Les super-héros au cinéma
Longtemps, la référence en matière de film de super-héros se limitait aux Batman de Tim Burton (Batman – 1989 et Batman, Le Défi – 1992). Deux films de qualité, qui même après 25 ans, n’ont pas pris une ride et marquaient la renaissance du genre après la série Superman entre 1978 et 1987.
A chaque visionnage on ne peut que remarquer à quel point l’univers de l’homme chauve-souris correspond à l’imaginaire de Burton dans une ambiance gothique avec des personnages toujours à la limite du réel. D’autant plus qu’on essaie encore d’oublier les suites désastreuses de Joel Schumacher : Batman Forever (en dépit d’un bon succès public) et Batman et Robin. Cependant, même si les œuvres de Burton ont été vivement critiquées par les fans des comics dont le héros est tiré, elles restent très appréciées du public « cinéphile ». Certainement pour cela que même si les années 1990 se sont refermées avec l’échec de Batman et Robin (1997), les studios ont lancé une vague d’adaptations de comics dès les années 2000. Les plus réussis et que l’on retient encore aujourd’hui : X-Men (2000-2006), Spider-Man (2002-2007) et Batman (2005-2012) pour un total de neuf films. A côté, près d’une dizaine d’autres films ont vu le jour, entre 2000 et 2007, mais avec bien moins de réussite. Parmi lesquels Hulk (2003), Blade (2004), Daredevil (2003) Elektra (2005), Superman (2006) ou encore Ghost Rider (2007).
Avec les trois sagas citées précédemment, (X-men, Batman et Spider-Man) il y a cette impression d’intemporalité. Comme si ces films ne pouvaient pas vieillir, même sur le plan technique, bien que datant de plus de dix ans (petite exception pour les Batman de Christopher Nolan qui s’étale de 2005 à 2012). A la vitesse à laquelle les nouvelles technologies évoluent, ce n’est pas rien. Car ces œuvres ont su s’emparer des personnages avec leur histoire pour créer des films, non pas « de » super-héros, mais « avec » des super-héros. Chaque univers n’étant finalement qu’un prétexte aux réalisateurs pour s’exprimer et poser leur empreinte. Sam Raimi pour Spider-Man, Christopher Nolan pour Batman et Bryan Singer pour X-Men. Trois univers œuvrant pour le grand spectacle mais dont ces réalisateurs talentueux ont su tirer autre chose que de l’action en s’écartant suffisamment des comics d’origines ou des attentes du grand public.
Pour Spider-Man, Sam Raimi aborde avec son héros l’adolescence et le passage à l’âge adulte. La puberté et la découverte de la sexualité et de la masturbation est montrée dans le premier film de façon métaphorique avec les pouvoirs obtenus par Peter Parker. Ce dernier découvre les premiers symptômes et s’entraine dans sa chambre, en cachette, à faire jaillir la toile de son corps. Une séquence totalement occultée par Marc Webb dans le reboot de la série Amazing Spider-Man (2012). Il est évident que Sam Raimi tente d’aborder ce personnage de manière bien plus complexe que ce qu’il ne l’était déjà dans les comics. Le réalisateur impose sa vision artistique, allant par exemple jusqu’à faire de la transformation du Docteur Octopus, dans le second opus, une séquence de film d’horreur, comme un hommage au genre qu’il affectionne particulièrement depuis son premier film, Evil Dead (1981).
Au delà de cette approche, si les films de Raimi sont si réussis, c’est aussi pour leurs scènes d’action. La maîtrise de Raimi en termes d’espace et de rythme rendait ces spectacles vertigineux et immersifs, sensations jusque-là, inédites au cinéma.
Il en sera de même avec Nolan qui depuis la trilogie Batman a cherché à faire des blockbusters hollywoodiens quelque chose de plus cérébral (Inception), à tendance cinéma d’auteur (Interstellar). Trois films qui se veulent plus réalistes et noirs, sur fond de discours sur la société, et durant lesquels le héros se fait particulièrement malmener. Cassé physiquement dans The Dark Knight Rises ou carrément relégué à du second plan face au Joker dans The Dark Knight… Dans ce dernier l’opposition entre les deux ennemis prenait des airs de Heat de Michael Mann, et le duo Christian Bale / Heith Ledger rappelant celui de Robert De Niro / Al Pacino. Il en va de même avec la séquence d’ouverture brillante réalisée par Nolan, presque un hommage au braquage final mythique de l’œuvre de Mann. Enfin il s’agit de deux films qui dépassent leur genre (policier pour Heat, super-héros pour The Dark Knight) pour toucher au drame.
