Synopsis : Le film aborde de manière très frontale la question d’une addiction sexuelle, celle de Brandon, trentenaire new-yorkais, vivant seul et travaillant beaucoup. Quand sa sœur Sissy arrive sans prévenir à New York et s’installe dans son appartement, Brandon aura de plus en plus de mal à dissimuler sa vraie vie…
Note de l’Auteur
[rating:9/10]
• Date de sortie : 7 décembre 2011
• Réalisé par Steve McQueen
• Film Shame
• Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale
• Durée : 1h39min
• Bande-Annonce :
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=kUyTQSJgCg8[/youtube]
Shame traite de l’addiction au sexe ! Telle était mon idée jusqu’à ce message laissé par Sissy (Carey Mulligan) sur le répondeur de son frère Brandon (Michael Fassbender) « We’re not bad people. We just come from a bad place». Cette phrase arrive comme la révélation du pesant non-dit dans la fratrie. Nous comprenons alors pourquoi jamais ni l’un ni l’autre n’évoque les géniteurs ; à l’évidence ils partagent un lourd passé traumatique.
A l’image du tableau liminaire, le premier tiers du film a pour centre de gravité son protagoniste. Tant que l’addiction n’est pas éventée, elle est vécue sereinement. Les scènes de nue dessinent un personnage en phase à la fois avec son corps et ses pulsions. La réalisation de Steve Mc Queen révèle alors quelques jolies subtilités. Par exemple, le jeu de couleurs. Tout est pâle, pastel dans le monde de cet addict. La décoration est plus que minimaliste et le gris est dominant. Les objets de désir, les femmes, sont les seules à arborer des couleurs vives. Le rouge sera notamment utilisé à multiples reprises pour souligner le désir interdit, que cela soit la femme mariée ou plus tard la sœur.
C’est d’ailleurs grâce à cette dernière que le film s’enclenche réellement. Bien qu’ayant esquivé chacun de ses coups de fils, Brandon ne parvient pas à l’empêcher de débarquer dans sa vie. La scène de leurs retrouvailles préfigure la suite. Elle filme clairement le désir latent et honteux du frère pour sa sœur. A mesure que le film s’assombrit et se trouble, il gagne en puissance et intérêt. Ce désir révèle au protagoniste les raisons de son addiction. Il ne peut plus désormais détourner le regard. Alors qu’il est plus que jamais honteux de sa sexualité (l’entre-soi disparait, le ça et surmoi se distancient et s’affrontent), les non-dits de la fratrie se font de plus en plus bruyants. Leurs retrouvailles signent le commencement de la déchéance de l’un et l’autre. [pullquote]Shame, une allégorie de notre modernité où le choc de la pulsion et de la honte pousse les protagonistes à l’autodestruction.[/pullquote]
Les seules vraies conversations fraternelles sont indirectes, elles passent par un message sur un répondeur ou la chanson New York New York interprétée au ralenti par Carey Mulligan. Leur communication difficile et leur impossibilité à dépasser le trauma de l’enfance les poussent à l’autodestruction (Sissy prend la voie la scarification, Brandon celle de l’addiction sexuelle).
Le film réussit avec subtilité le pari de sous-titrer le non-dit, de dire l’indicible. Si nous estimons que le sujet est la sexualité d’un addict alors nous pouvons penser, comme on le lit et l’entend, que le film est puritain. Les scènes de sexe ne montrent à aucun moment le plaisir sous-jacent, le sexe comme moyen de la jouissance. Le sexe est ici honteux car il est une manière de se punir. Shame filme deux adolescents traumatisés devenus adultes qui se perdent dans la modernité newyorkaise et lient leur destin dans l’autodestruction.
Enfin, il faut souligner les interprétations troublantes et pour le moins puissantes de Carey Mulligan et Michael Fassbender. Ce dernier en particulier, procède à un don corporel et émotionnel total.