VICE est le fruit d’un véritable travail de recherches sur la période de l’administration Bush, mais aussi sur la vie de celui qui fut le bras droit de George W. Bush, Dick Cheney.
De sa jeunesse à aujourd’hui, VICE retrace l’ascension et les déboires de Dick Cheney, vice-président sous l’administration Bush, à la manière d’Adam McKay. Empreint d’ironie et d’humour mais non sans gravité, ce documentaire-fiction montre un homme politique sans vergogne, prêt à tout pour accéder au pouvoir, interprété par Christian Bale. Il tire les fils de la marionnette Bush, ici interprété par Sam Rockwell, et est épaulé par sa femme Lynne, jouée par Amy Adams.
Dans la continuité de The Big Short
Le nouveau film d’Adam McKay, dont la musique est signée Nicholas Britell, n’est pas sans rappeler la forme atypique de son précédent sur la crise des subprimes, The Big Short, sorti en 2015. Un mélange savant de documentaire et de fiction, qui a pour but d’aborder de manière simple un sujet quelque peu délicat. On retrouve la présence d’une voix-off à la fois énigmatique et légère, ici interprétée par Jesse Plemons, que l’on peut notamment retrouver dans les séries Fargo, Breaking Bad ou Black Mirror. Dans VICE, cette voix-off est un fil conducteur qu’on apprécie, tant elle nous prend par la main, afin de nous expliquer les messes basses secrètes mais aguerries du gouvernement américain. Car selon le réalisateur :
« Le monde dans lequel nous vivons actuellement montre la souffrance qui résulte de l’ère Cheney et Bush. »
Caméras et montage au service des personnages
La caméra de McKay est un de ses plus grands outils d’expression : outre la distanciation et la mise en abyme, le réalisateur raconte des histoires sur l’Histoire en adoptant un aspect documentaire. La manière de filmer s’adapte au personnage qu’il décrit. Là où nous avions une caméra instable et bringuebalante pour montrer l’hyper-activité des financiers dans The Big Short, VICE opte pour une caméra portée plus stable. Par les effets de montage tels que l’arrêt sur image ou le mélange d’images réelles et fictionnelles, Hank Corwin, traduit la dangerosité de la force tranquille qu’incarne Dick Cheney. On dit souvent qu’un montage est bon lorsqu’il ne se remarque pas, mais la force de ce film, c’est qu’il met les pieds dans le plat. Le montage se veut appuyé et lourd de sens dans ses transitions et ses comparaisons. Malgré le coté documentaire et les nombreuses longueurs qui en ressortent, VICE garde un rythme soutenu et n’échappe à aucune étape de la vie du vice-président. Pour gommer l’aspect rébarbatif du vocable politique, McKay insiste sur les effets comiques, comme la venue d’un faux générique en plein milieu du film, ou les crises cardiaques à répétition du vice-président. Des cartons et des arrêts sur image, disséminés tout au long du film, font naître des rires dans la salle ; mais le film embraye tout aussi vite sur des images insoutenables. Les personnages sont également travaillés d’une manière comique, presque détachée du monde qui les entoure.
Un casting époustouflant
Ayant reçu le Golden Globe du meilleur acteur, nous sommes en droit d’attendre une très belle performance de la part de l’acteur aux mille visages. La transformation de Christian Bale est bien sur un point à souligner, mais le physique n’est pas le plus important dans ce rôle. Bale adopte avec brio les mimiques de Dick Cheney, et tout dans son attitude laisse fleurir la dichotomie de ce personnage. D’un autre coté, que serait un homme politique avec une telle soif de pouvoir sans une femme à ses cotés ? Lynne Cheney, jouée par Amy Adams, est dépeinte dans le film comme une femme forte, autoritaire et sans pitié (n’hésitant parfois même pas à faire des discours à la place de son mari). Elle est la motivation numéro 1 de celui qui deviendra le vice-président des Etats-Unis, et a l’air d’être parfaitement consciente du monde qui l’entoure.Dans les seconds rôles, nous attendions Sam Rockwell, gagnant de l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle dans 3 Billboards : Les panneaux de la vengeance. Ici, il interprète George W. Bush dans toute sa naïveté : McKay lui donne un aspect simple et peu conscient de ses fonctions de président. Enfin, Steve Carell, habitué du réalisateur, joue ici le rôle de Donald Rumsfeld, premier mentor de Dick Cheney.
Un renouveau du documentaire politique
Cette fable politique maîtrisée de bout en bout nous dit clairement qu’elle présente des faits. Le premier panneau annonce les recherches effectuées pour VICE ; mais le dernier indique la grande part de subjectivité de ce dernier. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le film ne se perd pas dans ses propos et opte pour une narration faite avec sagacité. Cette pièce de maître signée McKay est une nouvelle ode à la rébellion et à la volonté de montrer ce qui s’est réellement passé au peuple américain, et ce avec un ton drôle et cynique.
Dans le même acabit, le réalisateur s’est déjà mis au travail sur son prochain film, qui concernera les frères Koch.
Myriem
• Réalisation :Adam McKay
• Scénario :Adam McKay
• Acteurs principaux : Christian Bale, Amy Adams, Sam Rockwell, Steve Carell
• Date de sortie : 13 février 2019
• Durée : 2h12min