On vous parle de Djanis Bouzyani, la révélation de TU MÉRITES UN AMOUR, le premier film de Hafsia Herzi. On l’a rencontré au dernier Festival du Film Francophone d’Angoulême.
Il est des rôles secondaires qui crèvent l’écran et laissent une empreinte indélébile dans les cœurs. Ce fut récemment le cas de Estelle Meyer dans Rêves de Jeunesse. C’est aussi vrai avec Djanis Bouzyani, fascinant par son jeu et sa présence dans Tu mérites un amour, premier film de Hafsia Herzi (lire notre critique). Elle lui a confié le rôle de Ali, meilleur ami gay de la jeune Lila (qu’elle interprète elle-même), un peu paumée suite à une rupture amoureuse douloureuse. Plein de sagesse, de vie et de drôlerie, Ali prodigue de précieux conseils à la jeune femme, lui fait rencontrer du monde et l’encourage à s’inscrire sur les applications de rencontres.
Tu mérites un amour a remporté le Valois de la mise en scène et le jury a aussi décerné une mention spéciale à Djanis, même si c’est Anthony Bajon qui a obtenu le Valois de l’acteur dans Au nom de la terre (il joue également dans Tu mérites un amour). On a rencontré le jeune homme au Festival du film francophone d’Angoulême qui, bien qu’il reconnaisse ne pas avoir autant de points communs que cela avec son personnage, partage avec lui sagesse et humilité. On vous propose donc de faire plus ample connaissance avec le talentueux Djanis Bouzyani, à qui on prédit une grande carrière.
D’où vient Djanis : Le jeune homme de 25 ans, parisien originaire du Maroc, a une formation de danseur. D’abord à Paris, puis à Los Angeles dans l’école de Debbie Reynolds. Il parle donc anglais couramment mais « avec un accent horrible ». De retour en France, plus branché contemporain et jazz, il est passé par le Crazy Horse sous la direction artistique du chorégraphe Philippe Decoufflé. Il a notamment dansé aux côtés de Dita Von Teese et reconnaît « avoir été trop chanceux, car c’était inespéré en tant que garçon ». La danse lui a appris la rigueur, qualité qu’il a d’ailleurs retrouvée chez son amie Hafsia Herzi dans la réalisation de son film.
Sa rencontre avec Hafsia Herzi : Ils se sont rencontrés pendant le casting des voix du film de Joann Sfar, Le chat du Rabbin : Hafsia était la fille du Rabbin et lui son disciple. Ils sont restés très proches, Hafsia est «un peu comme une grande sœur pour lui, très protectrice». Leur relation a inspiré la réalisatrice, et toutes les scènes avec Ali ont d’ailleurs été tournées chez Djanis.
Le projet du film : L’été dernier, Hafsia a envoyé son scénario à Djanis, lui précisant que ce ne serait peut-être pas lui qui obtiendrait le rôle, mais que ça lui permettrait, tout comme à elle si son premier long métrage ne se faisait pas, de s’entraîner. Il confirme que travailler avec son amie n’a pas mis en péril leur amitié : « on est parti sur un même objectif : on voulait faire un truc bien, même si on savait si ça allait servir ou pas ; quand tu es à l’endroit où tu veux être ce n’est pas difficile ». Djanis a été le premier acteur casté sur le film, suivi par Jérémie Laheurte, le fameux petit ami de Lila, Rémi.
Pourtant Ali, ce n’est pas Djanis : Le jeune homme dit que « la réalisatrice s’est inspirée de nos rapports très proches pour le rapport entre les deux personnages mais pas dans la manière dans laquelle ça se développe. Car dans la vraie vie c’est l’inverse : c’est plus Hafsia qui me dit ce que je devrais faire. Moi je suis plus léthargique, je laisse faire les choses, j’ai une certaine mélancolie, je me laisse vivre, je vois ce qui arrive ou pas. Je ne suis pas du genre à forcer. Hafsia a ce caractère comme mon rôle : aller au-devant et croire aux choses ».
