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[dossier] L’influence du 11/09 sur le cinéma Américain

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Article rédigé le 10 janvier 2015, puis agrémenté par les œuvres cinématographiques parues sur le sujet depuis;
Nous citons dans le cadre de cette analyse quelques films selon nous capitaux, sans volonté d’exhaustivité.

Cette année 2015, sortent au cinéma deux films au pitch similaire : American Sniper, de Clint Eastwood et Good Kill, d’Andrew Niccol. Deux œuvres traitant du mal-être inhérent au soldat de retour du conflit – le vétéran.

Deux films faisant partie d’un processus d’observation et de compréhension des ravages du conflit contemporain mené par les États-unis à la suite du 11 SEPTEMBRE 2001 ;
en Iraq, puis en Afghanistan – contre le terrorisme, mais également pour d’autres intérêts plus diffus.

Retour donc à 2001, pour examiner en quelques étapes ce processus d’introspection.

Sommaire :
Le sentiment patriotique; Black Hawk Down de Ridley Scott
Le traitement de l’événement
Une piste plus Pragmatique
Le point de vue humain
En marge: Le Bureau des Légendes
Conclusion

 

Le sentiment patriotique – l’importance de Black Hawk Down

Hasard de calendrier, sortait trois mois après la destruction des deux tours, Black Hawk Down.
Le film dont l’Amérique avait besoin, pour se faire du bien à l’égo… Un égo meurtri par le meurtre de milliers d’innocents – tout comme la découverte relativement soudaine d’une haine sans visage vouée aux valeurs américaines.

Black Hawk Down effectue malgré lui un amalgame entre la guerre menée d’emblée contre le terrorisme islamiste, et ce conflit indépendant auquel l’armée américaine participa en 1993 – un conflit dont la complexité est impossible à résumer en quelques lignes (et encore moins abordée dans le film) ; on vous renverra vers la page wiki dédiée au conflit, pour tenter de mieux le comprendre.

Le film est ainsi le récit d’une intervention militaire ayant échoué, malgré le courage et la détermination de quelques hommes. Un film très important, pour le message à la fois ambigu et clair qu’il transmit à un peuple en besoin de réponses.
Clair, dans sa façon d’invoquer la nécessité de l’engagement en faveur d’une cause plus grande que soi : la défense des valeurs américaines.
Ambigu dans sa représentation de l’ennemi, applicable à n’importe quel mouvement religieux ou politique, de par son caractère déshumanisé.

 

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Car l’ennemi, dans Black Hawk Down est sans visage. Il n’est que mouvement, et haine. Et il est tué par centaines, par quelques valeureux Marines. Un sentiment de toute puissance est transféré sur ces quelques super-soldats, malgré leur fin tragique. Ce super-soldat, c’est tout-le-monde et personne à la fois : du rookie sans personnalité, à la tête brûlée, au peureux ; du soldat expérimenté à celui qui est « ému par l’atrocité de cette guerre »… La galerie de personnages – très clichée -, permet à chacun de s’identifier à cet héroïsme, quels que soient son passé, ses origines, son état d’esprit.
L’oeuvre de Ridley Scott se place en tant qu’objet de propagande pour la justification d’un conflit – toujours d’actualité comme en témoigne le récent Un jour dans la vie de Billy Lynn, dont nous parlerons en fin d’article.

Cinématographiquement, Black Hawk Down constitue une espèce de perfection artistique qu’aucune oeuvre à part peut-être celle de Michael Bay, ne parvint à reproduire.
Il engendra toutefois une descendance inavouée qui transcenda son matériau original par l’interactivité : la série de jeux-vidéo Call Of Duty (Modern Warfare et suites). Jeux vidéo reprenant avec une confiance inébranlable les concepts proposés par Black Hawk Down : Mise en scène spectaculaire substituant tout réalisme pour la valorisation du super-soldat ; flou volontairement maintenu sur les aspects géopolitiques, déshumanisation de l’opposant, points de vue humains et/ou psychologiques jamais développés.

