Imitation Game Film 2015 Poster Knightley Strong Cumberbatch 1 scaled - IMITATION GAME, taillé pour les Oscars - Critique
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IMITATION GAME, taillé pour les Oscars – Critique

Durant la seconde guerre mondiale, le mathématicien et cryptologue Alan Turing est engagé par la gouvernement britannique pour les aider à comprendre comment fonctionne Enigma, une machine conçue par les allemands afin de se transmettre des messages codés. Ce pitch semble fictif et il est pourtant tiré d’une histoire vraie.

Hélas peu connu du grand public, Alan Turing a été un élément important dans le camp britannique lors de ce conflit. Aux commandes du film, un autre méconnu, le réalisateur norvégien Morten Tyldum. Ce nom ne vous dit pas grand-chose certainement, pourtant il faut savoir qu’il a signé en 2008, Headhunters, qui demeure à ce jour comme le film norvégien le plus rentable jamais fait. C’est sans doute grâce à ce succès qu’il se retrouve propulsé cette année à la tête de ce Imitation Game, doté d’un budget avoisinant les 15 millions de dollars et d’un casting renommé.

Imitation Game serait-il le nouveau Le Discours d’un Roi ? Les points de concordances s’accumulent tellement dans la recette de ces deux films que l’on est obligé d’y trouver une filiation. Un sujet historique plus ou moins connu, un acteur excellent, une pincée d’émotions et le tout concocté par un chef cuistot plus ou moins connu auparavant. Tout concorde pour dire que le film de Morten Tyldum a été conçu afin de s’immiscer dans la course aux Oscars. Pourtant Imitation Game ne mérite pas des louanges. Il manque de l’âme dans ce film, la fabrication est trop évidente pour qu’on se laisse duper. A commencer par la réalisation impersonnelle de Morten Tyldum. Il s’efface totalement derrière son sujet, se laisse embarquer dans le scénario et n’épouse pas les ambitions de son personnage principal. N’importe quel réalisateur lambda pourrait avoir signé ce film qu’on ne serait pas surpris. On est à l’exact opposé du Pasolini, sorti il y a quelques semaines. Le film de Ferrara n’était pas omnibulé par l’histoire et livrait une réelle proposition de cinéma. A laquelle on n’adhérait plus au moins certes (voir nos critique 1 et critique 2), mais elle avait le mérite d’exister Imitation Game a au moins l’utilité de faire connaître Alan Turing et on reste accroché au film pour cet aspect pédagogique. Bien que ce soit tout à son honneur de mettre ce personnage méconnu dans la lumière, on est obligé de s’avouer déçu du classicisme barbant conduisant le film. Les défauts d’écriture resurgissent d’autant plus du coup, comme, en tête de liste, ces flashbacks dont on se serait bien passé. La sur-explication permanente ne laisse jamais la place à la finesse, tout est donné pré-mâché pour essayer d’émouvoir le spectateur. Les 30 dernières minutes s’aventurent à traiter la question de l’homosexualité dans les années 40. Était-ce nécessaire au film ? Peut-être que je serais mauvaise langue sur ce coup mais j’ai du mal à percevoir une autre explication que tirer les larmes des spectateurs avec cette fin placée sous le signe du pathos. Cette partie du scénario nécessiterait carrément un film à lui tout seul. Avec un autre réalisateur aux commandes, bien sûr.

L’atout majeur non contestable d’Imitation Game s’appelle Benedict Cumberbatch (Sherlock12 Years a Slave). S’il y a une seule raison pour laquelle la vision de ce film est justifiée, c’est bien lui. Acteur trop peu présent sur les grands écrans et trop peu exploité comme premier rôle, il trouve enfin une composition qui lui permet d’éclater aux yeux du grand public. Si seulement ce film pouvait lui permettre d’enquiller sur d’autres projets le mettant en avant, ça serait la plus belle réussite du film. Son personnage, entre cynisme, méchanceté et incapacité à nouer des liens avec le monde, fonctionne dés sa première apparition. Il gagne l’affection des spectateurs petit à petit alors que la façon dont on l’aborde dans la première scène ne permet pas de soupçonner ce futur attachement. Il bouffe les autres acteurs par son jeu et par la qualité de ses répliques, ce qui rend le reste du casting fade en comparaison. J’aurais aimé pouvoir dire du bien de Keira Knightley ou Matthew Goode, malheureusement pour eux il ne me reste en tête que l’écrasante performance de Cumberbatch. Les acteurs secondaires font le job sans tirer leurs épingles du jeu. La comparaison avec Le Discours d’un Roi trouve sa justification la plus évidente dés lors. Le film de Tom Hooper, en son temps, cachait ses défauts et son envahissant classicisme derrière la performance extraordinaire de l’excellent Colin Firth. Il suffit de remplacer Tom Hooper par Morten Tyldum et celui de Firth par Cumberbatch puis la sentence est la même.

Un biopic taillé pour les Oscars, manquant cruellement de personnalité, mais porté par l’excellent Benedict Cumberbatch.

Objectivement, en prenant point par point les éléments techniques composant un film, on ne peut pas dénigrer Imitation Game. La mise en scène est propre, la musique d’Alexandre Desplat ne restera pas parmi ses meilleures créations mais elle n’encombre pas le film, la photographie s’adapte correctement à l’époque sans faire d’éclat. Oui, c’est un film conçu sans mauvais goût. Plus que ça, c’est un film conçu sans goût du tout. Le manque d’ambition et de personnalité est à déplorer. Tout comme le traitement lié à la guerre. Cette menace plane au-dessus des personnages sans trouver une répercussion en terme de tension dramatique. Il devient logiquement difficile de s’intéresser aux enjeux du scénario. Au moins le film aurait pu proposer un peu plus le show afin de faire office d’honorable divertissement. Au lieu du résultat actuel, un peu ennuyeux. Il serait fort dommage de le voir repartir des Oscars, le 22 février prochain, avec autre chose que le Prix d’Interprétation Masculine.

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Yannick HENRION
Yannick HENRION
Rédacteur.rice du site
23 mai 2015 13 h 35 min

Une fois de plus, Cumberbatch est grandiose dans ce rôle-clé – pas évident – de la Seconde Guerre Mondiale. 8/10

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