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Crédits : Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH

MORBIUS : pourquoi le spin-off de Spider-Man est un fiasco ? – Analyse

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Une — ou plusieurs — partie(s) de cet article parle de l’intrigue et en dévoile certains aspects. Il est donc vivement conseillé d’avoir vu le film avant de le lire. On vous a prévenu !

MORBIUS est en salle depuis mercredi. Malheureusement, c’est un fiasco. Heureusement, ça n’a duré que 1h45. Si on pensait voir une production horrifique du Sony Spider-Man Universe sur un des ennemis de Peter Parker dans les comics, on découvre en fait un film sans fond et sans fin. En plus de ça, la bande-annonce nous a bien menti. On vous explique pourquoi.

« I am… Venom ». C’est là le plot twist de MORBIUS de Daniel Espinosa. Cette scène, où Jared Leto, aka Docteur Michael Morbius, balance sa réplique aux bandits New Yorkais, est sans nul doute la blague de l’année. Non, on est méchant… C’est pas si mal et ça a le mérite d’avoir fait rire la salle. Les fans du SSU (Sony’s Spider-Man Universe) et du MCU (Marvel Cinematic Universe) ont même soufflé du nez. Le seul problème de cette noble référence, c’est que c’est le moment le plus sympa du film. Et ça ne dure que cinq secondes. Et c’est dans la bande-annonce.

Ce qui aurait dû être un film aux tendances horrifiques avec un background scientifique à la Norman Osborn, est en fait un mélange suspect entre le support humoristique buddy movie de Venom et un peu de science-fiction. Et c’est dommage, parce qu’il y avait de quoi faire.

Une histoire sans faim (et sans début non plus)

Si on fait abstraction de ce très mauvais jeu de mot, c’est plutôt vrai. L’histoire du Docteur Morbius est intéressante. Un gamin surdoué avec une maladie du sang auto-immune mortelle ; qui en grandissant obtient le lauréat du prix Nobel pour avoir inventé un sang « bleu » de synthèse qui sauve des gens ; mais qui finit par se transformer en vampire après s’être injecté du sang de chauve-souris potentiellement capable de le soigner, c’est intéressant. Dans la théorie, on sent un côté jeu dangereux du scientifique un peu tapé du crâne qui veut mélanger deux espèces. Plaisant. Mais dans la pratique, c’est mal amené.

Michael Morbius et des mercenaires se rendent au Costa Rica pour capturer des chauves-souris vampires très rares. Doc’ Morbius descend de son hélico, s’ouvre tranquillement la main, la tend sans pression vers une grotte remplie de chauve-souris assoiffées et attend. Puis là, les monstres nocturnes sortent de leur trou et envahissent l’écran. Mais elles n’attaquent personne (alors que Michael insiste plusieurs fois dans le film sur le fait que ces créatures n’hésitent pas à déchiqueter tout ce qu’elles trouvent sur leur chemin). Puis, ni vu ni connu, on se retrouve 25 ans plus tôt dans un flashback de l’enfance du personnage. C’est là qu’il rencontre son meilleur pote, Lucian, lui aussi malade, qu’il s’empresse de renommer Milo. (Pourquoi ? Le melon du mec ?). Puis après deux, trois scènes sans grandes émotions sur les capacités intellectuelles hors normes de Michael, on se retrouve à la remise d’un prix Nobel que monsieur refuse. Tout ça, en l’espace de 10 minutes. Dommage de bâcler une mise en contexte quand cette mise en contexte est la partie la plus excitante du film. On aurait aimé en savoir plus sur les chauves-souris qu’il a capturées, sur son enfance, sur sa condition et sa relation avec sa maladie.
On entre alors dans le corps du film. Le docteur loue tranquillou un petit yacht, certainement en promo, et y emmène sa collègue, mais aussi sa target, Martine Bancroft. Il va s’injecter son sérum à base de sang de chauve-souris dans le corps et on connaît la suite, ça va fonctionner et le guérir de sa maladie. Mais il va se transformer en super-vampire. Relou.

