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Festival de GÉRARDMER : 5 films à retenir

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De retour du vingt-quatrième festival de GÉRARDMER, où j’avais le plaisir et l’honneur d’être membre du jury SyFy; je vous propose aujourd’hui une sélection de cinq films qui ont particulièrement attiré mon attention durant ces cinq jours absolument trippants.

MARGAUX

GÉRARDMER
réalisé par Rémy Barbe, Joseph Bouquin et Joséphine Hopkins, avec Juliette Pi et Benjamin Poulonovsky
Margaux, une jeune adolescente, découvre son pouvoir de séduction et les balbutiements de sa sexualité, en tentant de fuir une créature monstrueuse qui hante son quotidien et semble de plus en plus se rapprocher d’elle.

Vainqueur du Prix du jury du meilleur court-métrage français au PIFF en décembre dernier, le collectif « LES FILMS DE LA MOUCHE » poursuit sa tournée des festivals avec MARGAUX, petite perle esthétique qui lui sert autant de carte de visite technique que de manifeste de ses intentions d’auteurs. Cette bande d’étudiants en cinéma entend faire montre de sa capacité à intégrer des motifs fantastiques dans une peinture sensible de l’adolescence, à travers le prisme d’un personnage féminin aussi attachant que troublant. Intéressant télescopage dans le calendrier des sélections de Gérardmer, où ce court-métrage français se retrouve projeté la veille de la séance de GRAVE, gagnant du Grand Prix des longs-métrages, puisque la présence de ces deux œuvres ancrées dans un regard générationnel et un questionnement audacieux sur le corps et ses métamorphoses, nous laisse espérer du sang neuf et bénéfique, autant pour le cinéma de genre que le cinéma d’auteur. Choix habile que celui des arts plastiques comme un des vecteurs de la trajectoire émotionnelle de l’héroïne, dans ce frémissement d’images à la fois douces et venimeuses, où progressivement les impressions pastels laissent la place aux humeurs tourmentées d’une encre noire.

SAM WAS HERE (aka NEMESIS)


réalisé par Christophe Deroo, avec Rusty Joiner, Sigrid La Chapelle et Rhonda Pell
La voiture d’un représentant tombe en panne en plein désert californien. Isolé et épuisé, l’homme sombre peu à peu dans la paranoïa…

Le film « Twilight Zone » du festival est un micro-budget français tourné en deux semaines par un réalisateur prometteur, qui réussit à offrir une véritable expérience sensorielle au public des différents festivals où il roule sa bosse (FEFFS, PIFF, Gérardmer). On utilisant le désert Californien comme décor aride et instantanément cinégénique, SAM WAS HERE assume l’ascendance expérimentale du Rubber de Quentin Dupieux, et dévoile son envie de composer un cadre esthétique volontairement dérangeant par son aspect artificiel, sa résonance d’univers clos propice tantôt à l’errance ou le flottement du récit, tantôt aux incidences scénaristiques comme esthétiques. Le travail de Christophe Deroo se distingue ainsi des autres œuvres présentées à Gérardmer par son ambition à créer une tension, non pas en piochant dans les motifs habituels du fantastique, ceux de l’héritage gothique ou de la culture geek actuelle, mais en misant sur une esthétique que l’on croirait pensée par un designer trendy pour le clip d’un groupe électro (on en revient donc à Dupieux). La note d’intention apparait d’autant plus claire quand on remarque la bande-originale très inspirée par John Carpenter, donc par ses eighties iconiques qui servent de totem à cette génération d’artistes branchés. Malgré ce décor désertique et la solitude du protagoniste à l’écran, on ressent une présence, un regard invisible, une menace hors-champ qui travaille assurément notre paranoïa de spectateur. Une certaine idée de la folie.
Sam was Here a été rebaptisé NEMESIS pour sa sortie e-cinéma, le 4 avril 2017.

THE JANE DOE IDENTITY


réalisé par André Øvredal, avec Emile Hirsh, Brian Cox et Olwen Catherine Kelly
Assisté par son fils Austin, Tommy le médecin légiste d’une petite ville, se voit confier le corps d’une inconnue pour une autopsie. La victime ne présente aucune trace suspecte et la cause de la mort est indéterminée…

André Øvredal avait prévenu le public géromois; avec THE JANE DOE IDENTITY, il fallait s’attendre à vivre une expérience bien différente de TROLL HUNTERS, le found footage qui l’a fait connaître en France, six ans plus tôt. Le décor est vite posé : un huis clos, deux protagonistes, l’enquête anatomique comme fil rouge du récit; on pourrait presque parler d’une efficacité de high concept, de celles qui aiguisent justement l’appétit des festivaliers. Porté par deux interprètes de choix (Emile Hirsh et Brian Cox), le film réussit à insuffler un enjeu émotionnel par le biais d’une relation père/fils où s’entremêle la maladresse de divers sentiments, de la pudeur à la compassion en passant par la culpabilité; tressant ainsi un contexte crédible à la dramaturgie, là où d’autres divertissements présentés lors de cette sélection officielle privilégiaient le simple déroulement de l’intrigue, en négligeant l’implication du spectateur.

