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GRAVE, ou Carrie au bal des vétos – Critique

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Que ce soit pour sa mise en scène ou son scénario, Grave est un film à découvrir absolument, même s’il vaut mieux le voir avec des personnes qui ont l’estomac bien accroché… ou le sens de l’ironie très développé !

GRAVE commence par un plan très anodin, d’une silhouette qui marche sur un bord de route, dont il est difficile de dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme à cette distance. Deux plans plus tard, c’est le choc (dont on ne dévoilera pas les détails). Cette gestion habile du banal et de l’inattendu, Julia Ducournau y aura recours tout au long du film, à diverses échelles : scénaristique, mise en scène et direction d’acteurs. GRAVE raconte la première année de Justine en faculté de médecine vétérinaire. Végétarienne convaincue, tout comme ses parents et sa sœur aussi présente dans l’établissement, Justine subit le bizutage des premières années et doit ingérer de la viande. Commence alors un mutation, aussi dangereuse qu’irrépressible.

Grave

Le propre du cinéma fantastique est de créer une porosité entre le quotidien et l’étrange… Mais avec le temps, on finit par s’habituer à ces recettes, et il devient difficile de nous surprendre. La réalisatrice détourne en permanence notre connaissance du cinéma de genre, avec un utilisation inattendue d’effets gores ou l’instillation d’un climat anxiogène soigneusement dosés. Si elle s’était contentée de montrer l’absurdité du système de bizutage, Julia Ducournau aurait déjà réalisé un très bon film, mais impossible de suspecter le véritable tournant de l’histoire, au premier tiers, qui nous emmène encore beaucoup plus loin dans la noirceur de l’âme humaine.

Tour à tour cruellement drôle et drôlement cruel, GRAVE en met plein la vue aussi au niveau de sa mise en scène. Que ce soit la nature totalitaire du bizutage mis en place par les deuxième années, ou les pulsions de Justine, Julia Ducournau arrive toujours à rehausser la qualité du scénario par une parfaite gestion du tempo, un grand sens des couleurs ou un choix de cadrage original. Cela tient parfois à peu, comme lorsque Justine observe (seule dans le cadre fixe, au centre) son camarade de chambre jouer au football torse-nu (lui est filmé en mouvement, son corps mêlé à une foultitude d’autres étudiants). Le regard de Garance Marillier trahit très justement le désir, mais le cadrage révèle que ce désir l’isole des autres, sa nature en est donc suspecte.

GRAVE est un excellent divertissement : drôle, effrayant et imprévisible

Le visage qui exprime la transformation de Justine est celui d’un ange diaphane, une jeune fille pas encore tout à fait femme qui loin d’avoir les yeux emplis de cruauté pose plutôt sur le monde un regard mélancolique. Garance Marillier ne se contente pas de jouer juste, elle est la véritable révélation de GRAVE. La direction d’acteurs est impeccable, mais Garance Marillier sort du lot en prenant à contre-pied nos attentes : on la croit apeurée, elle devient séductrice dans la scène suivante ; elle prend goût à sa transformation, la voilà maintenant presque triste de cette révélation.

GRAVE concentre une séries de thèmes qui auraient tous pu faire l’objet d’un film en soit : découverte de la sexualité, affirmation de soi, filiation parentale, etc. La polysémie du jeu de l’actrice recoupe donc celle du film. Mais ces aspects sont aussi corrélés à un propos plus insidieux, qui ne se révèle que très progressivement au cours de l’histoire : le Mal est par nature intrinsèque à notre condition. Ou du moins à celle de Justine. Si l’on peut s’offusquer de cette idée, elle n’en est pas moins totalement cohérente avec tous les événements de GRAVE. Contre ce Mal inné, nous ne pouvons que tenter vainement de nous imposer des gardes-fous, dans l’espoir de le contenir dans la mesure du possible.

Thomas Coispel

Note des lecteurs82 Notes
Titre original : Grave
Réalisation : Julia Ducournau
Scénario : Julia Ducournau
Acteurs principaux : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella
Date de sortie : 15 mars 2017
Durée : 1h38min
3.5
Imprévisible

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