[dropcap size=small]D[/dropcap]enis Villeneuve revient peu de temps après son Prisoners, sorti en fin d’année dernière, film intéressant mais écrasé sous trop d’influences ainsi qu’une linéarité un peu pénible en fin de métrage. Incendies, lui, était plus intéressant car reposait exclusivement sur son scénario, et accessoirement sur Lubna Azabal qui réussissait à imposer sa présence au sein de celui ci.
Après un prologue énigmatique qui installe un des Jake Gyllenhaal dans un univers sombre, glauque, stylisé, l’histoire commence réellement – avec une lenteur qui définit la routine du personnage d’Adam Bell : se lever, enseigner (il est prof universitaire d’histoire), revenir chez lui, manger, baiser – une meuf qui part avant son réveil, recommencer. Une série d’évènements « fortuits » vont l’amener à rencontrer Anthony St. Claire.
Le nouveau film de Denis Villeneuve, à le mérite de garder l’excellent Jake Gyllenhaal de l’expérience précédente et d’explorer le thème du Doppelganger. Attention, il ne s’agit absolument pas de manichéisme, mais simplement de deux hommes qui explorent chacun des voies morales différentes, sans être particulièrement antagonistes.
D’emblée on remarque ce filtre très « Jaunet » qui installe dès les premières images, une atmosphère singulière et éthérée. Exactement comme le réalisateur d’Amélie Poulain, Denis Villeneuve installe son histoire dans un environnement urbain, mais bizarrement vide, ou plutôt, égocentrée. Comme un rêve qui n’appartiendrait qu’à notre protagoniste dédoublé… La mise en scène et la musique du film, à chaque instant, accompagneront cette ambiance particulière ; le score, d’abord orchestré de façon classique, deviendra au fur et à mesure, plus persistant, insidieux, dérangeant. La réalisation, elle, ne manque pas de souligner la question du point de vue en miroir :
Qui observe? qui voit? qui réagit ? qui se réfléchit…? Ces questions se traduisent souvent par des effets de mise en scène bien sentis. Les deux fusionnent intelligemment avec le scénario pour donner à ENEMY un aspect techniquement passionnant.
”Techniquement passionnant, mais froid et linéaire, la faute à un scénario trop central”
L’ennui, c’est cette logique implacable avec laquelle Denis Villeneuve installe les rouages et développements de son histoire. Cette linéarité est la marque de fabrique d’un réalisateur minutieux, qui aime à travailler un scénario tortueux et précis, AVANT d’y placer ses personnages, ses acteurs, sa réalisation. L’inconvénient de cette méthode est la quantité d’empathie véhiculée entre les personnages à l’écran, et le spectateur. Ce qui intéresse Villeneuve, ce n’est pas l’émotion, mais le cheminement. Son film, par conséquent, malgré ses affèteries jaunâtres et sa mise en scène millimétrée, est froid – ou plutôt, sans chaleur. Reste un scénario bétonné qui ménage ses nombreux effets de surprises, malgré l’inévitable spoil – le concept du double – qui survient dès que l’on s’intéresse un tant soit peu au film.
[divider]CASTING[/divider]
• Titre original : Enemy• Réalisation : Denis Villeneuve
• Scénario : Javier Gullón, d’après l’oeuvre de José Saramago
• Acteurs principaux : Jake Gyllenhaal, Mélanie Laurent, Sarah Gadon
• Pays d’origine : Canada, Espagne
• Sortie : 27 août 2014
• Durée : 1h30min
• Distributeur : Version Originale / Condor
• Synopsis : Adam, un professeur discret, mène une vie paisible avec sa fiancée Mary. Un jour qu’il découvre son sosie parfait en la personne d’Anthony, un acteur fantasque, il ressent un trouble profond. Il commence alors à observer à distance la vie de cet homme et de sa mystérieuse femme enceinte. Puis Adam se met à imaginer les plus stupéfiants scénarios… pour lui et pour son propre couple.
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