Les deux œuvres, bien que traitant d’événements différents, ont ainsi énormément contribué à l’imagerie de ce conflit post 11/09 dans l’inconscient collectif.

Le traitement de l’événement

Observer frontalement la cause du traumatisme est clairement l’un des pivots de tout processus cathartique.
Trois films, à ce niveau, se démarquent avec plus ou moins de subtilité…

World Trade Center d’Oliver Stone plongeait au cœur du désastre mais versait dans un sentimentalisme trop appuyé pour être sincère.
Vol 93, de Paul Greengrass, plaçait le spectateur à l’intérieur d’un des avions détournés… Mais avait l’intelligence de conserver un point de vue humain, réaliste et dénué de toute sensiblerie ou d’amalgame.
Le plus réussi, selon nous, reste La Guerre Des Mondes de Steven Spielberg. Le pouvoir d’évocation de son film est sans équivoque. Il parvint à traiter d’un nombre d’aspect impressionnant, se servant exclusivement de la métaphore de l’invasion extra-terrestre. À l’instar de Paul Greengrass, avec distance, un point de vue intime et sans porter de jugement. Un masterpiece injustement dévalué – nous y reviendrons.

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Une piste plus pragmatique

D’autres pistes furent souvent évoquées, comme l’inévitable théorie du complot gouvernemental. Hasard (bis) de calendrier, sortait en 2002 le film dont personne ne voulait entendre parler : La Somme de Toutes Nos Peurs. Ou comment le super-agent de la C.I.A. Jack Ryan réussissait à désamorcer un attentat terroriste. Un film à la résonance trop récente pour intéresser qui que ce soit… Dommage, car l’efficacité de son scénario (Tom Clancy) lui vaut d’être une référence en matière de films d’espionnage.
Dans un genre différent, Michael Moore aborda le thème du complot à motivation économique, mais de façon un peu trop factuelle, accusatrice et facile, dans son agressif réquisitoire anti-bush, Farenheit 9/11 (2004).
Indirectement, le Andrew Niccol de Good Kill traitait du même sujet dans son film le plus convaincant à ce jour, Lord Of War (2005) Soit, l’organisation d’un conflit international dans le but de promouvoir le trafic d’armes.
Le Royaume (Peter Berg, 2007) introduisait quant à lui, une enquête policière dans un contexte de terrorisme drivé par les relations diplomatiques.

=On peut placer en 2007 le Munich de Steven Spielberg comme axe symétrique de deux visions pragmatiques du 11/09:
d’un coté, l’analyse d’un évènement, ses conséquences à l’échelle internationale… Et de l’autre, la traque du – des coupables. Le film de Spielberg abordait les deux thèmes de façon intemporelle en prenant pour base un autre « attentat », celui des JO de Munich en 1972. Il se plaçait également avec une certaine sagesse (neutralité ou manque d’engagement diront certains), en dénonciateur de l’inutilité de répondre à la violence par la violence – tout en renvoyant au coude à coude l’absurdité des conflits occidentalo-oriental et isr
aelo-palestinien.

Suivant cet axe,  la traque devient le sujet le plus récurrent du cinéma, que ce soit celle de la vérité, comme dans le Green Zone de Paul Greengrass (alliant son montage ultra-dynamique à un questionnement intelligent sur les raisons du conflit iraqo-américain – les fameuses armes de destruction-massive), pour un résultat très froid, mais à l’immersion indéniable
Celle de Ben Laden, et accessoirement celle de réponses et justifications aux exactions commises par chaque camp, dans Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow (2012),
Ou celle du terrorisme dans son ensemble mais surtout des raisons fondamentales d’un mouvement d’une telle ampleur, dans l’excellent Un Homme Très Recherché, d’Anton Corbijn (sorti en 2014)
En parallèle, on mentionnera l’influence du 11 septembre dans un registre plus fantaisiste – mais tout autant politique et efficace. Les armes de destructions massive seront le sujet d’un running gag de la géniale série Arrested Development, qui distilla tout au long de ses deux premières saisons, un point de vue subtil sur cette cette guerre post 11/09.
On rajoutera également l’oubliable car un peu trop fourre-tout youpi, V pour Vendetta (2006) et le très sympathique mais aussi Marvel-esque Iron Man de Jon Favreau (2008)

