Les films de Peter Weir racontent toujours l’histoire d’hommes au prise avec un environnement hostile, devant se révéler face à l’adversité du monde. Sept ans après les aventures de Jack Aubrey dans les mers du sud, on change de cap pour la Sibérie.
Inspirée d’une histoire vraie, l’action se situe ici en 1940, autour d’un groupe de prisonniers qui réussit à s’évader du goulag. Fuyant les travaux forcés et l’humiliation, ils vont devoir traverser la Toundra glacée, le désert de Gobi infini et l’Himalaya enneigée pour atteindre l’Inde. L’idée de départ est intéressante car l’aventure est synonyme de paysages magnifiés, de rencontres improbables, de dépassement de soi ou encore de voyage initiatique. Sur le papier c’est emballant, mais comme souvent dans la filmographie de l’australien, on est rattrapé par le manque d’audace du scénario. Capable de la pire mièvrerie (Le Cercle des Poètes Disparus) ou du meilleur suspense (Witness), Peter Weir a souvent été inégal.
Le début du film est similaire à beaucoup de films d’évasion classique, des hommes se toisent, s’observent et finalement se rapprochent pour monter un stratagème. L’évasion du camp est assez simple car leur véritable prison est en fait la nature ennemie de plusieurs milliers de kilomètres. Il est toujours surprenant, même si c’est l’apanage des films hollywoodiens, d’entendre des polonais parler anglais pendant deux heures. Colin Farrell est assez caricatural en polonais hors-la-loi bardé de tatouages. Il joue le méchant, car il en faut toujours un, mais il reste assez docile. Sur leur chemin, les sept évadés vont croiser la route d’une jeune femme, permettant de filmer des regards attendris ou chaleureux.
Les paysages écrasent les hommes. La mise en scène permet au spectateur de ressentir le labyrinthe glacial dans la forêt sibérienne ou la fournaise dorée de Gobi. Peter Weir a un véritable savoir faire, mais comme un bon artisan il lui manque le regard de l’artiste. On préfèrerait qu’il bascule dans une plus grande abstraction ou que leur marche isolée dans cette situation de survie devienne plus allégorique. Les dialogues sont assez faibles, entre théories de comptoirs marxistes et recettes culinaires. Il faut tout de même signaler la magnifique photographie de Russell Boyd, passant des nuances anthracite et ocre à des couleurs plus intenses.
Le générique de fin rappelle par de brèves lignes le dénouement de la seconde guerre mondiale et son histoire jusqu’à aujourd’hui. Par cette boucle, le réalisateur exprime un humanisme assez navrant, tartiné de bon sentiment, au lieu de se contenter de raconter une histoire de survie en milieu hostile. Cliché des Tibétains très accueillants, des Indiens respectueux, des paysans de la toundra serviables, des beaux paysages de l’Himalaya et du Tibet, finalement on a l’impression d’être devant un reportage de Connaissance du Monde et qu’une conférence sur les nomades de Mongolie nous attend.
Aurélie