Photo du film FERRARI
Crédits : Lorenzo Sisti, NEON, The Searchers

FERRARI, un retour sur les chapeaux de roues – Critique

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4.5

Le film met en scène Enzo Ferrari, dont la vie intime et professionnelle s’alternent constamment tout le long du film pour finalement se retrouver liées – comme nous l’avons vu très souvent chez Mann.

En effet, l’entreprise Ferrari ne semble tenir que du couple démembré d’Enzo (Adam Driver) et Laura (Penélope Cruz), relation hantée par la mort de leur fils, Dino. Cet évènement est finalement le seul lien qui unit les deux. Un puzzle se forme, les morceaux du couple Ferrari attendent d’être ré-assemblés.

La seule raison pour laquelle leur couple tient toujours résulte de l’argent, du business. Voilà une forme très capitaliste d’imaginer l’amour et Mann en joue. Le capitalisme guette le film. Ferrari, au bord de la faillite, doit se ranger dans une logique capitaliste, celle de gagner des courses pour vendre et donc survivre à ce domaine. La logique capitaliste demande en quelque sorte à Enzo Ferrari de “gagner pour vendre” et ensuite “d’augmenter la production pour vendre”. Cela va à l’encontre de ce que veut le personnage, à l’encontre de ses valeurs morales. Une fois de plus, Enzo Ferrari ne peut pas lutter contre la réalité qui lui échappe peu à peu. Ancien pilote de course, il n’arrive pas à assumer ses fonctions d’industriel qui lui demande une vision différente à celle de son ancienne activité.

Le film vit dans un certain regret du passé puisque le temps présent semble délaissé ou mis à mal : le couple Ferrari en péril, dont Mann nous montre le passé, heureux avec leur fils, ce que l’on oppose tout à fait avec leur relation présente. Enzo regrette son poste industriel : la course lui manque et le hante tant il voudrait y retourner ; sa hargne est ressentie dans le film. Il veut gagner la course, non pas par fin économique, mais car il garde un état d’esprit sportif, combattif, peut-être même trop puisqu’il serait prêt à risquer la vie de ses pilotes – comme lorsqu’il demande à De Portago de ne pas freiner face à Maserati.

Enzo Ferrari est un personnage très intelligemment mis en scène par Michael Mann et cela tient d’un objet en particulier : les lunettes. Elles sont ce qui distinguera “il Commendatore” Ferrari, d’Enzo Ferrari, sensible et humain. Lorsqu’il met ses lunettes, ses émotions et sentiments se coupent, son humanité se meurt. Les lunettes sont la figure même du patronat abusif et entêté : visage sombre, ordres et déshumanisation progressive de l’employé. Les pilotes se confondent alors avec du bétail que Ferrari utilise à son compte.

Laura Ferrari (Penélope Cruz), quant à elle, subit les décisions de son mari, vit dans l’ombre de celui-ci alors qu’elle fait partie intégrante de l’histoire de l’entreprise : Michael Mann l’a compris. Il la rend importante par sa caméra et par son actrice. Chaque scène où elle remplit l’écran, elle se montre comme une femme forte, ce qu’elle est et arrive à prendre le dessus sur son mari. Elle se place en face de chacun des évènements qui lui arrivent à la figure, elle les assume et ne se montre pas faible. Et certes, dans une société capitaliste et entrepreneurial, il n’y a pas de place à la faiblesse, uniquement à la force.

La capacité qu’a Mann de filmer un danger imminent fait trembler à chaque virage. La course est un sport plein de danger et le pire réside dans le fait qu’il peut venir à n’importe quel moment et d’une manière brutale, tant par ses dégâts que par sa surprise. Parmi ces dégâts, certains sont humains, à peine a-t-on eu le temps de voir de nouveaux personnages – ceux du petit village – qu’un des leurs meurt dans ce tragique accident. La mort arrive sur les chapeaux de roues, peut-être même plus vite que la vitesse des voitures.
Le retour de Mann, neuf ans après Hacker (2015), est troublant par sa technique et son génie. Le cinéaste garde sa capacité à faire rêver par son cinéma et sa caméra.

Erwan MAS

Cet article a été publié suite à une contribution d’un·e rédacteur·rice invité·e.
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