L’angle de la dérive au nom du pays (les tortures) est également traité dans le Road to Guantanamo de Michael Winterbottom, que nous n’avons malheureusement pas vu, et récemment dans The Guard, avec Kristen Stewart.

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Actualisations: CitizenFour de Laura Poitras (2015), et Le Bureau des Légendes de Eric Rochant (2015)

Un nouvel angle se profile, grâce au documentaire CitizenFour: la prise de conscience de la manipulation, et la réaction.

CitizenFour

Nous sommes tous au courant depuis mi-2013: la NSA a construit un système de surveillance pernicieux, examinant les données privées de toute personne, américaine ou non, connectée. Le documentaire montre ainsi deux choses:
De façon très pédagogique, et preuves a l’appui, que le régime de la peur post 11/09 à entraîné une dérive extrême de la part de l’état américain, au nom de la sécurité du pays.
D’un autre coté, Edward Snowden, travaillant indirectement pour la NSA, a eu accès aux dossiers les plus confidentiels, et prit une décision incroyable: les rendre publics, et dénoncer ce passe-droit très totalitaire, très « Big Brother ».
Cette décision très pragmatique de faire passer l’intérêt du peuple américain avant le sien est très mise-en-avant par le documentaire. Sincère ou non (on peut toujours se demander si le cinéma documentaire n’est pas qu’une mise-en-scène du réel), nous prenons le parti d’y croire, et d’assimiler cet altruisme hardcore à une personnification de la conscience américaine.
Edward Snowden représente ainsi pour nous, un ras-le-bol de la manipulation et du contrôle inhérent; l’idée d’une quête de justice et de vérité, absolue et incontestable.
Un développement particulièrement intéressant qui prend forme dans le film de Laura Poitras, CitizenFour
Critique complète, ICI

 

On sort ensuite du carcan du cinéma américain pour s’intéresser à la fabuleuse série française LE BUREAU DES LÉGENDES (critiques, ICI).

© Top - The Oligarchs Productions

Dans celle-ci, il s’agit d’espionnage. Pas un espionnage qui pourrait sauver le monde façon James Bond, mais une collecte de renseignements et d’informations permettant une meilleure appréhension de l’environnement politique mondial, et particulièrement le rapport au terrorisme moderne.

La série, intelligemment, se concentre sur la dissection en profondeur et à travers les situations générées par quelques personnages clés (dont Malotru alias Guillaume Debailly, interprété par l’immense Matthieu Kassovitz), des relations politiques entre quelques pays : France, Algérie, États unis, Syrie et Iran. Plus intéressant encore, elle spécule (???) sur le fonctionnement interne de ces pays quant à la gestion de l’information, et par extension le rôle de chacun (à échelle globale, professionnelle, personnelle ou même intime), sur l’échiquier international.

© Top - The Oligarchs Productions

Petit à petit se dessine alors le cœur de la série, traiter d’un terrorisme palpable qu’il ne faut pas sous estimer, car celui-ci a bien compris et maîtrise tout autant que les espions que nous suivons, la puissance de l’information et de la communication. LE BUREAU DES LÉGENDES se fait alors extrêmement palpable et résonnant avec l’actualité, pointant le terrorisme du doigt et sans détour (l’État Islamique est par exemple appelé en tant que tel, idem pour ses exactions).