C’est dans la même optique que Bryan Singer a voulu porter un regard sur le monde et l’humanité dans les X-Men. Une histoire de mutants rejetés par la société et des questionnements sur l’intégration des différences issus de l’univers créé par Stan Lee (auteur de nombreux comics dont les aventures de Spider-Man et des X-Men). Cependant Singer a su avec deux films (le troisième réalisé par Brett Ratner) aborder son sujet de manière personnelle voire intimiste, occultant même en partie le grand spectacle attendue. Il n’y a qu’à prendre en exemple l’apparition virtuose de Diablo pour ouvrir X-Men 2, un bijou de réalisation. Ou simplement la majorité des combats, souvent à la limite du corps à corps, entre une poignée de mutants. Bien loin de la nouvelle trilogie donc (pourtant en partie réalisée par Singer) avec son lot de sous-marin et de stades de football volants. Une volonté d’aller davantage dans le spectaculaire un brin simpliste et parfois bâclé en terme de matière visuelle. Ne serait-ce que le maquillage de la Mystique de Jennifer Lawrence qui ne tient pas la comparaison avec celle de Rebecca Romijn (bien plus crédible pour ce rôle). Enfin bien que le troisième opus, réalisé par Brett Ratner, ait été particulièrement mal reçu par les fans (à juste titre sur certains points), on se doit de lui accorder une originalité dans la conclusion de la saga. Car en osant supprimer des personnages phares de la série, X-Men : L’Affrontement final offre une conclusion violente, tragique et d’une rare intensité dramatique.
A cette liste pourrait se rajouter le réalisateur Guillermo Del Toro. Le maître de l’horreur s’est parfaitement retrouvé dans les univers tout aussi fantastique de Blade (Blade 2) et de Hellboy (Hellboy et Hellboy 2).
Le Superman de Bryan Singer (2006), a quant à lui fait figure d’échec. S’il a attiré en masse le public (600 millions de dollars de recettes mondiales), il n’a convaincu que peu de monde. Ni les aficionados, rebutés par ce scénario original trop libre, ni le public non-initié, trouvant le film mou, vide, long et bavard en dépit de quelques scènes impressionnantes ou émouvantes, ni la critique – peu encline au mélange d’auteurisme pur et de grand spectacle.
Singer peinait à commuter sa vision trop personnelle du personnage sur grand écran, laissant au final un bien mauvais souvenir d’un film pas si raté.
Cas à part:
INCASSABLE (2000) et les INDESTRUCTIBLES (2004)
Urbain et hyper-réaliste (comme chez Nolan), Incassable est aussi un récit de construction par l’intime (comme chez Raimi), façonné par un story-telling Spielberg-ien, et porté par deux acteurs antagoniques parfaits (Bruce Willis et Samuel L. Jackson)…
Résultat: une histoire d’une puissance émotionnelle indéniable construite dans un élan méta tout à fait conscient et maîtrisé. Du génie.
Indestructibles quant à lui, associait le talent Pixar (technique+émotion+originalité du traitement) à la réalisation TRES haut-de-gamme de Brad Bird. Un film à la fois hyper-spectaculaire et ultra-personnel.
Avant même que la vague de super-héros envahisse véritablement nos écrans, ces deux films transcendaient leur statut d’hommage à la culture comics pour rentrer dans l’inconscient collectif. L’un par sa narration incontestablement empathique, l’autre par l’association divertissement/intime, les deux, grâce à la sensibilité de leurs auteurs. C’est aussi par eux que le MCU existe.
Il en ressort clairement la possibilité de faire, avec les super-héros, des films originaux et personnels aux réalisateurs qui les adaptent. Les Spider-Man ont révélé l’attrait du public de masse pour les aventures super-héroïques et, notamment, leur point de vue humain. Les Batman de Nolan ont permi d’envisager la complexité et l’ancrage dans la réalité, au sein du divertissement grand public. Les X-Men ont prouvé que la multiplicité des personnages n’était pas un frein. Les sagas de Del Toro ont montré (à posteriori malheureusement pour elles) que le public spécialisé est très friand de ce genre de spectacle et est capable, via internet, de construire une réputation intemporelle. Les autres films, par effet négatif, montrent quant à eux qu’il faut également respecter certains codes (fidélité au matériau d’origine, lois de l’entertainment, accepter les limites d’une vision personnelle). Avec cette masse de films proposé, pas toujours de qualité, un premier ras-le-bol du film de super-héros s’est fait sentir. The Dark Knight permis un premier regain d’intérêt, suivi de prêt par l’arrivée du MCU. Ce dernier proposant un nouveau système de production et une approche différente du genre.
sommaire
– Le MCU : présentation
– Les super-héros avant le MCU
– Les autres super-héros, notamment DC Comics
– Phase 1
– Phase 2
– Phase 3
– Critique du MCU
– Critique d’ANT-MAN
– le RAS-LE-BOL Marvel