Photo du film SEX ADDICT
Crédits : D.R.

SEX ADDICT, du charme de la vulve géante et de la bite en stop motion – Analyse

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Quand la femme aux sept clitoris rencontre l’homme à la bite géante, cela donne l’un des derniers longs-métrages de fiction du cinéaste Frank Henenlotter. Artiste adulé de la série B, il tient avec SEX ADDICT son baroud d’honneur dans le cinéma d’horreur.

Un auteur

L’œuvre de Frank Henenlotter est un long poème de bisserie crado aux pendants absurdes. Saluée par les amateurs, la filmographie du réalisateur américain reste sensiblement incomprise des non-initiés, qui crient au nanar face à l’étrangeté grotesque de l’ensemble. Car Henenlotter, ce sont des histoires glauques, tapageuses et surréalistes, mises en scène avec un budget limité qui transcende pourtant l’art de la débrouille. Amoureux de l’imagerie freaks, il créa notamment Belial, le frère siamois rampant de Frères de sang (Basket case), mais aussi la créature de Frankenhooker, composée de membres prélevées sur une dizaine de prostituées new-yorkaises.

Photo du film SEX ADDICT
Crédits : D.R.

On ne le niera pas. Jusqu’au troisième Basket Case, les films de Frank Henenlotter présentent des effets spéciaux rudimentaires et des intrigues prétextes à un flot de dégueulasseries sans limite. Toutefois, on leur concède une atmosphère particulière, un propos sociétal tangible, ainsi qu’une grande créativité, intrinsèque au caractère jusqu’au-boutiste de leur réalisateur. Loin d’être menées par-dessus la jambe, comme bon nombre de séries B des années 80, ces œuvres se définissent – quoi qu’on en dise – comme de réels films d’auteur. Henenlotter écrit et réalise d’un bout à l’autre de sa carrière et se démène comme un diable pour voir ses projets aboutir.

Une production fauchée

Et SEX ADDICT (Bad Biology) en est le plus fameux exemple, dans la mesure où le film bénéficia d’un budget plus que limité. Au début des années 2000, le rappeur américain R.A. the Rugged Man contacte Frank Henenlotter pour réaliser l’un de ses clips-vidéos. Les deux hommes ont alors pour point commun des projets annulés par manque de financement, car trop extrêmes ou avec peu de potentiel commercial. Leur envie de liberté les pousse à rédiger un scénario ensemble. Enthousiaste, R.A. the Rugged Man débloque des fonds sur ses deniers personnels et prend la casquette de producteur pour laisser Henenlotter réaliser leur création commune : en l’occurrence, SEX ADDICT.

Photo du film SEX ADDICT
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Fauchée au possible, l’équipe caste Anthony Sneed dans le rôle principal par l’entremise de Craigslist – équivalent américain du Bon coin. Pour la deuxième protagoniste, le duo embauche Charlee Danielson, alors compagne de R.A. the Rugged Man. Quasi amateurs, les acteurs endossent dès lors des personnages hors normes, caractéristiques de l’œuvre d’Henenlotter. Danielson prête ainsi ses traits à Jennifer, une photographe new-yorkaise dotée de sept clitoris et d’une suractivité hormonale, la poussant à se satisfaire sexuellement de toutes les manières possibles. Quant à Sneed, il incarne Batz, un homme contraint de se piquer le sexe aux stéroïdes, pour canaliser son énergie sexuelle. Surdéveloppé, son pénis a développé une conscience propre, l’empêchant de mener une vie ordinaire.

Le sexe selon Henenlotter

La patte d’Henenlotter imprègne un peu plus le scénario dans son traitement de la sexualité. En effet, la question de la frustration sexuelle masculine traverse l’ensemble de la filmographie du cinéaste. Elle est présente autant chez Duane Bradley dans Basket case, qui n’ose pas cultiver la moindre relation amoureuse par crainte de susciter la jalousie de son monstrueux frère, que chez Jeffrey Franken dans Frankenhooker, pour qui le coït n’est possible qu’avec une épouse garante de sa bonne morale. Ce motif se retrouve volontiers dans SEX ADDICT, où Batz est contraint de contenir ses pulsions, sans quoi il porterait atteinte, d’une certaine façon, à la dignité féminie.

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A l’inverse, chez Henenlotter, la femme est quasiment toujours en accord avec sa sexualité. Qu’elle soit fille de joie, travailleuse respectable ou de bonne famille, c’est elle qui prend les devants et travaille à obtenir ce qu’elle désire. Ainsi, la créature de Frankenhooker se laisse porter par l’instinct qui lui est induit par ses attributs de prostituée et n’a pour seule ambition que d’appâter le chaland et d’en retirer du plaisir. De même, dans Basket case, c’est Sharon qui initie la relation avec Duane et nourrit l’espoir d’une relation sexuelle. Dans SEX ADDICT, le personnage de Jennifer donne à Henenlotter la possibilité de synthétiser toutes ces idées. Ainsi, après avoir tenté de mener une existence ordinaire, Jennifer choisit finalement d’assumer ses penchants et de poursuivre sans complexe sa quête de l’orgasme absolu.

New-York state of mind

Par ailleurs, tandis que Woody Allen ou Rob Reiner dans Quand Harry rencontre Sally s’affairent à dépeindre le New-York des bien nantis, Henenlotter s’est toujours, lui, attaché à retranscrire le New-York des bas-fonds, à l’instar d’un William Lustig (Maniac, Maniac Cop, Vigilante) et autres cinéastes du même acabit. SEX ADDICT transcrit même une certaine hypocrisie, où l’intelligentsia newyorkaise se complaît à intellectualiser le travail de certains artistes marginaux, comme celui de Jennifer dans le film, mais ne peut accepter les aspects sociaux les plus sordides qui transparaissent dans leurs œuvres. Ainsi, un magazine refuse à Jennifer la publication d’une série de photos où les mannequins portent, sur leurs visages, une vulve géante, pastichant peu subtilement la sur-sexualisation du féminin dans les médias.

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Se crée là un parallèle évident avec la carrière d’Henenlotter, auteur peu reconnu par les édiles de la cinéphilie, compte tenu des aspects poisseux et racoleurs de son œuvre. Et force est de constater qu’il prend un malin plaisir à étaler tout son imaginaire malsain dans SEX ADDICT. De la machine à masturber, aux enfants mort-nés de Jennifer, jusqu’à la bite géante de Batz en stop motion, il tient là son baroud d’honneur. En effet, SEX ADDICT constitue le dernier long-métrage horrifique du cinéaste, qui trace désormais sa route sans démériter dans le documentaire. S’il n’a connu qu’une sortie limitée en salle en 2008, et ne tient sa reconnaissance actuelle qu’à un public de niche, SEX ADDICT n’en demeure pas moins le parfait épilogue de la première partie de carrière d’Henenlotter. Un dernier tour de piste en apothéose, qui clôt tous les chapitres précédents.

Lilyy Nelson

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