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- L'EXORCISTE, démoniaque - Critique

L’EXORCISTE, démoniaque – Critique

Le réalisateur américain, qui fit ses classes dans le documentaire au milieu des années 1960, révolutionna le cinéma d’horreur fantastique avec L’EXORCISTE, adaptation du roman éponyme de William Peter Blatty (1971) qui signa lui-même le scénario.

Comme souvent avec Friedkin, son film marque les esprits dès sa sortie, en 1973. Notamment parce qu’au début des années 1970, avec les assassinats choquants perpétués par des membres d’une communauté plus ou moins apocalyptique menée par Charles Manson et ceux du tueur du Zodiaque en 1968 et 1969, les Etats-Unis sont dans un climat de peur. Le conflit au Vietnam (1955-1975) qui n’en finit pas de diviser n’aide pas non plus à apaiser les esprits. Ce contexte délicat se fait ressentir dans L’EXORCISTE qui, à défaut d’effrayer autant aujourd’hui – point sur lequel le film a mal vieilli, bien qu’à sa sortie, et plusieurs années après, il fut considéré comme l’un des films les plus effrayants jamais montrés au cinéma – porte une réflexion sur le monde de l’époque et le cocon familial.

En Irak, le Père Merrin est profondément troublé par la découverte d’une figurine du démon Pazuzu et par les visions macabres qui s’ensuivent. Parallèlement, à Washington, la maison de l’actrice Chris MacNeil est troublée par des phénomènes étranges : celle-ci est réveillée par des grattements mystérieux provenant du grenier, tandis que sa fille Regan se plaint que son lit bouge. Quelques jours plus tard, une réception organisée par Chris est troublée par l’arrivée de Regan, qui profère des menaces de mort à l’encontre du réalisateur Burke Dennings. Les crises se font de plus en plus fréquentes. En proie à des spasmes violents, l’adolescente devient méconnaissable. Chris fait appel à un exorciste. L’Eglise autorise le Père Damien Karras à officier en compagnie du Père Merrin. Une dramatique épreuve de force s’engage alors pour libérer Regan.

Avec L’EXORCISTEFriedkin véhicule un message puritain propre à l’Amérique, et d’autant plus à celle des années 1970. Il y dépeint avec pessimisme un monde où les valeurs font défaut. Cela passe par des prêtres qui n’ont rien de vertueux dans leurs actions (ils fument, boivent, jurent, volent…) et qui vont jusqu’à remettre en question leur foi. Par cette représentation de la religion à laquelle on ne croit plus, le réalisateur montre une absence d’espoir flagrante. Cela passe également par une vision très (trop ?) puritaine de la famille. Car au détour des actes orchestrés par la jeune Regan (Linda Blair) sous l’emprise du diable, c’est une critique directe de la famille déconstruite et du divorce. La mère, Chris MacNeil (Ellen Burstyn), représente le stéréotype d’un monde bourgeois (voire même du cinéma), plus pathétique qu’enviable. Son aventure avec un autre homme, car abandonnée par son mari, apparaît comme déclencheur des événements. Regan étant témoin de la situation. Cette dernière incarne alors le symbole de l’innocence. Elle est la jeune fille modèle dans un monde sans valeur. C’est par ce personnage que Friedkin oppose l’idéal du bien à la représentation du diable. Avec cette «  fausse  » image d’enfant innocent, ancrée dans l’esprit de nos sociétés, il cherche à choquer en contrastant avec les monstruosités qu’elle subira et fera subir.

Friedkin dépeint avec pessimisme un monde où les valeurs font défaut.

Le réalisateur se montre particulièrement convaincant et délicat dans sa façon d’amener l’enfant à cette situation terrifiante. Notamment dans sa mise en scène, utilisant ombres et apparitions furtives d’un visage démoniaque – comme un rappel possible des « effets » dans La Maison du diable (1963), de Robert Wise, qui suggère plutôt que de montrer. Le tout bien mis en lumière par la photographie d’Owen Roizman (French Connection, Les Trois jours du Condor), jouant sur des contrastes de noir et bleu, et plongeant la dernière partie du film dans un brouillard angoissant.

Malheureusement Friedkin finit par basculer dans du grand spectacle qui, aujourd’hui, a bien mal vieilli. Au-delà de certains maquillages et décors légèrement kitch faisant plus sourire qu’autre chose, c’est dans une succession de situations se voulant toutes plus marquantes que le réalisateur perd le contrôle. Si une séquence de masturbation au crucifix se justifie dans le but de confronter la mère à la sexualité de son enfant, on reste plus sceptique sur les confrontations entre Regan possédée et les prêtres. Des scènes entrées dans la culture populaire, mais dont les hommages relèvent davantage de la parodie et du sketch (séquence d’ouverture de Scary Movie 2). Bien sûr le frisson et la peur se font toujours ressentir. Particulièrement dès les premières notes au piano du thème principal du film signé par Mike Oldfield. L’ensemble de la bande son avait d’ailleurs logiquement été récompensée d’un Oscar du meilleur son en 1974. Seulement, plus de quarante ans après, L’EXORCISTE fait son âge, c’est indéniable.

Pierre Siclier

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