La scène de sa transformation est prévisible, mais pas si mal. Évidemment, il échappe à la surveillance de Martine et va égorger tous les mercenaires à bord du bateau. Pour le moment, ça fonctionne plutôt bien. On a presque un peu d’espoir. Puis, la première chose que Michael Morbius fait en se rendant compte de sa condition vampirique juste après avoir zigouillé tout le monde, c’est d’enlever sa chemise et d’admirer ses nouveaux abdos. Il fallait que Daniel Espinosa mette en avant les atouts de Jared Leto. T’étais pas obligé, Daniel.

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Crédits : CTMG, Inc.

Après investigation et autres accidents mortels, on se rend compte que Milo, le meilleur pote de Michael, s’est lui aussi injecté le sérum chauve-souris pour guérir. Sauf que lui, il n’a évidemment pas la conscience éthique du Docteur Morbius. Ce dernier se nourrit du sang synthétique qu’il a lui-même inventé pour éviter d’égorger des humains. Milo lui, il est juste content d’être soigné et veut profiter de la vie. Quitte à tuer des innocents pour se nourrir. Une question se pose alors : mais comment il a fait pour s’injecter le sérum ? Milo n’est pas scientifique. Et ce sérum, c’est pas du sérum physiologique. Soit. Le meilleur ami de Michael devient alors l’anta-antagoniste (puisque Morbius est censé être un antagoniste) insupportable qui porte des costumes et qui veut se farcir tout le monde et dans tous les sens du terme. On nous a clairement pondu un méchant bien cliché pour répondre aux besoins des films de super-héros. C’est-à-dire le « gentil » et le « méchant ».

Mauvais timing

La docteure Martine Bancroft, interprétée par une satisfaisante Adria Arjona et le docteur Michael Morbius sont amoureux. On l’a bien compris, ils se cherchent, ils se trouvent, ils s’embrassent. Mais leur histoire d’amour est bancale : des années qu’ils se connaissent et ils choisissent le moment où lui va sûrement mourir pour se faire des bisous. Mauvais timing. Malheureusement, on ne s’attache pas à leur histoire. On n’a pas le temps.

Dans la continuité des histoires sentimentales, Milo veut ouvrir les yeux de Morbius en lui disant — et accessoirement en le tabassant toutes les cinq secondes — que la vie s’ouvre enfin à eux et qu’ils doivent croquer la vie à pleines dents. Et deux minutes après, pendant le combat, il lui sort un joli « Crève ! ». Mauvais timing, encore une fois. De toute façon, on remarque bien un problème de temporalité dans le film, le rythme n’est pas bon.

Déjà, on a l’impression que la totalité de l’intrigue se passe en trois jours. Pas le temps de se poser, pas le temps de s’attacher aux personnages et les détails intéressants de l’histoire passent à la trappe. Tout va trop vite et les plot twist n’ont aucun contexte. Comme dit précédemment, les passages — intéressants — sur le passé de Morbius sont balayés en dix minutes. La fin du film, c’est pareil. En l’espace de quinze minutes, le mentor de Michael, Martine Bancroft et Milo meurent. Très mauvais timing. Et honnêtement, on ne ressent aucune émotion.
Quand le mentor, joué par Jared Harris, décède, ça force l’incohérence. Il se fait violemment griffé par Milo (dont il est un peu le papa spirituel) et a le temps d’appeler Morbius pour qu’il vienne le sauver, arrive à survivre le temps que Monsieur arrive et se décide à succomber à ses blessures trois secondes après son arrivée. On en a vu des morts rapides, mais des comme celles-là…

Pour Martine, c’est pareil. On a bien compris qu’elle s’est faite attraper par Milo (tout à fait normal d’ailleurs qu’il ait réussi à la trouver sans indices le temps d’un cut dans une ville aussi petite que New York) et qu’il la mord. Morbius finit par la trouver à son tour (ils sont trop forts) et ils se font un baiser d’adieu aussi poignant que la flamme qui brûle entre Edward et Bella dans Twilight. D’ailleurs, Doc’ Bancroft décide de mordre la lèvre de Morbius avant de s’en aller vers d’autres cieux pour qu’il ait envie de boire son sang. Parce que s’il boit son sang, il sera plus puissant et pourra foutre une raclée à l’autre ravagé.

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Crédits : CTMG, Inc.

