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Crédits : Jour2fête

UN FILS, l’amour plus fort que les liens du sang – Critique

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UN FILS, le premier long métrage de Mehdi M.Barsaoui, offre une réflexion intime bouleversante sur le sens de la paternité.

Des hommes qui découvrent à la faveur d’un test sanguin non prévu qu’ils ne sont pas les pères de leurs fils, ce n’est pas nouveau au cinéma. Ce qui l’est plus dans UN FILS, premier long métrage de Mehdi M.Barsaoui, par ailleurs scénariste, c’est à la fois le contexte spécial des conséquences du Printemps Arabe en Tunisie en 2011 – on est le 24 septembre – et le point de vue du père, Farès (Sami Bouzjila), qui est traité.

Photo du film UN FILS
Crédits : Jour2fête

Farès et Meriem (Najla Ben Abdallah) forment un couple aisé, que l’on devine de la société aisée. IIls ont chacun un travail avec des responsabilités, et une admiration réciproque. Aimant et complice avec leur petit garçon Aziz, le couple vient d’être pris dans une embuscade près de Tataouine, qui a gravement blessé leur fils. Habitant Alger, ils avaient pris quelques jours de vacances dans la région et ne semblaient pas très au fait de ce qui se tramait. La situation est en effet très floue et les événements à la frontière libyenne proche, rajoutent à l’incertitude.

Commencent alors pour Farès et Meriem l’attente à l’hôpital, l’angoisse et la culpabilité d’avoir emmené leur fils dans un endroit qu’ils ne suspectaient pas dangereux. Ils se soutiennent, pleurent ensemble, leurs mains jointes encore pleines du sang du corps de leur fils qu’ils ont transporté à l’hôpital. Sonnés mais unis, ils savent que tout peut basculer en une fraction de seconde. Le spectateur emphatique se tient évidemment à leur côté.

Un film bouleversant, qui mêle brillamment un drame intime à l’histoire de la Tunisie et de la Libye, sa proche voisine.

Leur fils ayant besoin d’une transplantation urgente du foie sous peine de mourir, chacun fait des tests de compatibilité pour être donneur. Pour Farès, c’est le choc, car apprendre que sa femme a eu une aventure et est tombée enceinte d’un autre homme le trouble profondément. Il aime son fils plus que tout mais l’absence de liens par le sang le bouleverse et l’interroge, tout comme le spectateur. Qu’est ce qui fait le socle d’un père ? Le lien du sang ? Ou le fait de l’avoir élevé ? Peut-on envisager de se comporter en étranger et retirer son affection à un petit garçon qui n’est pas responsable de ce qui arrive ? Surtout que son état fait parfois vaciller sa mémoire et lui fait oublier qui sont ses parents.

UN FILS décrit très bien les étapes que Farès traverse, entre humiliation et colère envers Meriem. Même si sa réaction de rejet absolu envers son épouse paraît un peu disproportionnée par rapport aux circonstances, elle se conçoit aisément dans ce pays aux traditions archaïques, dans lequel les femmes sont ramenées systématiquement à leurs conditions de femmes, qui les privent des mêmes droits que les hommes. Farès réagit bizarrement, punit Meriem en ne lui adressant plus la parole et la privant de son soutien moral à un moment si crucial. Il la menace même de la dénoncer dans ce pays qui condamne encore l’adultère, paradoxe pour celui qui se targue d’une pseudo modernité depuis qu’il est parti vivre en France. Et la pudique mise en scène du réalisateur donne alors à voir les parents désunis, assis chacun de leur côté, seuls dans leur peine et leur inquiétude.

Photo du film UN FILS
Crédits : Jour2fête

Mais le temps n’est pas aux remontrances ou aux règlements de comptes. Le couple n’a pas le temps d’attendre qu’une place pour une greffe se libère. Il leur faut trouver un donneur compatible de toute urgence et ils s’attellent à leur mission respective: l’une avec la tentative de retrouver le père biologique et l’autre avec une solution alternative que la morale réprouve. Car ce que donne à voir UN FILS, c’est aussi un pays entre deux, certes en train de changer, mais pas encore au fait des dons d’organes et des solutions légales pour y remédier. La complexité de leur situation est d’ailleurs bien mise en exergue par le biais d’un médecin compatissant et non jugeant, pour qui seul le bien-être de son petit patient compte.

On ne dévoilera pas ce que fera ou découvrira Farès, anéanti par son impuissance et effaré par l’inhumanité de certains qui profitent sans vergogne de la misère d’autrui. Mais on dira seulement qu’il se comportera comme un père doit se comporter, pour qui seul l’amour envers son fils compte. Sami Bouajila livre une très belle performance d’acteur qui lui a d’ailleurs fait remporter le Prix Orizzonti du meilleur acteur à la 76ème Mostra de Venise. UN FILS se révèle donc un film bouleversant, qui mêle brillamment un drame intime à l’histoire de la Tunisie et de la Libye, sa proche voisine.

Sylvie-Noëlle

Cette critique a été publiée le 14 novembre 2019, lors du Festival du Film de Sarlat.

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Titre original : Bik Eneich:Un fils
Réalisation : Mehdi M.Barsaoui
Scénario : Mehdi M.Barsaoui
Acteurs principaux : Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah
Date de sortie : 22 juin 2020
Durée : 1h36 min
4
Puissant

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