• Réalisation : Costa-Gavras
• Acteurs principaux : John Shea, Sissy Spacek, Jack Lemmon
• Durée : 2h05min
Missing (1982) a été chroniqué par Antoine dans le cadre de la rubrique Réflexions Poétiques.
La ressortie par Splendor Films de la Palme d’or 1982 est une bonne nouvelle à plus d’un titre. Parmi les cinq films tournés aux États-Unis par Costa-Gavras (Hannah K., Music Box, Betrayed, Mad City), MISSING est probablement son meilleur. Adapté du livre de Thomas Hauser (The Execution of Charles Horman, 1978) tiré d’un fait divers, le film de Costa-Gavras s’inscrit dans la lignée des films politiques américains des années 1970 à l’image du cinéma d’Alan J. Pakula (Klute, Les hommes du président, À cause d’un assassinat). Le politique dans la fiction peut avoir deux significations : le politique dont parle le film – chez Costa-Gavras c’est la situation d’injustice conséquence de la dictature chilienne – et le politique qui découle d’une démarche artistique, c’est-à-dire le travail de la mise en scène qui agence le caractère politique d’une œuvre. MISSING réussit pour ainsi dire à faire les deux.
Récit d’une disparition, puis de son enquête suite au coup d’État militaire de Pinochet le 11 septembre 1973 au Chili, le film mélange habilement le thriller politique au drame intime dans le contexte réaliste des jours qui suivirent l’événement historique. A l’instar des films de Pakula, la qualité de MISSING réside dans l’écriture « documentarisante » des événements et psychologique des personnages, donnant toute sa portée universelle au film. Oscarisé pour l’adaptation, Costa-Gavras et son co-scénariste Donald E. Stewart, spécialisé dans les adaptations de Tom Clancy (À la poursuite d’Octobre Rouge, Danger Immédiat, Jeux de guerre), ont signé ensemble un scénario d’une redoutable efficacité à l’image de cette brillante idée scénaristique du journal de bord écrit par le personnage de Charlie ; le père et la belle-fille peuvent ainsi suivre à la trace les déplacements et autres rencontres du « disparu » afin de faire progresser l’enquête. MISSING s’intéresse donc à des personnalités plutôt ordinaires – un père aux idées conservatrices (Jack Lemmon) et sa belle-fille (Sissy Spacek) à la recherche de Charlie (John Shea), un jeune américain aux idées de gauche – qui se retrouvent, du jour au lendemain dans une situation des plus insoutenables.
« Film sur la dignité humaine, MISSING dénonce les effets destructeurs de toute dictature »
Entre l’angoisse de le découvrir mort et l’espérance de le retrouver en vie, Ed Harmon et Beth se trouvent au cœur d’une terrible expérience humaine. Leur relation qui au départ était tendue – le père ne souhaitant pas impliquer l’incompétence du gouvernement américain dans cette affaire contrairement à Beth – va peu à peu progresser vers un respect mutuel, voire une admiration sans borne. Film sur la dignité humaine, MISSING dénonce les effets destructeurs de toute dictature : les scènes de couvre-feu ont parfois des allures de films d’horreur (Beth, errant seule dans les rues de Santiago, observe un cheval blanc pris en chasse par des soldats qui tentent de l’abattre) et les bruits permanents de mitraillettes et d’hélicoptères en arrière-plan construisent un espace sonore à la fois suffocant et électrique. Tourné en catimini à Mexico, le film livre ainsi son lot de scènes-chocs à l’image des arrestations musclées et des scènes de prisons faisant de la répression Pinochienne, un pendant « nazi » dixit un policier de l’ancien régime, des plus éloquents. Le chaos qui émane de l’atmosphère générale rend impossible la quête de justice des deux personnages. Le final de MISSING laisse donc un goût amer ; une vision très pessimiste de la situation géopolitique. Costa-Gavras y dresse un portrait peu flatteur de la gérance américaine dans cette affaire qui n’a cessé de ralentir les procédures, s’interrogeant davantage sur les motivations du jeune homme et ses penchants « déviants » (il était scientiste et écrivait pour un journal de gauche) qu’à la résolution de sa mystérieuse disparition.
Dans le rôle dramatique du père, Jack Lemmon est absolument formidable, ce qui lui valut au passage le prix d’interprétation à Cannes. Bien qu’au départ le studio Universal qui distribue le film ne semblait pas totalement conquis par ce choix de casting, lui préférant un certain Gene Hackman. Mais l’influence de l’immense producteur Edward Lewis à qui l’on doit certains des plus beaux films de John Frankheimer (L’Opération diabolique) et de David Miller (Seules sont les indomptés), tous écrits par le non moins génial scénariste Dalton Trumbo (Spartacus), finit par convaincre le studio d’embaucher l’acteur fétiche de Billy Wilder. Avec MISSING, Costa-Gavras signe avant tout un grand film américain dans la pure tradition du thriller politique des années 1970 : acteurs impeccables, thématiques universalistes, scénario rythmé et divertissant porté par une mise en scène anxiogène et réflexive. Tous les attributs d’un classique en somme.
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