Pour son premier film de fiction, J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES, Antoine de Maximy choisit le docu-fiction et pose habilement la question d’un éventuel dérapage pendant l’un de ses périples dans sa série J’irai dormir chez vous.
Pas besoin d’être un familier de la série télévisuelle J’irai dormir chez vous, de Antoine de Maximy, pour voir J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES. Car le long métrage du réalisateur, par ailleurs scénariste et acteur, n’est pas destiné aux seuls connaisseurs et ne tient pas à l’écart les autres spectateurs. Le réalisateur a en effet trouvé la parade pour bien expliquer le principe de l’émission et mettre immédiatement le spectateur dans le bain.
Ainsi, en préambule, il rappelle l’historique de son émission depuis 2003 et les 60 pays visités, mais aussi les moments bizarres et de peur, véritable point de départ du film : que se passerait-il si ça dérapait vraiment et qu’Antoine de Maximy disparaissait au cours de l’une de ses aventures ? Et en effet, le film commence par un accident de voiture du présentateur sur une route montagneuse des Carpates, et dont le corps n’est pas retrouvé.
J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES bascule alors subtilement dans la fiction, avec des personnages qui aident aussi à bien saisir l’esprit de la série, autant à Paris que dans les Carpates. À Paris, on fait la connaissance d’Agnès (Alice Pol), monteuse de la série, autant inquiète que dubitative, qui pense qu’elle peut, grâce aux images et bandes-son du globe-squatteur rapatriées à Paris, reconstituer les faits et comprendre ce qui est arrivé. Le spectateur profite ainsi des explications que donne Agnès à Laurent (Max Boublil), le lieutenant de police dédié à cette affaire de disparition et à Théo (Léon Plazol), le jeune stagiaire que lui a collé dans les pattes François (Stephan Wojtowicz), le producteur de l’émission.
J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES se révèle une vraie bonne idée, qui évite les écueils traditionnels du docu-fiction et offre une enquête originale et bien rythmée.
Le film est très intéressant dans ce qu’il donne à voir l’envers du décor de l’émission, à savoir la façon dont le présentateur utilise ses différentes caméras, ainsi que le travail de dérushage et de montage de la série. Tout comme il permet de mieux saisir la relation de confiance, d’humour et d’admiration qui existe nécessairement entre un réalisateur et sa monteuse. C’est d’ailleurs grâce au ciment de son binôme avec Antoine et à l’analyse seconde après seconde de ses cassettes qu’Agnès parvient à convaincre Laurent de la probabilité qu’Antoine soit encore vivant. Là encore, le réalisateur offre un joli parallèle de regard entre la monteuse et le flic, dont les métiers nécessitent tous deux un grand sens de l’observation, du détail et de l’extrapolation.
Le réalisateur n’a d’ailleurs pas rendu son personnage du film plus sympathique que ce qu’il est dans la série : il donne clairement de sa personne, ce qui le rend autant attachant qu’agaçant. Souvent intrusif dans sa façon de forcer les gens à le laisser entrer chez eux, et même à s’inviter dormir, on le retrouve surtout avide de rencontres et de découverte de lieux, de boissons et de partage de quotidiens. Cette aventure permet même au réalisateur de faire quelques pseudo confidences (sans pouvoir démêler les vraies des fausses) sur sa lassitude, sa baisse de moral, voire sa vie privée. Il est également montré dans des scènes vraiment inquiétantes ou des situations d’autodérision franchement cocasses, dont on suppose qu’elles ne pourraient pas être montrées au grand public dans les séries.
Deux petits bémols à l’enthousiasme que provoque J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES : le premier, c’est que, malgré son souhait de vouloir donner une bonne impression des Carpates, on pourrait reprocher à Antoine de Maximy de ne pas parvenir à se débarrasser de certains clichés, notamment à propos de la population. Le second bémol tient aux caractéristiques de certains personnages, qui n’apportent pas grand chose au film: ainsi la maladresse du flic ou l’attitude du stagiaire. J’IRAI MOURIR DANS LES CARPATES se révèle néanmoins une vraie bonne idée, qui évite les écueils traditionnels du docu- fiction et offre une enquête originale et bien rythmée qui tient la route jusqu’au bout (à ce propos, on conseille de ne pas partir avant la fin du générique).
Sylvie-Noëlle
• Réalisation : Antoine de Maximy
• Scénario : Antoine de Maximy, Thomas Pujol
• Acteurs principaux : Antoine de Maximy, Alice Pol, Max Boublil
• Date de sortie : 16 septembre 2020
• Durée : 1h36min