LE BUREAU DES LÉGENDES peut se voir comme une version longue d’Un Homme très recherché, qui peut alors se permettre de travailler non seulement son traitement du monde post-11 septembre, mais également ses personnages (les acteurs sont d’ailleurs à ce titre, tous exceptionnels), son rythme lent mais jamais ennuyeux et propice à la digestion du nombre incalculable de sous-intrigues; celles-ci, parfaitement gérés, convergent toutes en seconde saison, vers une résolution ô combien mémorable et cliffangheresque.

Bref, un masterpiece moderne à ranger à coté de – dans un autre registre -, The Wire.

Le point de vue humain

Un aspect globalement traité dans tous les films précédemment évoqués… La singularité des films sous-cités vient de leur prise de recul par rapport au 11 septembre. Ils placent tous leurs personnages au cœur d’une réflexion sur la portée de cet évènement. Ils leur donnent tous plus ou moins conscience de leur statut de victime collatérale.

Le premier traumatisé, c’est évidemment le new-yorkais.

Spike Lee s’interroge par exemple, dans sa magnifique 25 ème Heure (2002), sur la disparition de l’innocence. Un mal très profond basé entre-autres, sur le désir constant de propriété (on pourrait ainsi revenir jusqu’à la conquête du Nouveau-Monde). Un mal longtemps occulté par l’hypocrisie des valeurs américaines telles que le sacro-saint American Dream, mais pourtant fraîchement remise au goût du jour par l’explosion des tours jumelles.
Et si Les états-unis étaient responsables de leur propre déchéance, par écho de leur comportement vis-à-vis d’autres cultures ?

On reparle aussi de la Guerre des Mondes, et son point de vue intime ou le héros n’est pas un héros mais un survivant, avec ce que cela implique de bassesses, de couardise et d’instinct… Un survivant, qui n’a d’intérêt (et encore, pas immédiatement) que pour sa famille…

On pense également à Margaret (datant de 2007 mais distribué en 2011) Le film de Kenneth Lornegan reliait en 2h30 (ou 3h30 selon les versions), un accident fortuit, à l’influence du 11 septembre sur les vies de New-Yorkais, inter-générationnellement, inter-culturellement. Le lien était assuré avec intelligence, par le prisme de la vision peu éveillée d’une post-ado totalement paumée. Anna Paquin dans ce rôle est formidable (oui oui, Sookie de True Blood, formidable).

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Victime plus collatérale mais tout autant traumatisée : le soldat.

Jarhead (2005) fut le premier à immerger le spectateur dans le point de vue du soldat. Tout, dans Jarhead, reflétait le manque de personnalité définie de ce conflit – et par là, son absurdité : Le fait de, temporellement, se placer pendant la guerre du Golfe souligne l’interchangeabilité du conflit. Son titre « tête vide » renvoie à celle du soldat, qu’on remplit d’idées pré-conçues plutôt que de réflexion sur la nature de cette guerre… L’utilisation de références dans le film (et la mise en scène) justement, est indicatrice de la volonté de détourer le conflit par son image publique plutôt que par sa définition concrète.
Tout est ainsi volontairement cliché. Des situations (l’entrainement à la Full Metal Jacket) aux soldats ironiquement abreuvés d’Apocalypse Now… Mais cela ne peut suffire et mène, dans le film, à l’explosion.
Jarhead peut se voir comme l’antithèse métaphysique de Black Hawk Down ; une réflexion intelligemment mise en abîme par son absence de réflexion.

L’intime et la psychologie ambiguë sont également au cœur du Démineurs de Kathryn Bigelow (2008).
Soit un personnage visible au premier abord comme le super-heros américain typique (Jeremy Renner – futur Avenger – parfait)
Tête brulée, courageux, altruiste… Démineurs révèle sans jamais simplifier, une complexité troublante.  L’altruisme fait progressivement place à la peur de la solitude, de l’incompréhension et du rejet. Le courage n’est-il pas en fait, le sentiment égoïste de vouloir à tout prix prouver sa valeur ? L’audace, elle, masque une certaine dépression face à la trivialité de la vie humaine. Démineurs résonne au final, comme un manifeste de l’état des valeurs américaines.
On rajoutera que ce chef d’oeuvre d’ambivalence est renforcé par une mise-en-scène irréprochable créant un suspens continu et marquant.

