À l’heure des reboots et des remakes incessants, Sony fait les fonds de tiroirs pour exhumer du panthéon des blockbusters la franchise Bad Boys.
Avec un premier opus sorti en 1995 et un deuxième en 2003, elle avait donné ses lettres de noblesse au maître artificier du genre, Michael Bay. Les deux de flics aux méthodes expéditives reprennent du service 17 ans plus tard pour dégommer du bad guy à grand renfort de vannes bas de plafond. Tandis que Marcus espère profiter d’une retraite méritée, son comparse Mike est lui bien décidé à continuer sa vie de franc tireur jusqu’à ce que mort s’en suive…
Le film ne s’embarrasse même pas d’un scénario un tant soit peu élaboré et file à toute vitesse pour retrouver les ingrédients de sa réussite. Un duo comique antinomique qui fonctionne toujours sur les mêmes mécanismes, Will Smith retrouve son rôle de flic cool et séducteur de ces dames, Martin Lawrence s’en sort moins bien, relégué à un rang de faire-valoir gaffeur caricatural. Une fois lancés sur les rails d’une intrigue aux enjeux grossièrement définis, on retrouve les motifs du genre, courses-poursuites infernales, fusillades épiques et explosions baroques. Mais le film, taillé dans les codes du blockbuster des années 90-2000, semble s’être égaré dans les méandres d’une étrange faille spatio-temporelle.
Car même si elle est exécutée avec une certaine virtuosité dans ses séquences d’action, la mise en scène déployée par le duo de réalisateurs belges ne dépasse jamais le pastiche passéiste. Tous les gimmicks de la franchise sont repris, des mouvements de caméra aux ralentis grandiloquents, remâchés dans une pure intention de fan-service. Aucune vision ne porte ce métrage tourné uniquement vers le passé. Il aurait pourtant été intéressant de réfléchir à cette forme fascinante du blockbuster des années 90, en cherchant à le réactiver à travers des enjeux cinématographiques contemporains, mais ça n’est vraisemblablement pas l’ambition du film.
Malheureusement l’embarras se fait parfois grandissant face à la ringardise de certains motifs échappés d’une autre époque. Le virilisme un peu désuet d’un Will Smith passablement ridicule et l’objectification des personnages féminins, soit complètement hystériques, soit totalement amoureuses du beau Mike… Dans un sursaut moraliste, les personnages amorcent un lissage de leur éthique bad boy afin de donner un sens inespéré à leurs actions punitives. Le recours à la violence ouvre dès lors la porte à des questionnements que l’intrigue balaye aussitôt posés. Car, en fin de compte, le film aura vite fait de réhabiliter et légitimer l’utilisation des armes à feu à travers un fétichisme glorifiant qui laisse perplexe.
Une fois ces quelques exigences dépassées, BAD BOYS FOR LIFE remplit entièrement ses fonctions divertissantes. L’alchimie entre les deux acteurs se diffuse efficacement et on finit par se laisser porter, davantage par bienveillance que par intérêt. On se surprend même à fredonner un refrain qu’on l’on croyait oublié et rire aux éclats devant les pitreries d’un Martin Lawrence éternellement irrésistible. L’imminence d’un plot-twist totalement saugrenu saura nous ramener à la raison. Le film passe à côté du second degré qu’il provoque malgré lui sans jamais assumer pleinement le ton faussement décalé qu’il emploie avec trop de sérieux.
Si vous cherchez autre chose qu’un shoot de nostalgie enrobé dans une bonne couche de blockbuster régressif, passez votre tour.
Hadrien Salducci
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• Réalisation : Adil El Arbi & Bilall Fallah
• Scénario : Chris Bremner
• Acteurs principaux : Will Smith, Martin Lawrence, Joe Pantoliano, Vanessa Hudgens, Alexander Ludwig, Charles Melton, Paola Nunez, Kate Del Castillo, Nick Jam, Jacob Scipio
• Date de sortie : 22 janvier 2020
• Durée : 2h04min