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Crédits : Henrik Ohsten

DRUNK, un clair-obscur bouleversant – Critique

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Huit ans après avoir enivré le public du festival de Cannes avec La Chasse, Thomas Vinterberg questionne les limites de l’ivresse dans DRUNK.

En 2012, Thomas Vinterberg choquait le public et subissait les foudres de certaines critiques avec un film jugé sombre et moralement irresponsable. Mené par Mads Mikkelsen, La Chasse racontait l’histoire de Lucas, un auxiliaire de jardin d’enfants, accusé de pédophilie qui devient progressivement l’objet d’une chasse aux sorcières. Retrouvant cette audace qui lui est connue, le réalisateur danois s’attaque cette fois-ci à la question de l’alcoolisme avec une mise en scène naturaliste et lumineuse.

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Crédits : Henrik Ohsten

Dans DRUNK, on suit la dérive de quatre hommes, enseignants dans un lycée, qui vont progressivement sombrer dans l’alcool en souhaitant valider la théorie du psychologue norvégien Finn Skarderud selon lequel tous les hommes naissent avec un déficit d’alcool dans le sang, les empêchant de vivre pleinement. Barbant et ne s’exprimant que partiellement comme le suggère les premiers plans de profil, Martin (Mads Mikkelsen) prend goût à l’expérience et finit par oser perdre pied, changeant pour toujours le destin du groupe.

En apprenant à s’accepter en tant que sujet faillible et à aimer leurs propres failles, les personnages finissent également par apprendre à aimer autrui.

Au départ un peu lent, le film se dévoile au fur et à mesure de l’augmentation du taux d’alcoolémie des personnages et de leur déshinibition. Si Thomas Vinterberg n’oublie pas les risques réels d’un abandon à l’alcool, il n’en dresse pas moins ici une célébration de la vie. Tout en contradictions, DRUNK dresse un portrait complexe de quatre hommes qui sont au final moins assoiffés de nouveautés que d’alcool. Alors que beaucoup de cinéastes auraient abordé ce sujet avec méfiance et cynisme, le réalisateur ne tombe jamais dans ce type de défaut en exprimant sa grande empathie pour ses personnages qui ont fait le choix de tester cette expérience qui se révélera être dure de conséquences. Oscillant entre satire et expérience scientifique, le réalisateur rappelle au public que c’est en osant perdre pied momentanément que l’on vit pleinement. Il semble alors que c’est lorsque que l’on perd le contrôle que le meilleur arrive et la fonction positive de l’alcool finit par se révéler être plus puissante que l’interdit.

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Crédits : Henrik Ohsten

Le scénario mène ainsi à l’hypothèse d’un alcoolisme heureux pour ces hommes qui se réclament d’Ernest Hemingway ou de Winston Churchill. Laissant le spectateur seul, tiraillé entre la beauté de l’ivresse et les dangers de l’alcoolisme, Thomas Vinterberg conclut son film avec une scène de fin aussi misérable qu’héroïque alors que le personnage de Mads Mikkelsen retrouve la danse de sa jeunesse avant qu’un arrêt sur image ne fige son corps dans un saut vers la mer. Équidistant entre l’ascension et la chute, Martin ferme ainsi le film avec une ambivalence morale dont finalement seul le public pourra se faire l’interprète.

Sarah Cerange

Note des lecteurs33 Notes
Titre original : Drunk
Réalisation : Thomas Vinterberg
Scénario : Tobias Lindholm & Thomas Vinterberg
Acteurs : Mads Mikkelsen, Thomas Bo Larsen, Lars Ranthe, Magnus Millang
Date de sortie : 14 Octobre 2020
Durée : 115 min
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Grisant

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