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Par extension, le vétéran.

C’est un angle particulièrement intéressant, puisqu’il permet d’aborder plusieurs aspects du conflit, simultanément.
Le combat, la violence inhérente, son effet sur la psychologie du common-man américain. Le traumatisme inévitable, la réadaptation au quotidien… Impossibles ;
D’un point de vue plus global, engagement, vision immersive du conflit, recul sur la guerre, psychologie, analyse… Ces films prenant pour personnage central un vétéran peuvent se voir comme une somme de plusieurs années d’introspection cinématographique.

Le Vietnam, ou les conflits modernes (Golfe, Iraq, Afghanistan)… Ici, le lieu de la guerre n’a qu’une importance relative par rapport à son impact sur l’américain moyen, et par extension sur l’opinion publique.

Ce postulat fut « exploité » à chaque guerre, mais le conflit du Vietnam et celui-ci sont ceux qui ont le plus marqué l’opinion, par leur inefficacité meurtrière. De Deer Hunter (la démonstration y est inversée) à Forrest Gump (film-exhaustif des maux de l’Amérique pointés du doigt avec une certaine naïveté) en passant par Mémoires de nos Pères de Clint Eastwood, ou le semi-réussi Brothers de Jim Sheridan (d’après Suzanne Bier)…

Jusqu’aux films qui nous intéressent: American Sniper et Good Kill, où l’on imagine aisément les personnages interprétés par Ethan Hawke et Bradley Cooper en jeunes hommes vingtenaires, impressionnés au lendemain du 11 septembre 2001, par quelques discours et images hautement spectaculaires vantant l’engagement en faveur de la défense des valeurs américaines. Influençables au point de devenir des soldats investis corps et âmes, puis de réaliser que le conflit est finalement très éloigné de l’idéal qu’ils s’en étaient construit. Ces mêmes soldats que nous retrouvons en 2015, indélébilement traumatisés et transformés par une violence psychologique monstrueuse, d’une guerre dont ils commencent tout juste à chercher le sens vu l’absence de résultats ou d’impact de l’intervention américaine.
La particularité de ces deux films est de placer les protagonistes à distance suffisante de l’ « ennemi » pour ne pas être, en théorie, « éclaboussé » par la violence de leurs actes – les rendant d’autant plus létaux. Une distance qui favorise une certaine identification; le spectateur, à l’image de ces avatars cinématographiques de l’américain moyen, reste à distance tout en participant.

American Sniper et Good Kill permettent ainsi d’explorer d’immémorielles questions sur la guerre:
Comment s’adapte t-on au fait d’ôter la vie à autrui ? Quelles que soient les valeurs pour lesquelles on combat ? Comment renoue t-on des relations basée sur la confiance l’amitié ou l’amour, après avoir été témoin de la mort d’autrui – qu’il s’agisse de l’ennemi, ou de ses camarades de combat ? Comment justifier cette barbarie ?
Puis, plus spécifique à ce conflit Irak/Afghanistan… Sa durée, ses motifs, ses résultats, ses moyens…: quel est leur sens ?

Le film de Clint Eastwood s’en sort certainement le mieux sur ce terrain de l’identification, comme en atteste son succès phénoménal (342M$ de recettes sur le sol U.S.); la contre-partie, est qu’il peut aisément être assimilé à du patriotisme pur et dur. Toute la subtilité du film se trouve d’ailleurs là: refléter aussi bien la conscience américaine post 11/09, est-elle une forme de dénonciation ou de propagande ? Chacun doit, à ce niveau, se faire son propre avis.

