Pour leur premier long métrage, SOLEIL BATTANT, les sœurs Clara Laperrousaz et Laura Laperrousaz font resurgir avec brio un passé dramatique dans une famille solaire .
Une maison au soleil, l’été, au Portugal. Des petites sœurs jumelles qui rient et courent dans les jardins. Un couple qui s’aime, se regarde, se caresse. Famille idyllique dans un cadre idyllique. Et pourtant, le socle de cette famille est construit sur un drame, qui s’est produit ici même, quelques années auparavant. Le passé, abordé de façon poignante, resurgit crescendo dans cette famille solaire emplie d’amour. Il donne même à SOLEIL BATTANT un côté thriller car l’angoisse des répercussions sur le présent reste prégnante jusqu’au bout.
Clara Laperrousaz et Laura Laperrousaz sont les deux réalisatrices, sœurs, mais pas jumelles, de SOLEIL BATTANT. On les a rencontrées lorsqu’elles ont présenté leur film en compétition du Festival International du film Indépendant de Bordeaux. Elles ont « transposé un matériau familial, puisque leurs parents ont eux aussi perdu un enfant dans les mêmes conditions du film ». Elles avaient déjà réalisé un moyen métrage traitant de cette même thématique avec une petite fille de 4 ans. La rencontre déterminante avec les jumelles de 6 ans Margaux Le Caoussin (Zoé) et Océane Le Caoussin (Emma) leur a même fait modifier le scénario de SOLEIL BATTANT, puisque les deux sœurs originelles avaient, tout comme les réalisatrices, 2 ans ½ de différence.
Et force est de reconnaître que les deux petites actrices, pour leur première apparition à l’écran, sont lumineuses, émouvantes, fascinantes même. L’inspiration de la propre expérience familiale des soeurs Laperrousaz donne à SOLEIL BATTANT un sentiment puissant d’indéniable vérité émotionnelle, car puisée dans des vécus et des ressentis personnels. Le film évite heureusement prologues et flash back, préférant une mise en scène au présent, « à hauteur de Emma et de Zoé, pour lesquelles la connaissance du secret crée une scission au sein de leur bloc gémellaire ».
Pour un coup d’essai, SOLEIL BATTANT est un coup de maître qui touche le spectateur droit au cœur et lui donne envie de consoler dans ses bras chacun des personnages.
Emma et Zoé, découvrant et s’appropriant chacune à sa façon le lourd et inconsolé secret familial, sont bouleversantes. Le traitement de leur gémellité met très bien en évidence, outre leur relation particulière, la différence de caractère de chacune, leur gestion de l’événement et leur propre rapport à chacun de leurs parents. Ana Girardot, par « son côté solaire et une délicatesse qui permettent d’avoir accès à la fêlure de Iris » est leur maman. Clément Roussier compose le personnage rationnel de leur papa Gabriel.
Les réalisatrices « ne souhaitaient pas mettre en scène un couple modèle au sein duquel resurgit la tragédie ». Elles en font un couple sensuel et parviennent, en évoquant la manière très différente qu’ils ont d’affronter ce douloureux passé, à provoquer autant d’empathie pour l’un que pour l’autre. Les deux personnages sont très touchants dans leurs non-dits, par la vulnérabilité qu’ils véhiculent et le poids de leurs responsabilités respectives.
Car SOLEIL BATTANT appuie subtilement là où ça fait mal et pose des questions qui créent un certain malaise. Un parent peut-il parvenir à faire un jour le deuil de son enfant ? Comment continuer à vivre avec cette douleur ? Ne plus en parler fait-il moins souffrir ? Renvoyer la faute à son conjoint permet-il de mieux accepter la réalité ? L’amour que se porte un couple suffit-il pour survivre ? Et en ce sens, le film interroge aussi, comme l’avait fait Carré 35 de Éric Caravaca, sur l’impact d’un tel drame sur une fratrie.
Enfin, le film réussit la gageure d’offrir le point de vue des quatre personnages sur ce drame intimiste dans un contexte d’Eden. La nature a en effet son importance, et les réalisatrices utilisent avec clairvoyance la « symbolique forte de la nature spectaculaire du Portugal, tantôt solaire, tantôt menaçante, lui conférant un côté western ». Pour un coup d’essai, SOLEIL BATTANT est donc un coup de maître qui touche le spectateur droit au cœur et lui donne envie de consoler dans ses bras chacun des personnages.
Sylvie-Noëlle
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• Réalisation : Clara Laperrousaz, Laura Laperrousaz
• Scénario : Clara Laperrousaz, Laura Laperrousaz
• Acteurs principaux : Ana Girardot, Clément Roussier, Agathe Bonitzer
• Date de sortie : 13 décembre 2017
• Durée : 1h35min