[dropcap size=small]L[/dropcap]a première édition du Festival International du Film en Médoc, alias les Vendanges du 7ème Art, qui s’est déroulée du 15 au 19 juillet, a été l’occasion de rencontrer l’une des actrices françaises les plus populaires du cinéma français, Nathalie Baye, lors d’une Master Class, puis d’une brève interview accordée au Blog du Cinéma. Nous vous proposons son portrait et l’essentiel des propos qu’elle nous a livrés avec authenticité et spontanéité sur le cinéma d’hier et d’aujourd’hui, le choix de ses rôles, l’art de durer dans le métier, son propre regard sur elle-même ou les films qu’elle aime voir au cinéma…et quelques leçons de vie !
Trouver sa place dans le métier: J’ai commencé par faire de la danse. Je me suis lancée à corps perdu dedans pour échapper à l’école qui me rendait très malheureuse. Puis j’ai accompagné une amie à une audition, que j’ai moi-même passé, et je me suis sentie à ma place, comme une évidence, me rendant compte que la danse ne me plaisait pas autant que je l’aurais espéré. J’ai suivi le cours Simon puis préparé le Conservatoire, mais je rêvais plus du théâtre car la danse m’avait permis d’aimer la scène. Ma rencontre avec François Truffaut pour La Nuit Américaine a été une chance. D’ailleurs il y a toujours une part de chance dans la vie, à nous de savoir la saisir.
Durer dans le métier: Ça par contre ce n’est pas de la chance, mais du travail et de la persévérance. L’époque était différente d’aujourd’hui, ce qui était essentiel, ce n’était pas de faire carrière, mais de travailler avec des réalisateurs qui m’intéressaient , quelque soit les rôles. Ce n’était pas la quantité, mais la qualité qui importait.
Les trois choses très importantes dans ce métier, c’est un certain talent, beaucoup de travail, et le talent de vivre ce métier, car la chose la plus difficile, c’est de garder le désir de son métier et de jouer la comédie, faire en sorte que le désir ne se déplace pas sur un autre objet, comme l’argent; il faut garder l’équilibre et ne pas se laisser avoir par les paillettes ou la facilité – le Star Système est faux et dangereux- , ni par les découragements, car c’est un métier très rude, il faut être solide…et être connu n’est pas la clé du bonheur!
Ses critères de choix: Ce qui est obsessionnel chez moi, c’est être sincère et conserver ma liberté, notamment celle de choisir mes rôles. Je peux faire des premiers films ou même des courts métrages, travailler avec des gens de toute génération, et ce qui est stimulant dans ce métier, c’est qu’il n’y a pas de limite d’âge. J’ai ainsi assisté à la naissance de Nicole Garcia en tant que réalisatrice dans Un week end sur deux, j’ai travaillé deux fois avec Xavier Dolan, un OVNI, un génie (Laurence Anyways et Juste la fin du monde dont la sortie est prévue en 2016) et je viens de tourner avec Antoine Cuypers, réalisateur belge de courts-métrages (Préjudice dont la sortie est prévue en 2015).
Je ne choisis pas mes rôles en fonction de mon image auprès du public : jouer la prostituée dans La Balance ne m’a posé aucun problème, je ne considère pas que je prends un risque… je ne pars pas à la guerre ! Les rôles qui m’ont marquée sont ceux que j’ai interprétés dans La Nuit américaine, Le Petit Lieutenant, Le retour de Martin Guerre, Vénus Beauté, La Californie; celui de Un week end sur deux est un rôle qui m’a beaucoup apporté, je suis enfin sortie de ce moule de la femme rassurante dans lequel on m’identifiait: j’ai souvent joué des personnes positives, bienveillantes mais jouer les mères tranquilles est ennuyeux, et j’aime bien les bons rôles de dingue, comme dans Mon fils à moi, ou Absolument Fabuleux, c’est génial pour un acteur! D’ailleurs j’aime beaucoup jouer dans les comédies, c’est dans ma nature, mais il faut déjà que le scénario me fasse rire!
Sa façon de travailler son rôle: Je travaille plus qu’avant, en amont, notamment au niveau du scénario : je le découvre à la lecture, puis je me l’approprie en discutant avec le réalisateur, pour mieux connaitre son idée, et si on a cette chance, je le lis avec les autres acteurs: cela permet d’entendre les longueurs, les ventres mous, ce qui ne fonctionne pas. Je me rappelle de la façon de travailler de François Truffaut, qui était très attentif à la compréhension des choses. Puis tout au long du tournage, je le relis de manière approfondie et régulière, même quand il ne s’agit pas des scènes dans lesquelles je joue, pour avoir des clés sur mon personnage.