CRITIQUE de AMERICAN SNIPER : ICI

Quant à Good KillAndrew Niccol – habitué aux sujets polémiques et/ou complexes traités sans profondeur -, n’a malheureusement pas su révéler tout le potentiel inhérent à ce postulat.
Son film
 résonne malgré tout comme une suite logique à la longue introspection menée par le cinéma américain sur l’histoire récente de son propre pays.

CRITIQUE de GOOD KILL : ICI11/09

 Actualisation: Un jour dans la vie de Billy Lynn de Ang Lee (2017)

L’histoire – Irak, 2005: Billy Lynn 19 ans, effectue un acte de bravoure lors d’une violente attaque dont fut victime son escouade, en se portant au secours d’un soldat blessé. Partiellement filmée et rediffusée de par le monde, cette action transforma malgré lui le jeune homme en héros national – héros qui sera mis en avant lors de l’un des spectacles les plus médiatisé des États-Unis, le show de mi-temps du Superbowl.

Le film nous attachera au regard de Billy Lynn sur ces deux événements et leurs contours: l’attaque, et le fameux « halftime ».

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Le réalisateur sino-taiwanais Ang Lee est un habitué des portraits distants (mais extrêmement sensibles) d’une Amérique en proie aux doutes ainsi qu’aux remises en question de son identité. Des peintures dessinées à travers l’étude de quelques personnages emblématiques, d’une époque et de ses thématiques. Il continue ainsi sur la lancée de Chevauchée avec le Diable ou du Secret de Brokeback Mountain en nous montrant ici, avec plus ou moins de subtilité, comment l’histoire – le drame – de Billy Lynn est ouvertement dépouillé de toutes ses ramifications intimes en faveur de l’image d’un acte précis, dans le but de servir d’outil de propagande pour l’engagement au conflit, et plus généralement pour glorifier l’Amérique des possibles; Cette Amérique où un individu lambda peut devenir en un instant le héros de son pays, et comment ce pays n’existe finalement que par et pour ses héros et ce qu’ils communiquent comme image, au reste du monde.

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Bien que nageant avec une certaine complaisance dans l’imagerie vulgaire du « show à l’américaine » – imagerie cohérente par son coté dénonciateur, mais tout de même présente et donc critiquable -, le film de Ang Lee pointe avec cynisme les dérives d’une industrie construite par et pour un peuple et son addiction au grand-spectacle comme moyen d’information, de culture mais aussi de ressentir des émotions. Un constat qui dérive sur moult autres sujets comme la religion, l’argent, l’amour (affectif ou désir), la camaraderie, l’inadaptation au quotidien pour celui qui a connu la guerre, la perte de repères sociaux et/ou intimes liée à l’hyper-exposition médiatique.

Dans le cadre de notre dossier, Un jour dans la vie de Billy Lynn peut s’apparenter à une sorte de film-somme des derniers points que nous avons traités, nous parlant de la figure du soldat/vétéran autant que de l’américain moyen – ses valeurs, sa perception du conflit -, en nous présentant une Amérique post-11 septembre avec distance et pragmatisme.

Au delà, le film est également une étude par le prisme de la sensibilité, de ces interactions qui construisent (et déconstruisent) la personnalité et l’identité d’un Homme.

Conclusion

J’imagine que le but de ce dossier opportun est de faire un parallèle avec les évènements de janvier 2015 – l’attentat mené contre Charlie Hebdo:

Inciter à chercher à l’image du cinéma américain, une solution, une explication, dans le recul et l’analyse.
Inciter à ne pas céder à l’émotion, à la haine, et à l’expression d’instincts primaires mais inappropriés.

Il s’agit, évidemment, d’un processus cathartique long et difficile à envisager, dans l’émotion de l’instant.
Un processus qui nous paraît pourtant nécessaire, dans l’idée d’éviter ces nombreuses erreurs commises au nom de la simple rétribution.

 

Georgeslechameau

 

 

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