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Avant-Première – LE RUBAN BLANC

La cinémathèque de Paris proposait, lundi 19 octobre 2009, en avant-première, le dernier film de Michael Haneke, Le Ruban Blanc. Il s‘agit de son dixième film, récompensé de la Palme d’Or à Cannes cette année. Le Ruban Blanc ouvre donc une semaine consacrée à ce grand metteur en scène au sein de la cinémathèque. Celle-ci proposera la quasi-totalité de son œuvre dont des films inédits réalisés pour la télévision.

A la suite de la projection de cette œuvre cinématographique, une rencontre a été organisée entre un public enthousiaste et Michael Haneke.

Comme d’autres de ces œuvres ( Le temps du Loup pour n’en citer qu’un ), le scénario du Ruban Blanc a été écrit il y a dix ans. Pour diverses raisons dont celle financière, le film ( qui devait durer 3h30 initialement ) n’avait pu être tourné. Le scénario a depuis était amélioré, les repérages ainsi qu’un long casting ont été effectué. Michael Haneke a dû choisir parmi 7000 enfants présents pour le casting.

Le réalisateur du Ruban Blanc évoque alors la spontanéité qu’un enfant a à jouer : « En général, si un enfant est talentueux, c’est un grand plaisir parce que si un enfant joue un lion, il est un lion. Pour les acteurs c’est gênant parce qu’ils jouent le lion. Cette différence entre les deux, dans cette façon de jouer, est assez difficile à égaliser pour un metteur en scène. »

En dehors du talent il recherchait aussi des visages qui fassent « anciens ». Cela dans un souci de crédibilité. A ce sujet,  Michael Haneke a effectué un véritable travail esthétique. Il en évoque quelques points en nous confiant s’être inspiré des photographies d’August Sander.

«  Elles sont tellement piquées, c’est tellement épatant quand on pense à quand ça a été fait. Mais il y a une différence avec les photos d’August Sander. Elles ont toutes été faites avec une lumière naturelle, c’est-à-dire à l’extérieur. La chose qui était difficile dans ce film, c’est de tourner avec les bougies et les lampes de pétrole et de donner une impression de réalisme. Parce que si vous regardez des films en Noir et Blanc, en général tournés dans les années 50, c’est une lumière très théâtrale. Nous avons vraiment essayé de nous approcher d’un réalisme qui est crédible. Ca a été tourné en couleur pour deux raisons, une raison assez banale parce que la télévision voulait avoir le film en couleurs. Mais la vrai raison c’est que les pellicules en Noir et Blanc qui existent sont trop peu sensibles pour tourner avec des bougies.».

Ce n’est donc que, par la suite, que le film fut désaturé en post-production pour nous offrir ce magnifique long-métrage en Noir et Blanc.

Cependant, et c’est là toute l’habileté de Michael Haneke, le film cherche à marquer une certaine distance avec le spectateur. C’est pourquoi la voix du narrateur, qui est celle de l’un des personnages quelques années après les faits du film, indique que « le temps a joué ».

« C’est la même raison que pour l’utilisation du Noir et Blanc: Celle de donner une certaine distanciation. J’ai toujours des difficultés à voir des films historiques qui prétendent, avec un naturalisme de couleurs, savoir comment c’était à l’époque. Le Noir et Blanc donne une sorte de distanciation. En plus le narrateur commence en disant « Bon je sais pas si tout ce que je vais vous raconter c’est la vérité je me souviens vaguement etc. ». C’est pour le spectateur, je ne veux pas lui donner l’illusion que je peux vraiment recréer la vie d’antan. C’est une projection de moi-même et c’est aussi une projection d’un artefact. Ce n’est pas la vérité. »

Pour reprendre les termes de l’animateur qui dirigeait cette rencontre, il y aurait dans cet opus une « réalité opaque donnée comme complexe. » Michael Haneke s’éloigne volontairement des évidences pour peindre son univers.

« Dans la vie, on sait rarement comment les choses se sont passées, qui ment, qui dit la vérité, pourquoi une chose se passe. En général on voit les faits et c’est tout. C’est le cinéma de distraction qui prétend toujours résoudre tous les problèmes. C’est pour ca que j’essaie toujours de construire le film de manière contradictoire. C’est au spectateur de trouver sa propre interprétation.
Que ce soit un tableau, une sculpture, une pièce de musique, ils donnent à celui qui regarde, qui écoute, une liberté d’interprétation. Dès qu’il y a le mot dans le jeu, c’est déjà plus difficile parce que la liberté de la fantaisie est un peu raccourcie et parce que dès qu’on a une définition de quelque chose, c’est clair. Il n’y a plus d’interprétation. Alors le vrai poème est entre les lignes, ce n’est pas dans les mots. Avec le film c’est encore plus difficile parce que ce qui est à l’image est à l’image. Et la littérature, par exemple, ca laisse évoquer les images dans la tête du spectateur.
En essayant de redonner un petit peu de liberté au spectateur, on utilise le hors-champ parce que c’est lui qui invente les choses. Tout ce qu’on entends provoque la fantaisie. En général le son est aussi important que l’image. Quand je travaillais au théâtre j’étais souvent comme ca [ ndlr : Il baisse son regard vers le sol ]. Les acteurs me disaient : « tu ne me regardes pas », et je disais « c’est parce que je te vois mieux ». Parce qu’on entend immédiatement un défaut. Le contact entre l’oreille et le cœur est plus direct qu’entre les yeux et le cœur.
Je dis toujours que le film ne devrait pas se terminer sur l’écran mais dans la tête du spectateur. »

Le Ruban Blanc illustre bien son travail. Le fait que des enfants soient de réels suspects dans ce film, mais que rien ne soit dit, que tout soit subtilement laissé à l’interprétation, provoque un sentiment de malaise chez le spectateur.

LE RUBAN BLANC, esthétisme marquée – Critique

« Je préfère m’approcher de cette complexité à laquelle nous somme toujours confrontés. Dans la plupart des films, spécialement dans la télévision, si un personnage ment on le voit immédiatement, tu sais qu’il ment. C’est absolument idiot, parce que dans ce cas le mensonge n’existerait plus. Ça n’existe que dans la télévision.
C’est une banalité, le mal est partout comme le bien aussi est partout. C’est entre nous. Comme Goethe a dit « Il n’y a aucun crime que je ne pouvais pas imaginer avoir commis. » C’est aussi cette illusion de fantaisie romantique de croire que des enfants sont innocents. Ce sont des êtres humains comme toi et moi. Les enfants sont égoïstes c’est normal. Je ne suis pas spécialiste du mal, je parle de choses qui sont évidentes. »

Et c’est sous des mains d’orchestre que Michael Haneke nous plonge dans Le Ruban Blanc pour conclure une belle symphonie avec le spectateur.

« Oui je suis un grand amateur de musique et si on pense comme moi qu’il y a similarité entre les différentes formes d’art, le film est le plus proche de la musique. Afin qu’un film fonctionne c’est toujours une question de musicalité, de rythmique, trouver le bon rythme afin que le spectateur puisse respirer avec lui. C’est mon avis, il y a des opinions complètement différentes. »

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