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Dario Argento 009 - «DARIO ARGENTO, LE RÈGNE ANIMAL» : un livre sur la trilogie de ce magicien du fantastique
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«DARIO ARGENTO, LE RÈGNE ANIMAL» : un livre sur la trilogie de ce magicien du fantastique

Cet article a été écrit dans le cadre de la rubrique LES DOSSIERS D’ARKHAM

Dans ses riches années, le cinéma fantastique italien vit naître bon nombre d’artisans, et quelques orfèvres seulement. Et à la fin des années soixante, il permit la naissance d’un magicien. Si ses confrères cinéastes avaient fait preuve de savoir-faire dans l’art de la narration, Dario Argento se met à opérer dans l’art de l’envoûtement, arpentant un territoire cinématographique comme une caverne sombre, aux limites insondables et aux réverbérations vertigineuses, où les éclats de lumière de cette bonne vieille lanterne magique projetteraient les images obsessionnelles de nos rêves. Le cinéma, la « camera obscura » devenait alors un prisme noir, car aussi sombre que profond, mais diffusant en diffraction une palette de couleurs impressionnantes.

Dans son ouvrage consacré au maître du giallo, Thibault Loucheux le rappelle à plusieurs reprises; pour parler justement des trois films de la « Trilogie Animalière », il est avant tout question de couleurs. Du jaune dont le genre giallo, entre polar et épouvante, tire son nom; du vert, couleur du hasard et du changement perpétuel, si présente dans Quatre Mouches de velours gris; et du rouge emprunté au Caravage et qui donne son caractère macabre à la filmographie du réalisateur romain. Thibault Loucheux cherche le fondement archaïque du cinéma d’Argento, creuse vers sa nature primitive, alors que l’aspect générale de ses premières œuvres, comme de sa biographie, portent à croire à un besoin de sophistication. Les couleurs d’abord, les impressions radicales qu’elles laissent dans nos mémoires, puis à mesure que se dessine son appropriation des codes visuels du cinéma policier, l’hypothèse que le cinéaste laisse parler la part animale de son cerveau. Des couleurs vives, des dissonances, des survivances de l’instinct, d’une peur ancestrale du sort, d’un prédateur tapi dans l’ombre.

photo de L'Oiseau au plumage de cristal
L’Oiseau au plumage de cristal © Wild Side Vidéo

L’envoûtement d’Argento consiste donc à rappeler le moment fatidique du récit tel un rêve récurrent. Et pour traumatisme à partager avec l’inconscient collectif de son public, il choisit les images d’un meurtre à l’arme blanche, dont la victime est le plus souvent une femme. Le moment du meurtre conditionne l’ensemble du récit et l’impression générale de l’aspect visuel; découpé et travaillé pour imposer son rythme au montage et sa temporalité à la narration. Le spectateur comme les protagonistes, vivent, parfois revivent, le présent de l’acte; le reste fait de flash-forwards et de flash-backs ne représentant que l’avant et l’après. Dans le processus d’élaboration de l’œuvre, cette pulsion meurtrière à forte connotation sexuelle, pourrait paradoxalement être perçue comme un retour à une dimension primitive de l’esprit d’un jeune homme. Rappelons qu’Argento n’a même pas trente ans lors de son premier tournage, qu’il s’oppose ainsi à une arrière-garde vieillissante du cinéma italien, et qu’il souhaite s’adresser à une société conservatrice où la révolution sexuelle peine à s’imposer. Au-delà de cette considération sociétale; le cinéaste s’emploie à enluminer la scénographie du meurtre d’une sophistication étonnante.

« Le meurtre n’est plus uniquement narratif, il devient une figure de style. Oxymore, à la fois macabre et doux. »

A l’image de la scène la plus emblématique de L’Oiseau au Plumage de cristal prenant place dans une galerie d’art, la représentation du meurtre au fil de la filmographie du maestro reste celle d’une œuvre d’art. Thibault Loucheux cherche une justification de cette sophistication par l’art dans la biographie du réalisateur, qui avant de passer derrière la caméra, officiait comme critique de cinéma et devait ainsi construire des argumentaires et décrire la place des films chroniqués dans une société et une époque. Mais avant même cette période de sophistication de sa pensée, Argento bénéficiait déjà d’un rapport particulier aux arts depuis son plus jeune âge : père producteur, mère photographe, grand-mère passionnée d’opéra; les traumatismes du jeune Dario semblent s’être cristallisés moins sur les événements que sur les images, les instants d’étranges ailleurs contenus dans les arts.

Au fil de sa trilogie animalière, le cinéaste développe donc son traitement personnel du meurtre, où il n’est plus uniquement narratif, et devient une figure de style. Oxymore, à la fois macabre et doux. S’articulent autour de cette figure, des motifs récurrents comme ceux qui composent le champ poétique d’un auteur : des gants de cuir, des lames scintillants et surtout le rôle important de l’œil: s’écarquillant sur un gros plan, prenant la place de la caméra lors de vues subjectives et restant porteur d’une image révélatrice comme celui de Quatre Mouches de velours gris. Le Règne animal permet d’en apprendre davantage sur les débuts de Dario Argento avant qu’il ne succombe totalement aux charmes du genre fantastique avec Suspiria; et si le rôle de l’œil se remarque tant dans cette première partie de filmographie, c’est que les yeux des spectateurs sont alors, déjà hantés par les incantations de l’envoûteur italien.

Arkham

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Dario Argento : Le Règne animal

Thibault Loucheux, illustrations de Marine Luigi
Editions Lacour : http://www.editions-lacour.com
105 pages – 15 euros

 

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