La composition de son personnage : La direction d’acteurs était très claire : « Hafsia me disait que Ali, malgré son côté désinhibé, est très sensible, pas seulement quelqu’un qui veut rigoler des malheurs de sa copine. Lui, c’est la lumière dans la noirceur, comme une bougie quand tout est noir dans nos vies. Parfois il y a des gens qui sont là pour éclairer et des caractères qui vont vers la lumière. Au début Lila reste vers son côté sombre et se complaît dans la douleur. Elle a besoin de passer par là et petit à petit le film avance et on sent qu’elle va vers la lumière. J’ai l’impression que Ali l’aide à aller vers une résilience. Les moments les plus émouvants sont ceux dans lesquels Ali intervient car il a lui aussi traversé les épreuves dans lesquelles elle est encore ».
Le plus difficile dans l’interprétation de Ali : Le jeu de Djanis est effectivement sur un fil et Djanis confirme qu’ils ont veillé avec Hafsia, à éviter certains écueils : « on voulait que ce soit exubérant mais sans pour autant que ce soit un cliché genre folle primaire comme dans La cage aux folles. Ce n’est évidemment pas péjoratif parce que c’est aussi grâce à ce genre de personnages qui assument pleinement leur homosexualité que la cause a pu avancer. Mais quand c’est trop loin dans la caricature, ce n’est pas touchant. À certains moments, le personnage est tellement apte à aller dans le cliché que je partais très loin dans ma façon de parler et de me tenir. Mais Hafsia ou moi on s’arrêtait très vite; elle me disait : on redescend, dans la posture ou la voix. Dans les scènes de dance, elle voulait pourtant que je sois caricatural et quand je lui demandais si ce n’était pas un peu trop, elle me disait « écoute tu le fais, ou je te coupe » et moi je tenais absolument à être dans le film ! Hafsia s’adapte aux personnalités de ses acteurs, et elle sait que moi, j’ai besoin d’être dos au mur, sinon ça peut s’éterniser ».
Le plus compliqué avec le texte : Djanis avait pas mal de texte à apprendre pour son premier rôle, qui comporte « de gros passages et un débit rapide. Hafsia voulait que mes répliques fusent et qu’on ait l’impression de nous voir juste en train de discuter, sans que je réfléchisse à mon texte. Avant de tourner et de faire venir les techniciens, elle répétait avec moi jusqu’à l’épuisement».
Ses projets après Tu mérites un amour : Djanis dit avoir fait un peu le tour en danse et envie de continuer en tant que comédien, même s’il est conscient qu’il y a peu de chance que cette « expérience géniale » se reproduise, tant il a eu de liberté. Sur le tournage, il a rencontré la comédienne- réalisatrice Sylvie Verheyde qui a un petit rôle dans le film. Elle lui a proposé dans son film Madame Claude un rôle de jeune prostitué, qu’elle a créé spécialement pour lui (la date de sortie n’est pas prévue, mais Djanis sera bien entouré puisqu’on retrouvera notamment au casting Karole Rocher, Roschdy Zem et … Hafsia Herzi).
Le genre de personnage qu’il aimerait jouer à l’avenir : Djanis n’a pas d’idées précises, mais le moteur de ce jeune homme attachant qui a la tête sur les épaules semble être l’inspiration qu’il suscite et le désir qu’il ressent : « quand on me demande avec quel réalisateur j’aimerais travailler, je n’ai pas de réalisateurs qui m’inspirent. Pour moi, les acteurs devraient aussi être inspirés par un réalisateur, et pas seulement les réalisateurs par un acteur car on vit une histoire pendant un petit moment et il faut avoir envie de travailler avec des gens qui ont envie de travailler avec moi. Ce n’est pas de l’ego, c’est juste l’envie de faire des belles choses, car quand on se sent aimé sur un projet, on va à son paroxysme »…. Et c’est tout ce qu’on lui souhaite !
Propos recueillis par Sylvie-Noëlle