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SPACE JAM, un remake face à la culture du viol

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Entre pornographie zoophile et culture du viol, le remake de SPACE JAM suscite des polémiques aussi absurdes que fatigantes destinées à nous faire perdre foi en l’humanité.

Il y a quelques semaine, la diffusion de nouvelles images du remake de Space Jam a réveillé une polémique pour le moins inattendue. Réalisée par Malcolm D. Lee, SPACE JAM 2 est la suite très attendue du film culte des années 1990. Mais au-delà des réflexions autour de l’intérêt de ce film, une polémique totalement absurde est née autour du personnage de Lola Bunny qui n’arbore plus le même physique qu’avant au désespoir de certains.

Pour resituer le contexte, Lola Bunny est une lapine anthropomorphe qui incarne le pendant féminin de Bugs Bunny dont ce dernier est amoureux. Elle apparaît pour la première fois dans le film Space Jam avant de rejoindre l’équipe des séries animées Looney Tunes Show.

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Rapidement, Lola Bunny a été définie par des stéréotypes de genre selon lesquels les femmes devaient être hyper-sexualisées avec une généreuse anatomie révélée par des vêtements ultra-courts. D’ailleurs, une rapide recherche internet suffit pour se rendre compte de la quantité horrifiante de contenus pornographiques existant autour de la lapine. Sauf que les mentalités de l’industrie hollywoodienne ont depuis évolué et SPACE JAM 2 montre donc un nouveau personnage qui n’a plus de seins aussi gros qu’avant et qui a laissé sa tenue sexy au vestiaire. Mais pour certains, la disparition de ce physique sulfureux est révoltante.

Au-delà du fait qu’on soit sérieusement aujourd’hui en train de débattre sur l’attractivité sexuelle d’une lapine fictive, il est nécessaire de souligner la volonté des réalisateurs d’éradiquer des personnages féminins objectifiés, sexualisés et victimisés qu’ils soient des lapins ou non.

Pour les réalisateurs, il est important “de refléter l’authenticité de personnages féminins forts et capables.” Il était donc nécessaire de retravailler beaucoup de choses autour de Lola Bunny comme sa tenue, sa voix ou plus généralement son physique. Auparavant, ce personnage de dessin animé était purement et simplement réduit à des attentes masculines. Et bien qu’elle était la meilleure de l’équipe de basket après Michael Jordan, ce qui importait avant tout c’était qu’elle soit sexy. Ce n’est donc pas la personnalité de Lola Bunny ou ses capacités sportives qui comptaient mais son sex-appeal. Ainsi, comme l’a déclaré le réalisateur Malcolm D. Lee à Entertainment Weekly

“Lola Bunny était très sexualisée, comme une sorte de Betty Boop mélangée à une Jessica Rabbit. Lola n’était pas politiquement correct… c’est un film pour enfants donc pourquoi est-elle en crop top ? […] Nous sommes en 2021. Il est important de refléter l’authenticité de personnages féminins forts et capables. […] Pour nous, c’était important de montrer ses compétences athlétiques, ses qualités de leader et de faire d’elle un personnage aussi profond que les autres.” 

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Le parallèle avec Jessica Rabbit est intéressant car malgré les évolutions des mentalités, peu sont ceux qui évoquent la nécessité de changer les courbes voluptueuses du personnage ou son déhanché sensuel. Tout simplement parce qu’elle ne se réduit pas à ça. Déjà, Jessica Rabbit n’est pas un lapin mais un être humain inspirée de Veronica Lake. Elle incarne donc un personnage féminin, construit et complexe dont le physique contribue à l’archétype de femme fatale qu’elle symbolise. Et bien que ce stéréotype est potentiellement problématique, sa plastique ne prend pas le pas sur sa personnalité ou sa place dans la narration contrairement à la lapine dont on se souvient plus du tour de poitrine que du nombre de paniers marqués.

Cependant, Lola Bunny n’a pas été la seule à faire l’objet d’une réécriture par les réalisateurs de SPACE JAM 2 puisque Pépé le Putois, lui, a tout simplement été effacé. Accusé de promouvoir la culture de viol, le personnage archétype du français dragueur pourrait incarner à lui seul le droit d’importuner si cher à Catherine Deneuve. Mais sans rentrer dans une réflexion sur le bien-fondé de cette disparition, ce qui mérite d’être pointé du doigt c’est la question de la temporalité de ces décisions exécutives. Aujourd’hui, l’atemporalité des dessins animés entre en conflit direct avec des logiques interprétatives qui les ramène à leur ancienneté. Non seulement le premier volet de SPACE JAM est encore assez récent, mais en plus tous les long-métrages sont disponibles à la demande sur différentes plateformes. Cette offre permanente de consommation culturelle rend difficile l’appréciation de l’évolution des mentalités alors qu’un regard vers le passé est constamment possible. 

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Alors qu’il semble nécessaire de repenser la question de l’ambivalence du genre dans les dessins animés (on peut notamment penser aux travestissements fréquents de Bugs Bunny), s’insurger pour l’attractivité physique d’une lapine semble aussi ridicule que dérisoire, n’en déplaise aux nombreux fans mécontents qui feraient mieux de se poser des questions sur leur sexualité.

Sarah Cerange

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