[dropcap size=small]D[/dropcap]ifficile de vanter les mérites de Predestination sans spoiler les éléments surprenants de son intrique. Ce film australien fait partie des agréables surprises que nous réservent les direct to DVD depuis quelques années; à croire que pour être distribuée en salles, une oeuvre de science-fiction doit être gonflée aux effets spéciaux et posséder toute un attirail technologique prévu pour faire fantasmer les geeks, et promouvoir un merchandising opportuniste. Prédestination dispose d’un budget modeste le privant de toutes profusions de CGI, tout en lui garantissant que l’intérêt sera ainsi porté sur son scénario. Le film débute donc à la façon d’une série B old-school au cœur de l’action, où on comprend en l’espace de quelques minutes à peine qu’il est question d’attaque terroriste à la bombe, pouvant être déjoué grâce à un procédé de voyage temporel dont nous découvrons progressivement les conditions comme les paradoxes qu’il génère; on ne peut donc s’empêcher d’y trouver une parenté directe avec Source Code.
Cet attrait pour les récits complexes que permettent les voyages dans le temps, vient de l’écrivain américain Robert A. Heinlein, qui a consacré sa prolifique carrière à prospecter le champs des possibles de ce type de récit pour y puiser des hypothèses philosophiques et métaphysiques. Les frères Spierig ont su voir ce potentiel dans la nouvelle « Vous les zombies« , et réussissent ainsi à dégager une réflexion propre à leur scénario, alors que la recette de base pouvait paraître éculée. Pour cela, les réalisateurs ont misé sur un effet de surprise constant dans le déroulement de l’intrigue, où le spectateur n’a jamais l’impression d’assister à du cinéma d’exploitation à la formule usée et aux effets attendus. Après les dix premières minutes qui promettent de l’action et une ambiance digne d’un épisode de Fringe, ou d’un roman pulp des années cinquante, le point de vue se déplace du personnage d’agent temporel vers un autre personnage, déplaçant par la même occasion le ton du film de polar avec intrigue inter-époque, vers un ton plus dramatique, centré sur le vécu émotionnel d’un individu hors norme.
J’avoue que ce changement de direction scénaristique qui survient assez tôt, a de quoi déstabiliser ; surtout qu’il provoque une longue phase de flash-back, où il est difficile de trouver les liens avec l’agence temporelle et le rôle du mystérieux agent tant que le troisième acte ne vient rassembler toutes les pièces du puzzle. En clair, sur une heure trente de film, on assiste à près d’une heure d’exposition; mais cette narration peu conventionnelle est indispensable au traitement de l’intrigue tout en jouant judicieusement sur les pertes de repères que subissent les protagonistes principaux. Si le passé compliqué dont nous fait part l’inconnu interrogé par l’agent se déroule à l’écran par une succession de scènes brèves tant il y a d’informations à retenir, les événements que vivra l’enquêteur par la suite aideront le public à comprendre en quoi tous les tourments d’une vie inventent et réinventent sans cesse ce que nous sommes, ou croyons être; comme si le film savait , à contrario de ses personnages, utiliser le temps qui lui est imparti, entre séquence intimiste et ponctuation rythmée, pour nous faire ressentir le tumulte existentiel qui l’habite.
« En partant d’une idée aussi délirante que géniale, les réalisateurs réussissent une oeuvre intelligente et émouvante grâce aux personnages principaux et aux interprètes brillants. »
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En fin de compte, Predestination est donc une réflexion sur l’identité, teintée d’existentialisme et parfois de nihilisme, qui ose pour cela délaisser l’apparat techno-futuriste de la science pour laisser apparaître le fond de son âme humaine et fragile, au fur et à mesure de son intrigue. S’il est toujours plaisant de retrouver Ethan Hawke dans ce genre de productions ambitieuses, saluons ici la performance de Sarah Snook, devant composer avec les facettes multiples et contradictoires de son rôle, synthétisant presque à lui seul les questionnements sur les dualités physiques, sexuelles et affectives que soulève ce constat amer sur la solitude. Le tour de force du scénario comme de la mise en scène, est cette adéquation rare entre le deux strates du récit; le concept de voyage dans le temps ne sert pas de prétexte à l’étude psychologique des personnages, pas plus que cette étude ne sert de prétexte au concept. Ces deux thèmes ne font qu’un.
Disponible en DVD, Blu-ray et VOD depuis le 1 décembre 2014.
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• Réalisation : Michael Spierig et Peter Spierig
• Scénario : Michael Spierig et Peter Spierig, d’après la nouvelle de Robert A; Heinlein
• Acteurs principaux : Ethan Hawke, Sarah Snook, Noah Taylor et Madeleine West
• Pays d’origine : Australie
• Sortie : 1 décembre 2014
• Durée : 1h37 min
• Distributeur : Sony Pictures Home Entertainment
• Synopsis : Un agent spécial, qui fait partie d’une équipe de onze individus, possède la capacité exceptionnelle de voyager dans le temps pour traquer des criminels. Sa prochaine mission consiste à se rendre à New York, en 1975, pour arrêter un tueur fou, qui projette de faire sauter tout un quartier de la ville…
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