Un rôle c’est comme un puzzle, on part souvent d’un détail qui nourrit le personnage, comme ma tante et ses bracelets qui m’avaient inspirée pour Maguy dans La Californie. Je rencontre parfois aussi les personnages que j’interprète, comme l’avocate Frédérique Pons dans L’Affaire SK1.
Le travail avec les réalisateurs: Je ne demande jamais à un réalisateur pour quelles raisons il m’a choisie, je ne vais pas à la pêche aux compliments ! Il n’y a pas de rôles que j’attends que l’on me propose parce que les désirs de travailler ensemble naissent plus des rencontres, c’est merveilleux d’entrer dans l’univers d’un réalisateur. Travailler avec Godard par exemple, ça décoiffe! Et avec François Truffaut, on se vouvoyait, on n’a jamais réussi à se tutoyer. Il était drôle et parfois acide. Quand aux grands réalisateurs d’aujourd’hui qui pourraient marquer leur époque, je pense à Xavier Beauvois, Xavier Dolan, Noémy Lvovsky… Mais on verra ça dans vingt ans!
Je ne fais pas de différence entre un réalisateur et une réalisatrice, mais je trouve qu’un réalisateur qui est aussi acteur sait parler aux acteurs, on est du bâtiment… il y a des réalisateurs qui ont peur des acteurs, qui ne nous aiment pas toujours…Je me souviens avoir donné des cours à la FEMIS auprès de jeunes réalisateurs sur la direction d’acteurs, je les avais aidés à comprendre qu’on est de la matière vivante!
Dans le film La Volante, pour la première fois, j’ai eu deux réalisateurs qui m’ont dirigée..ils sont complémentaires avec leur propre univers chacun, l’un est très précis, l’autre très flou! (Christophe Ali et Nicolas Bonilauri, sortie le 2 septembre 2015)
”Ce qui est très important dans ce métier, c’est un certain talent, beaucoup de travail…et le talent de vivre ce métier et d’en garder le désir !”
Tourner à nouveau aux Etats-Unis: Steven Spielberg (avec qui elle a tourné Catch me If you can) est un homme qui cherche, très chaleureux et très actif sur un tournage dont l’équipe est gigantesque ! Mais je n’ai pas l’American Dream, et les propositions américaines qu’on m’a faites n’étaient pas très intéressantes, je ne les aurais pas acceptées en France ; je suis très gâtée dans mon pays.
Ses partenaires à l’écran: Je ne travaille pas du tout dans le conflit… j’ai envie d’aimer les gens avec qui je rêve de jouer !
La façon dont elle juge son propre travail: Je n’aime pas me voir au cinéma, il me faut souvent attendre dix ans, je suis alors en mesure de juger le film de manière plus objective. Mais les années n’y changent rien et même si je ne suis pas plus dure avec moi-même… je ne le suis pas moins! Quand j’ai tourné J’ai épousé une ombre, le tournage avait été difficile, je ne m’y aimais pas et j’ai pensé que j’avais fait le bide de ma vie. Le succès a pourtant été colossal et c’est vrai qu’en le revoyant aujourd’hui, je ne le trouve pas si mal !
Les récompenses: En recevoir est un vrai plaisir, mais voilà, comme le chantait Jeanne Moreau dans l’une de ses chansons La Célébrité « le succès, ça tient pas chaud la nuit » !
La réalisation: Ça commence à me chatouiller, je comprends qu’on y passe, car diriger les acteurs c’est merveilleux. Je n’ai pas encore d’idée précise d’un sujet mais je commencerai par un court métrage.
Les films qu’elle aime: J’ai peu le temps de voir des films, mais récemment j’ai beaucoup aimé Mustang de Deniz Gamze Ergüven ou Un homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun. J’aime aussi les films Anglais et Asiatiques.
Sa vision d’un bon film au cinéma: Je suis assez d’accord avec la définition de Robert Redford sur ce qui fait un bon film: « une bonne histoire, des émotions, des personnages ». J’aime les films qui provoquent des émotions, et ceux qui sont intelligents, qui font aussi réfléchir, qui permettent d’apprendre, de découvrir et de se nourrir.
LA VOLANTE sortira en salles le 2 septembre 2015 !