On regrette simplement que Øvredal n’ait pu circonscrire le récit au seul lieu de la salle d’opération, et se sente obligé dans le dernier tiers du film d’accumuler les effets horrifiques spectaculaires et convenus, là où un amateur d’épouvante justement dosée et insidieusement amenée, aurait préféré garder l’impression d’angoisse indicible du début. L’idée étant de superposer à l’autopsie du corps, celle du récit d’épouvante dans son ensemble, d’associer chaque étape à une révélation et un code du genre, le concept aurait semblé d’autant mieux tenu si la caméra restait focalisée sur l’opération. Malgré cette faiblesse, l’idée de départ reste suffisamment lisible à l’écran, et quel plaisir de voir un film qui fait vraiment flipper.
Sortie en salle, le 31 mai 2017

UNDER THE SHADOW


réalisé par Babak Anvari, avec Narges Rashidi, Avin Manshadi et Bobby Naderi
Téhéran, 1988. Shideh, mariée et mère d’une petite fille, va débuter une école de de médecine. Son mari est appelé au front durant la Guerre entre l’Iran et l’Irak. Shideh se retrouve alors seule avec sa fille. Mais bien vite celle-ci commence à avoir un comportement troublant et semble malade. La mère se demande alors si sa fille n’est pas possédée par un esprit…

Le prix SyFy de cette année appartient à cette école du fantastique utilisant le genre comme métaphore filée d’une menace venant autant de l’intime que de l’environnement des protagonistes. Ici, les effets d’épouvante prennent progressivement leur place pour exacerber la tension, déjà présente dans le quotidien de la petite famille avant même l’intrusion d’un élément surnaturel. Babak Anvari tire son épingle du jeu de la sélection officielle en contextualisant explicitement son récit dans une période de l’histoire située pile là où il faut, pour qu’elle semble à la fois proche (les années quatre-vingt) et pourtant loin (l’Iran, un pays qu’un cinéphile du genre a rarement l’occasion de voir sur grand écran). Là où UNDER THE SHADOW utilise avec brio le fantastique, c’est justement lorsque les codes narratives et l’imagerie du genre viennent aider le spectateur à comprendre le contexte culturel et politique, en donnant formes et difformités à un climat, en nommant par le biais du conte ce qui tient précisément du tabou, de l’interdit, du silence pesant.

Dans sa façon de faire s’immiscer l’angoisse dans un cadre intimiste, le travail d’Anvari présente une parenté évidente avec le courant espagnol des années 2000 (L’Échine du diable, L’Orphelinat). Mais là où Under the shadow se distingue de ses aînés ibériques, c’est en proposant une menace englobant les différents plans du récit, dont bien entendu le plan politique. Ainsi Shideh n’est pas seulement attaquée dans son identité de mère et d’épouse, mais également dans son statut de femme engagée, d’étudiante, de citadine. L’ombre croît et dévore la moindre promesse de lumière.
Under The Shadow est déjà disponible sur NETFLIX.

LE SECRET DE LA CHAMBRE NOIRE


réalisé par Kiyoshi Kurosawa, avec Tahar Rahim, Constance Rousseau et Olivier Gourmet
Stéphane, ancien photographe de mode, vit seul avec sa fille qu’il retient auprès de lui dans leur propriété de banlieue. Chaque jour, elle devient son modèle pour de longues séances de pose devant l’objectif, toujours plus éprouvantes. Quand Jean, un nouvel assistant novice, pénètre dans cet univers obscur et dangereux, il réalise peu à peu qu’il va devoir sauver Marie de cette emprise toxique.

Je tenais à évoquer le dernier film de Kiyoshi Kurosawa, qui fut l’invité d’honneur de Gérardmer cette année, pour rendre compte d’un décalage flagrant entre une maigre partie des cinéphiles présents et prêts à défendre le travail du maître japonais, et une large majorité du public qui, s’il n’a pas semblait goûter les conventions propres à cette œuvre, aura au moins pris du plaisir à les désamorcer par quels rires moqueurs. Pourquoi ce décalage ? Tout cela s’explique-t-il simplement par un rendez-vous manqué (ou au contraire diablement réussi, selon notre degré de malice) entre une assistance attendant d’être nourrie au fun et au gore décomplexés, et un cinéaste s’exilant en France, pour élaborer un drame aux effets fantastiques minimalistes ? Si LE SECRET DE LA CHAMBRE NOIRE a été tourné en langue française, il subsiste pourtant un problème de langage une fois le film projeté aux festivaliers. Un problème de langage cinématographique où le silence, la lenteur, l’absence d’effets identifiables du genre, apparaissent dans un premier temps comme une énigme, pour ceux qui attendent que le fantastique prenne pleinement sa place à l’image.

Puis dans un second temps, faute de ne trouver ici ces éléments attendus, certains spectateurs s’occupent l’esprit, en se moquant des conventions atypiques choisies le cinéaste pour garantir un fond de tension dramatique dans ce récit presque immobile. Des nombreuses dissonances dans la direction d’acteurs, aux réactions improbables des personnages, en passant par une poésie impromptue dans les répliques;  les choix artistiques de Kurosawa, à mi-chemin entre ceux de son pays natal, et ceux d’un cinéma d’auteur français caricatural, provoquent progressivement des rires étouffés dans le public, venus évacuer le malaise du rendez-vous manqué. Cela dit, pour un spectateur comme moi qui regarde la plupart des spectacles horrifiques avec distance, l’imperméable étrangeté de Constance Rousseau aura eu au moins le mérite de me faire hésiter à éteindre la lumière, une fois seul dans le silence de ma chambre, imaginant l’immensité vide de son regard peser sur moi dans l’obscurité.
Sortie en salle, le 8 mars 2017.

Si vous aussi, vous étiez présents à Gérardmer cette année, et que vous souhaitez défendre un film que je n’ai pas évoqué, n’hésitez pas, les commentaires sont faits pour ça.

Arkham

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