Jack Burton

LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN – Critique

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La ressortie des AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN est l’occasion de retrouver un John Carpenter rigolard, badin, qui n’hésitait pas à parodier les autres mais également ses propres œuvres fantastiques pour concocter un film d’aventures abracadabrantesque, sur fond de légendes chinoises, de mystérieux souterrains et de pouvoirs surnaturels. Le tout en compagnie d’un des héros badass les plus incompétents jamais incarnés à l’écran

Dans la série des films cultes, faites entrer les fracassantes AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN, traduction improbable de “Big Trouble in Little China”. Aux commandes, un prince de la série B fantastique, John Carpenter, qui sortait tout juste du succès critique de Starman avec Jeff Bridges en extra-terrestre séducteur. Ici, rien de tout cela ! Si le script original signé William Goldman et David Z. Weinstein (rien à voir avec l’autre) se déroulait en 1880, la 20th Century Fox fit réécrire la chose par W.D. Richter (Brubaker, Les Aventures de Bukaroo Banzai à travers la 8e dimension) pour resituer l’action dans une époque plus contemporaine. En grand amateur de Howard Hawks et de westerns classiques (Assaut était un hommage appuyé à Rio Bravo), John Carpenter s’intéresse au projet et puisque l’idée de titiller les arts martiaux lui trotte dans la tête depuis longtemps, l’histoire de ce Jack Burton, un camionneur plutôt balourd, entraîné dans des péripéties rocambolesques à grand renforts de démons, de sorciers et de pouvoirs surnaturels en plein cœur de Chinatown avait de quoi le séduire. Pour incarner ce “cow-boy” moderne, Clint Eastwood et Jack Nicholson sont envisagés mais c’est finalement Kurt Russell qui emporte la mise. Bien qu’habitué de l’univers Carpenter (Elvis, The Thing, New York 1997), l’acteur n’est pourtant pas totalement convaincu. Il faut avouer que l’histoire partait un peu dans tous les sens tout en restant nébuleuse du début à la fin. Mais le réalisateur finira de le convaincre et réécrira une partie du script, notamment la relation de son personnage avec Gracie Law (Kim Cattrall sortie tout juste de Police Academy) qui n’est pas sans rappeler les comédies américaines classiques des années 40 (Howard Hawks, toujours).

Jack Burton

« Arrêtez immédiatement de vous frotter comme ça contre moi, parce que ça fiche un sacré coup à mon pouvoir de concentration. »

Pour compléter la distribution principale, c’est Victor Wong (L’année du Dragon) qui interprétera le troisième larron, Egg Shen, à la place de Jackie Chan qui avait pourtant fait ses premiers pas à Hollywood avec les deux épisodes de L’Équipée du Cannonball (1981/1984). Hasard ou coïncidence provoquée, à la même période est produit le film The Golden Child (L’Enfant Sacré du Tibet) avec Eddie Murphy, également basé sur les croyances mystiques chinoises. La sortie est prévue en même temps que LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN ce qui précipite la production de ce dernier qui doit dès lors tout faire pour sortir le premier sur les écrans. Les producteurs savent que si le succès d’un film n’est jamais garanti, la sortie de deux films sur le même thème sacrifie en général l’un des deux au profit de l’autre comme le prouvera quelques mois plus tard Les Laisons Dangereuses au détriment de Valmont. De cette course à l’échalote, John Carpenter du resserrer son budget (il coupera plusieurs scènes d’action) et rogner sur les délais de préparation.

« Vous allez tous attendre ici. Gardez la boutique, remettez des bûches dans la cheminée, et si on est pas revenu au petit matin, appelez le Président. »

Malgré tout, le film suit une narration très classique, avec des fondations apparentes tout au long du voyage de nos héros. La quête est simple (sauver la fiancée de Egg et retrouver le camion de Jack) mais si elle s’embourbe ensuite dans un enchevêtrement de mythes et croyances improbables, c’est pour mieux enrober le film d’une couche de serial bienvenue. Le seul souci du film sera alors de naviguer entre une volonté de faire un spectacle de haut niveau, bourré d’effets spéciaux (S.O.S. Fantômes vient de cartonner), et une aventure de série B à la fois classique, rétro, plein de clin d’œil et de dialogues savoureux. De nombreux aphorismes de Jack Burton resteront ainsi dans les mémoires et l’interprétation distanciée de Kurt Russell renforce cette impression de j’en foutisme latent et paradoxal (le budget de 25 millions de dollars était très confortable), de film qui ne se prend absolument pas au sérieux. La caméra de John Carpenter reste fluide, alerte, toujours dans l’action, circonscrite aux bas fonds de Chinatown.

Jack Burton

Hommage aux films qui peuplèrent sa jeunesse, LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN était malgré tout un projet osé pour le cinéaste. Alors qu’il s’était fait le patron du fantastique malin et peu coûteux, qu’il soit horrifique (The Thing), d’anticipation (New York 1997) ou de la science-fiction gentillette (Starman), tout semblait lui réussir. En optant pour une baudruche scénaristique qui alimente un esprit nanar pour mieux le contourner et tenir en équilibre sans jamais totalement s’effondrer sur lui-même, le risque était patent. Tout dans le film était voué au plantage monumental, de la représentation des croyances chinoises aux combats en passant par les personnages archétypés qui n’hésitent pas à s’auto-parodier ouvertement. Jack Burton et son attitude débonnaire, débordée, délétère, a ici tout de l’anti-héros moqué sans vergogne par ses compagnons. En retard d’un bon wagon sur chaque pan de l’histoire (ce qu’il reconnaît volontiers), il avance à rebrousse poil de la caractérisation habituelle. Difficile alors pour le spectateur de s’investir dans un type visiblement largué, pas très malin ni doué, ni courageux, un poil sexiste et arrogant. Du rouge à lèvre sur la bouche du héros en guise de maquillage pour le combat final jusqu’au “non” improbable quand on lui demande s’il va embrasser l’héroïne Gracie Law avant de partir, tout semble calculé pour court-circuiter les poncifs du genre. Finalement, le vrai héros n’est pas celui que l’on croyait.

Cette volonté de dérégler les choses ne suffira pas à faire de cet ersatz d’Indiana Jones (dont le second épisodes sorti deux ans plus tôt se déroulait en Asie) un succès. Le retour sur investissement ne se fera que par la grâce de la VHS, qui transformera un échec en salle en film culte à la maison… à tel point qu’une flopée de produits dérivés (jeux vidéos, bandes dessinées…) verront le jour jusqu’à ce projet, ténébreux, de remake avec Dwayne Johnson dont on attend encore la confirmation. Après cette déception, John Carpenter préférera quant à lui revenir aux fondamentaux et retrouvera Victor Wong (et Dennis Dun) pour l’immense Prince des Ténèbres. Mais ceci est une autre histoire…

Cyrille DELANLSSAYS

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Titre original : Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin (Big Trouble in Little China)
Réalisation : John Carpenter
Scénario : Gary Goldman, David Z. Weinstein, W.D. Richter
Acteurs principaux : Kurt Russell, Kim Cattrall, Dennis Dun
Date de sortie : 1986
Durée : 1h39min
3.5
Série B festive

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