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LUCY, film d’une sincérité plaisante – Critique

Luc Besson est un réalisateur qui dérange autant qu’il fascine. Symbole d’un cinéma commercial pour les uns, réalisateur français talentueux et ambitieux pour les autres, il sait en tout cas créer l’événement autour de la sortie de ses œuvres dans le monde entier.

Véritable carton outre-atlantique, avec près de 50 millions de dollars récoltés en un week-end, Lucy n’échappe pas à la règle et était attendu de pied ferme en France. Fort d’un casting de stars et d’un budget de 40 millions de dollars, le film de Luc Besson semble être un moyen pour le réalisateur d’affirmer son unicité dans le cinéma français actuel, tout en lui permettant de concrétiser ce qu’il décrit comme sa production la plus ambitieuse.

Si le réalisateur français est reconnu à l’international, c’est pour sa générosité dans l’action plutôt que pour son talent de scénariste, et Lucy ne fait pas exception à la règle. Disons-le d’emblée, le film souffre de nombreuses facilités dans sa trame narrative, et certaines incohérences font tâche. Dans les hôpitaux de Luc Besson, par exemple, n’importe qui peut se promener une arme à la main sans que personne ne le remarque. Et pourquoi Lucy, ne prend-t-elle pas l’avion pour sa destination, comme les trois autres transporteurs ? Pourquoi le méchant, qui la braque à bout portant, attend qu’elle soit hors d’atteinte pour tirer ? Tant de « détails » qui viennent ponctuer un scénario imparfait malgré de bonnes idées. Mais lorsque ces incohérences touchent à d’autres domaines, cela devient plus problématique ; en effet, Lucy n’est plus censée ressentir la peur. Pourtant, on la voit paniquer à maintes reprises, comme si Luc Besson avait complètement oublié ce trait de caractère en dirigeant Scarlett Johansson. Et puisque nous parlons de la caractérisation, oubliez tout de suite Morgan Freeman et Min-sik Choi. Leurs rôles sont des clichés ambulants, et malgré toute leur bonne volonté, ces deux immenses acteurs ne peuvent rien tirer d’une écriture aussi pauvre. Mais ce n’est pas un hasard si le titre du film est éponyme ; la priorité, c’est Lucy. Et c’est lorsqu’il filme Scarlett Johansson que nous retrouvons enfin un Luc Besson qu’on pensait perdu, celui qui débordait d’amour pour ses acteurs, celui qui a révélé Jean Reno et Natalie Portman, celui qui a offert à Mila Jovovich son plus beau rôle. Le metteur en scène n’en fait pas trop, il s’efface au service de sa nouvelle muse, et la laisse s’exprimer. Et l’actrice s’en donne à cœur joie, tout en restant juste. Elle est littéralement filmée sous tous les angles et sous tous les états, de la froideur à la séduction, et les séquences sans elle se comptent sur les doigts d’une main. Et ce qui est encore plus admirable, c’est que ce jeu tout en variété d’une actrice qui parvient à monopoliser l’attention durant tout le film profite également au scénario.

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Car, malgré les défauts cités au premier paragraphe, tout n’est pas à jeter dans l’écriture de Lucy. Si le premier quart d’heure fait l’énorme erreur d’adopter un ton faussement intellectuel, avec des incrustations malvenues et un discours didactique assez pompeux, Luc Besson retourne bien vite à ses premières amours ; l’action décomplexée. Et il est aidé en cela par une Scarlett Johansson qui n’a pas besoin de scènes que l’on pensait inévitables pour provoquer l’attachement du spectateur. Dans Lucy, vous n’aurez pas de longs monologues de l’héroïne sur sa place dans la société, vous ne la verrez pas se questionner pendant de longues minutes en découvrant ses pouvoirs, vous ne la verrez pas déambuler d’un air triste en se plaignant de sa différence. L’actrice n’a pas besoin de ça. Alors, son metteur en scène passe directement au plaisir coupable, à l’action brute, et ne s’embarrasse pas de ces lourdeurs qui pullulent dans les blockbusters faussement sombres. Le seul moment de faiblesse de Lucy ne durera qu’une minute, le temps d’un appel à sa mère, et il sera magnifiquement interprété par Scarlett Johansson. Alors certes, Lucy laisse à désirer d’un point de vue narratif, mais il est difficile de nier que son scénario, en tant qu’écriture de la mise en scène, est bien pensé tant il est cohérent avec le formaliste qu’est Luc Besson. Le cinéaste laisse ainsi exploser son talent en terme de réalisation, et il se permet un dernier quart d’heure à tomber, enchaînant les plans remplis d’idées visuelles en totale alchimie avec les excellentes musiques d’Eric Serra. Il faut également souligner une photographie très propre bien que parfois imparfaite lors de certains plans larges, et une direction artistique irréprochable. Réussite visuelle indéniable, Lucy est également un film d’une ampleur que l’on n’avait pas vu depuis bien longtemps dans un film français.

Un film français loin d’être bête, bien réalisé, d’une sincérité très plaisante et porté par une Scarlett Johansson sublime.

Luc Besson signe donc un film intéressant, de par son statut d’exception dans le cinéma français du 21ème siècle. Il permet également au réalisateur d’affirmer une fois de plus son importance au sein du cinéma international. Mais surtout, l’amour qu’il porte à son œuvre, à ses acteurs, à ses images, est palpable pendant une heure et demi. En ce sens, on sent que le film peut tout oser, et le cinéaste ose en effet le temps de plusieurs séquences mises en scène de manière irréprochable. Cependant, cela ne fait pas oublier ses défauts bien réels et handicapants. Parmi ceux-ci, il est regrettable d’avoir utilisé ce ton didactique et pompeux par l’intermédiaire d’une conférence organisée par un Morgan Freeman en roue libre. Certains pesteront également contre une trame narrative fort mal écrite, pas toujours cohérente. Ou peut-être, contre des influences qui donnent cette impression d’un film voulant être plus que ce qu’il n’est – il n’est pas interdit de trouver quelques liens visuels avec Tree Of Life, que Besson a distribué en France par l’intermédiaire d’EuropaCorp. Et d’autres, dont je fais partie, trouveront que fort heureusement, le film retombe vite sur ses pattes et devient ce qu’il aurait dû être du début à la fin ; un film d’action/science-fiction français loin d’être bête, bien réalisé, d’une sincérité très plaisante, et porté par une Scarlett Johansson sublime.

Louis

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