Photo du film LE MONSTRE DU TRAIN
Crédit : D.R.

LE MONSTRE DU TRAIN, un Halloween ferrovipathe – Analyse

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Conçu comme un Halloween ferroviaire, LE MONSTRE DU TRAIN ne se hisse jamais à la hauteur du film de John Carpenter. Au point qu’il marquera un tournant dans la carrière de Jamie Lee Curtis.

Parmi les innombrables rejetons assumés d’Halloween, LE MONSTRE DU TRAIN (1981) nous raconte la terrible vengeance de Kenny Hampson. Victime d’un bizutage macabre en faculté de médecine, le puceau binoclard réapparaît trois ans plus tard au cours d’une soirée déguisée, organisée par son ancien BDE. Dissimulé parmi les convives, il embarque à bord du train où se déroule les festivités pour décimer un à un les responsables de l’humiliation qu’il a subie. Le cauchemar sur rails ne fait que commencer…

La recette d’Halloween

Sorti en 1978, Halloween de John Carpenter entraîne dans son sillage une première vague de slashers. Sous-genre ultra codifié de l’horreur, le slasher concentre à l’écran un groupe d’adolescents dans un contexte donné, aux prises avec un tueur sanguinaire tapi dans l’ombre. Avec une unité spatiale et temporelle bien déterminées, le slasher s’écrit et se tourne en peu de temps et mobilise peu de moyens financiers avec, à la clé, une rentabilité presque assurée – compte-tenu de la popularité croissante du genre à la fin des années 70. Produit en son temps pour la bagatelle de 325 000 dollars, Halloween avait engendré 70 millions au box-office mondial.

Photo du film LE MONSTRE DU TRAIN
Crédits : D.R.

Au début des années 80, les petites productions horrifiques s’acharnent donc à reproduire le miracle. Conçu sur les jalons posés par Halloween avec un budget moyen de 3,5 millions de dollars, LE MONSTRE DU TRAIN s’inscrit dans cette logique commerciale. Il reproduit ainsi les codes préétablis par le film de Carpenter. Le gore laisse volontiers place au suspens, pour rogner sur les coûts des effets spéciaux et du maquillage. Et il est choisi, comme unité de lieu, un ancien train à vapeur. Comme la ville d’Haddonfield dans Halloween, le train tient ici une place centrale. Piège d’acier, il se referme sur les personnages et n’offre aucune échappatoire. Et pour entériner l’intention de réaliser un Halloween sur rails, la même actrice, Jamie Lee Curtis, est castée dans le rôle principal.

Concentré d’idées

Toutefois, s’il essaye de s’ancrer dans la modernité d’un Halloween, LE MONSTRE DU TRAIN peine à comprendre cet enjeu. En effet, dans le même temps, le film se raccroche à un référentiel horrifique plus ancien. Il fait notamment appel à des procédés hitchcockiens, où le spectateur connaît et comprend la menace qui pèse sur les personnages, tandis qu’eux en ignorent tout. Certes, Halloween utilisait aussi ces mécanismes, mais avec davantage de subtilité. LE MONSTRE DU TRAIN ose encore des dérobées à la Hitchcock où le tueur se joue des protagonistes par des pirouettes surréalistes, durant une (trop) longue partie du récit. De plus, motivé par la vengeance plus que par la gratuité du geste, le tueur masqué emprunte davantage aux antagonistes du giallo italien des années 60, avec une résolution caractéristique de ce genre.

Tout ceci donne au MONSTRE DU TRAIN un arrière-goût de réchauffé. D’autant que le montage, inégal en fin de métrage, rend sa conclusion expéditive et confuse. Toutefois, le film se distingue de la mêlasse de son époque, grâce au talent de mise en scène de son réalisateur, Roger Spottiswoode. Monteur de Sam Peckinpah en 1971 sur Les Chiens de paille et futur réalisateur du James Bond Demain ne meurt jamais en 1997, Spottiswoode expérimente et donne au décor une dimension inquiétante. Sublimé par la photo de John Alcott, ex chef opérateur de Kubrick, l’ancien train est noyé dans un clair-obscur, où la menace peut surgir de n’importe quel recoin de l’image.

Photo du film LE MONSTRE DU TRAIN
Crédits : D.R.

LE MONSTRE DU TRAIN se hisse ainsi légèrement au-dessus la moyenne des slashers du début des années 80. Concentré d’idées, il offre quelques surprises réjouissantes. Si les rares effets gores se révèlent de piètre qualité, l’utilisation de cadavres pour mettre en scène les blagues de mauvais goût des étudiants paraît, aujourd’hui, précurseur – au regard de Réanimator en 1985, voire même de Grave en 2016. La présence de David Copperfield en magicien offre également de jolis moments, tant visuels que divertissants – même si le principal intéressé clame aujourd’hui avoir honte du long-métrage.

Un tournant pour Jamie Lee Curtis

Dans sa logique toute Halloweenesque, LE MONSTRE DU TRAIN donne à voir une galerie de personnages têtes à claque, tous caractéristiques du slasher. Comme l’entendent les codes du genre, les mauvais sont châtiés, tandis que les bons peuvent espérer survivre. Buveurs, fumeurs et baiseurs n’y font donc pas long feu. Comme la tradition l’exige, le film se dote également d’une scream queen – protagoniste féminine hurlante – en la personne de Jamie Lee Curtis. Après Halloween et Le bal de l’horreur, l’actrice devient, aux yeux du public, une figure indissociable des productions horrifiques.

Photo du film LE MONSTRE DU TRAIN
Crédits : D.R.

Curtis comprend dès lors qu’elle s’enlise dans un rôle trop étroit pour ses ambitions. Marketé comme un spectacle post-Halloween assumé, LE MONSTRE DU TRAIN contribue à l’enfermer dans cette image de scream queen. Pour l’anecdote, le film sera même renommé After Halloween pour le marché vidéo. Désireuse de s’éloigner du cinéma d’horreur, l’actrice accepte ensuite de tourner dans Déviation Mortelle, qui lui offre un rôle plus consistant. Si elle reprend le rôle de Laurie Strode dans Halloween 2 en 1982, les raisons sont essentiellement contractuelles. Car c’est bien LE MONSTRE DU TRAIN et sa réception critique en demi-teinte qui lui feront tourner – pour un temps – le dos au cinéma d’horreur.

Lily Nelson

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