la « money ». La caïd de la cité s’appelle Rebecca, Dounia décide de l’approcher et se lancer dans le business…

Photo du film DIVINES
© Diaphana Distribution

DIVINES est d’abord et avant tout une histoire de filles, de sœurs, de cœurs et de galères, boulimiques et enragées de créer leurs propres partitions alors que leurs destins les mènent inéluctablement vers des seconds rôles. Trois figures féminines au cœur de l’asphalte impatient, on pense d’ailleurs parfois à Bande de filles de Céline Sciamma, car ici aussi on brandit Rihanna en étendard, quoique dans DIVINES, qui aurait pu s’appeler Rebelles, on préfère se la jouer Scarface !

Même si la réalisatrice dresse en toile de fond un portrait des zones urbaines ou le non droit, les petits trafics, l’économie souterraine et la misère sociale gangrènent jusqu’à la possibilité du rêve, ce DIVINES  n’a, qu’on ne s’y trompe pas, rien de commun avec ce qui a déjà été fait sur les cités. Il ne s’agit pas d’un énième film sur la banlieue qui va mal, au contraire ; DIVINES va chercher l’étincelle, la pulsion de vie et la trouve. Houda Benyamina nous propulse dans une dimension nouvelle du « cinéma de banlieue » à travers un récit qui aurait l’ADN du mouvement Ni Putes Ni Soumises, sans pourtant relever du pamphlet politique. Pas d’ambition de « dénoncer », mais de filmer à hauteur de femme, une histoire d’amitié où les héros sont des héroïnes et où l’honneur, le courage et les coups ne sont plus des composantes phalliques mais clitoridiennes. Les trois actrices relèvent elles aussi haut la main le défi du premier film en tant que comédiennes. Déborah Lukumuena (Maimouna), Jiska Kalvanda (Rebecca) et Oulaya Amamra (Dounia) y incarnent un trio héroïque truculent, entre authenticité, gravité et fraîcheur.  Oulaya Amamra – qui n’est autre que la sœur de la réalisatrice – s’impose d’ailleurs comme LA véritable révélation du film et est indéniablement une comédienne à suivre.

« l’Art sauvera le monde » Dostoïevski

Houda Benyamina nous plonge dans le microcosme périurbain féminin ou l’errance, le désespoir et la résignation ne trouvent de répit que dans la foi. Pour autant elle choisit d’en montrer la lumière et plus particulièrement l’espoir qui parfois réussit miraculeusement à jaillir et tout emporter. Pour cela elle embrasse le postulat extrêmement fort de redéfinir la notion de Sacré en construisant tout son récit autour de l’idée de la transcendance. Dans le mot « divine » , il y a « divin » et DIVINES détourne la notion de croyance (qu’elle soit religieuse, déterministe ou sociologique) et en fixe une nouvelle en filigrane, bien plus grande et vivace qui serait de l’ordre de l’Art. Ici la sphère supérieure qui élève et redonne du sens aux existences s’appelle la danse. Dounia en est fascinée, elle observe une troupe en secret à l’abri des hauteurs du théâtre tel un ciel dans lequel on se réfugie, et fait l’expérience de la contemplation. Le théâtre devient un temple intime, le nouvel autel de la sanctification du monde vivant, une nouvelle mosquée pour un nouveau culte, celui de la condition humaine. La danse se substitue à la religion est devient l’accès sensoriel, spirituel et mystique par excellence qui ouvre à la vie et à l’amour… L’Art de la danse c’est également de manière plus tangible le biais par lequel on parvient un jour à sortir de la cité ou grâce auquel on domine son ennemi. Houda Benyamina propose un transfert de valeur et entérine l’idée d’une théologie artistique et terrestre.

« Qu’on ne s’y trompe pas, Divines n’a rien de commun avec ce qui a déjà été fait sur les cités. Il ne s’agit pas d’un film sur la banlieue qui va mal, au contraire, Houda Benyamina va chercher l’étincelle, la pulsion de vie et la trouve. »

Mais il n’y a pas que cette nouvelle compréhension du sacré qui bouleverse dans le film d’Houda Benyamina. Elle fait surgir de cette violence inhérente à la misère sociale une dimension pulsionnelle, comme un instinct de survie extrêmement lumineux. Dans DIVINES il n’est pas question d’affrontement de bandes ou d’une errance dans la petite délinquance pour tuer l’ennui dont le vide pourrait estomaquer. Dans DIVINES  il est question d’une bataille tout autant intérieure que contre le monde, la réalisatrice nous propose de vivre l’expérience simultanée de la délivrance, de la résilience et du cheminement initiatique dans son exigence de dépouillement, de force et de passion. Houda Benyamina porte un regard éminemment humaniste sur le monde et préfère célébrer l’individu au profit du pieux. Si son film bouleverse bien qu’il ne semble pas porter de message précis c’est bel est bien parce qu’il sanctifie jusque dans la dernière scène le lien humain et nous interroge sur la notion de fraternité et d’espoir.

Photo du film DIVINES
© Diaphana Distribution

Côté réalisation DIVINES frappe fort, la forme est à l’image de son histoire : fulgurante et exaltée. Houda Benyamina opte pour une caméra vive et surfe sur des procédés ultra urbano-contemporains comme des plans smartphones « snapchat » qui  projettent le film dans une dimension extrêmement réelle, et hyper-empathique. Les images de bitume et de violence se frottent aux dissonances des chants d’opéra, on repense à Dheepan mais DIVINES se construit dans une singularité particulière, dans une aura unique façonnée par un rythme narratif rapide, spontané, empreint d’humour et de gravité. On oscille en permanence entre la tentative et le moment de grâce…DIVINES nous met une claque.

Dans DIVINES, Houda Benyamina  redistribue les rôles et les valeurs sans jamais perdre son point de vue : s’interroger sur la réalité des femmes ici bas. A travers Dounia on imagine bien évidement le chemin de la réalisatrice de la MJC de Bobigny à Cannes. DIVINES est un premier film mais a déja tout du film d’auteur, un ton, une patte et cette capacité rare à saisir une vérité. La Caméra d’Or récompense un talent, la Palme d’Or récompense un aboutissement, gardons espoir, Houda Benyamina sera peut être la prochaine femme réalisatrice à recevoir le prix ultime.

Sarah Benzazon

Voir la critique négative de DIVINES et l’interview de l’équipe du film

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