Tiens, en parlant de sang. Pendant le cours du film, Docteur Morbius explique plusieurs fois qu’il se nourrit pour le moment de ce fameux « sang bleu », mais que ses effets sont temporaires et que très bientôt, il lui faudra du « rouge » (et pas du vin). (Mauvaise blague). Dans l’idée, le moment où il boit le sang de sa chère et tendre pour qu’elle lui donne la force, est la première fois qu’il succombe au « rouge ». C’est une jolie métaphore. Un peu dramatique certes, mais ça fonctionne bien. Sauf qu’en fin de compte, la métaphore perd tout son sens quand on se rappelle qu’il boit un peu de sang rouge dans sa cellule de prison. C’est Milo qui lui en avait apporté. Et puis voilà, mauvais timing. On n’arrive même pas à savoir si c’est un manque d’attention de la part des scénaristes, ou s’ils ont voulu créer une sorte de moment de sevrage au milieu du film. Dans tous les cas, c’est bidon, c’est non.

Prenons d’ailleurs quelques secondes pour se dire une chose : Morbius met du temps à se faire à sa nouvelle condition et à combattre tous ses inconvénients. Milo, lui, il pète la forme direct. (Mauvais timing).

Et puis finalement, quand on s’attend à ce que Michael Morbius pleure sa bien-aimée qui vient de mourir, c’est sans grande joie qu’on la surprend à ouvrir les yeux. Et oui, elle va devenir un vampire elle aussi.

Mais parce qu’on n’est pas des monstres et qu’il y a quelques scènes à sauver, on prend celle où Martine nourrit son chat dans le labo. Elle lui balance un petit « It’s time to eat, little monster » et à ce moment précis, elle s’écorche le doigt, elle saigne. Là, comme un petit fou, Morbius lève sauvagement la tête. Il a faim lui aussi. Petit clin d’œil appréciable.

Des effets spéciaux à couper le souffle (et à couper tout court)

Toujours dans l’idée du mauvais timing, parlons des scènes de combat. En trois mots : What the f*ck ? On aura rarement vu des scènes aussi bordéliques. On sait bien que les vampires sont super rapides, mais quand même. On ne voit pas les mouvements, les réactions, les émotions. Juste deux trainées noires (oui, parce que Morbius et Milo laissent derrière eux une sorte de fumée noire quand ils se déplacent vite) qui s’entrechoquent. Et au lieu de ralentir le rythme des combats, Daniel Espinosa a préféré des slow motion super-galactiques ignobles. On n’est vraiment pas sur le ralenti iconique de Matrix. Plutôt sur un mec complètement shooté qui voit les alentours avec lenteur.

Et de vous à nous, la tronche horrifique de Morbius est bien plus effrayante sur les affiches. Vu de plus près, c’est pas si terrible. On pense peut-être que les scénaristes ont eu peur de la réaction des gens, mais en même temps quand on voit la gueule de Venom, on aurait pu s’attendre à un niveau au-dessus. Et puisqu’on parle d’horreur : le duo Marvel / Sony a eu l’occasion de rajouter des bocaux sanglants à son étagère. Mais non. Mise à part les poches de « rouge », aucun travail sur le sang. Quand les victimes se font déchiqueter par les deux vampires, c’est à peine si elles saignent. Par contre, quand Martine s’ouvre le petit doigt, là on fait un gros plan.

La scène du couloir

C’est l’heure du point positif. Sans nul doute, la scène du couloir est la plus qualitative du film. Certes, le choix scénaristique est simple et on n’est pas sur une innovation. Les lumières du couloir qui clignotent presque synchro avec les battements du cœur, c’est assez commun des films d’horreur. Les couloirs, c’est toujours efficace. C’est long et étroit, on ne peut pas s’échapper. C’est toujours sombre et les lumières sont partielles. On aperçoit toujours le méchant au loin, comme ça on a le temps de stresser et de le sentir venir.

On sait pertinemment que l’infirmière va finir par se faire trucider, mais c’est bien foutu. La scène n’est ni trop longue ni trop courte, on aperçoit suffisamment l’ombre du tueur pour comprendre qu’il est là, la victime se retourne plusieurs fois avant de se faire surprendre. Non, franchement, c’est bien rythmé. Puis, les couleurs sont en accord avec les normes du genre. Des tons gris et froids, presque verdâtres, une lumière blanche glaciale. Et ça a le mérite d’apporter ce côté épouvante qui manque cruellement au film. Ce n’est évidemment pas suffisant, mais c’est là.

La « bouée Spider-Man »

Le moment que tout le monde attendait : les scènes post-génériques qui tease la suite du Sony Spider-Man Universe.

Autant vous dire que le mot « déception » est soft. Non, franchement, le retour du Vautour, on aurait pu s’en passer. On ne dira pas que c’est le méchant le moins intéressant de la franchise, mais peut-être qu’on le pense un peu. Daniel Espinosa a carrément voulu spoiler ces scènes pour donner envie aux gens de voir le film (affolant de voir à quel point le réalisateur croit à son propre film). Honnêtement, on ne voit même pas l’intérêt. Ça n’en vaut pas la peine.

Tout au long du film, Morbius est en fait le « gentil » de l’histoire. Il veut sauver son amoureuse et éviter que plus de gens ne soient tuées. Et là, à la fin du film, ni vu ni connu, on apprend qu’il va se rallier au Vautour pour se venger de Spidey et de la vie. Dans le plus grand des calmes bien sûr, on s’est vraiment demandé « pourquoi ? ». On comprend tant bien que mal que le Vautour est là parce que Docteur Strange a bidouillé la matrice du temps, mais c’est bancal. Vraiment trop bancal. À la sortie de la salle de cinéma, les gens ne savaient même plus à quel Peter Parker ils allaient être mangés.

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Crédits : CTMG, Inc.

Au-delà des scènes post-génériques catastrophiques, le film ment clairement à l’audience. On a décidé d’appeler ça la « bouée Spider-Man », parce que c’est pour ça que les gens sont allés voir MORBIUS. Pour son lien avec l’homme-araignée et avec Marvel. Dans la bande-annonce, l’univers de Spidey est clairement teasé. On y voit la tour Oscorp, un tag subtil « Murderer » (assassin) avec Spider-Man en fond — référence au début de No Way Home — et le Vautour. Ce dernier, qui avait tout l’air d’être le Némésis de Morbius et un des personnages principaux dans le trailer, n’apparait en fait qu’en post-générique. Le vrai ennemi de Morbius est tout autre et est carrément décevant, vous allez voir. Pour ce qui est de la tour et du tag, ils ne sont tout simplement pas dans le montage final. En bref, tout ce que la bande-annonce a teasé, la bande-annonce l’a mangé. C’est presque si on ne s’est pas payé notre tête.

Quelques mots sur le casting

Jared Leto, on l’aime parce qu’on est vraiment attaché à ce qu’il nous a offert dans le passé. Requiem For a Dream, sa prestation dans Fight Club, American Psycho… Il a du coffre, le garcon. Mais là, il est bien plus que coincé dans une boucle médiocre. Entre son horrible Joker et son personnage dans House of Gucci, on ne sait pas sur quel pied danser. Son interprétation de Morbius n’est pas si terrible, le jeu de regard est sympa, son petit côté mystérieux et mystique fait le taff. Mais la mise en scène ne joue pas en sa faveur. Dommage.

Adria Arjona joue bien. Ce n’est pas extraordinaire, mais ce n’est pas mauvais non plus. Honnêtement, son personnage est tellement bâclé et mal mis en lumière qu’on n’a pas le temps de s’attacher à elle. Pourtant, le potentiel est là. Pour ce qui est de Matt Smith, là c’est la déception. En parallèle de ses interprétations dans The Crown ou encore Last Night in Soho, on ne pige pas trop. Comme pour Jared, la mise en scène ne l’aide pas. Et enfin Tyrese Gibson. Que dire, à part que le rôle du flic un peu badass ne lui va pas du tout. Pour les rôles humoristiques, il sait y faire, il l’a prouvé dans Fast and Furious. Mais là, ça ne colle pas.

Un peu comme MORBIUS, pas de fin passionnante à cette analyse, mise à part qu’on peut vous dire de ne pas aller voir le film. Désolé, Daniel. Et vous voulez le pire là-dedans ? C’est que Venom et MORBIUS ne sont que les premiers films du Sony Spider-Man Universe. C’est qu’on aurait presque hâte de voir la suite…

Cécile Fischer

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