L’histoire de Jeanne d’Arc est un sujet assez fascinant et permettant de nombreux traitements différents, qu’ils soient mystique, métaphysique ou purement réaliste. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que de nombreux cinéastes, aussi opposés que Jacques Rivette et Luc Besson, se soient attelés à filmer des épisodes de la vie de la pucelle sans que le résultat final ne puisse même être comparé. Avec Jeanne Captive, Philippe Ramos fait volontairement l’impasse sur les batailles de l’héroïne pour créer une ambiance bien plus intimiste, et à la portée du faible budget de l’œuvre. Ainsi, l’épisode historique choisie par le cinéaste français est celui de la vente de Jeanne d’Arc aux anglais. Un parti pris pertinent pour un film très honnête et aux nombreuses qualités.
Et pourtant dès la première séquence on peut craindre pour la qualité du film ; premiers mots en voix-off qui sonnent assez faux, effet cache-misère ratés pour oublier le budget du film, Jeanne Captive ne part pas gagnant. Et pourtant, il ne tarde pas à exhiber ses qualités qui en font une œuvre fort sympathique, quoiqu’imparfaite. Porté par un casting impliqué et une Clémence Poésy toute en retenue et au charme indéniable, malgré quelques fausses notes dans la direction d’acteurs le temps de quelques plans, Jeanne Captive se laisse suivre sans déplaisir si tant est que l’on s’immerge dans l’atmosphère mise en place par Philippe Ramos. Cependant, le film n’est pas exempt de défauts et de maladresse, et il est je pense nécessaire de passer outre pour apprécier le visionnage ; le metteur en scène semble avoir complètement oublié l’époque qu’il filme. Ainsi, les personnages s’expriment de la même façon qu’au 21ème siècle, et cela freine totalement l’immersion. Il est parfois choquant d’entendre des phrases totalement contemporaines sortir de la bouche de soldats anglais ou français, et le film ne peut être apprécié qu’en faisant l’effort d’oublier cette erreur. Le réalisateur n’échappe pas non plus à quelques défauts de mise en scène et la photographie alterne entre le meilleur, sur les gros plans notamment, et le pire avec des teintes trop sombres et ternes. Enfin, le petit budget du film est visible à l’écran, que ce soit par les costumes laissant grandement à désirer, ou par une unique scène de bataille vite expédiée – bien que cela soit cohérent dans le parti pris intimiste du film.
Ceci étant dit, Jeanne Captive mérite tout de même que l’on s’attarde sur son sujet, et possède quelques arguments à faire valoir. Le film est très influencé, et l’assume notamment durant le dernier tiers du scénario. L’inspiration la plus évidente, et pas la plus déplaisante, est celle de Terrence Malick dont l’ombre plane sur toute l’œuvre, et particulièrement sur ce montage alternant les plans larges sur les décors et la narration tout en nous gratifiant d’une voix-off chuchotée souvent en forme de prière. Le sujet s’y prêtait complètement, et le résultat fonctionne bien. Le film parvient également à captiver, malgré les défauts cités plus haut, pour l’originalité et la pertinence de son traitement ; le personnage de Jeanne d’Arc est intéressant, les rencontres qu’elle fait le sont tout autant, la psychologie des personnages est assez creusée malgré un manichéisme peut-être trop prononcé lors des premières minutes. Dans son ensemble, le film est cohérent et l’angle d’attaque de Philippe Ramos sur la vie de l’héroine est plus surprenant que ce que l’on pouvait craindre, ce qui confère à Jeanne Captive un gros capital sympathie. Un film intéressant, très européen dans son découpage et son montage, mais qui a le bon goût de ne pas étendre ses scènes inutilement et de se focaliser sur ce qui fera avancer l’histoire. C’est parfois maladroit, souvent réussi, et il me semble difficile de blâmer un réalisateur-scénariste-monteur avec des intentions aussi louables clairement visibles durant tout le visionnage. Pari réussi, donc, pour Philippe Ramos, qui a également su s’entourer en faisant par exemple de Bruno Dumont le directeur artistique d’un film très sobre qui, n’est d’ailleurs pas sans rappeler Camille Claudel, 1915 dans son traitement et sa sobriété.
”Jeanne Captive est un film historique sans prétention et réussi si on lui pardonne ses quelques maladresses.”
Jeanne Captive est donc un film fort sympathique si on lui pardonne ses quelques maladresses, qui étaient pourtant aisément évitables. Philippe Ramos repose beaucoup sur son sujet, traité de manière originale et assez captivante, et se paye même le luxe de surprendre par l’intelligence et la beauté des dernières séquences. Durant environ 90 minutes, le metteur en scène crée un attachement complet aux personnages et est aidé en cela par des acteurs, Clémence Poésy en tête, bien investis dans leur rôle. Sans aucune prétention, et avec une redoutable efficacité,Jeanne Captive s’impose comme un petit film historique réussi et une agréable surprise.
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• Titre original : Jeanne Captive• Réalisation : Philippe Ramos
• Scénario : Philippe Ramos
• Acteurs principaux : Clémence Poésy, Thierry Frémont
• Pays d’origine : France
• Sortie : 16 septembre 2011
• Durée : 1h30min
• Distributeur : Sophie Dulac Distribution
• Synopsis : A l’automne 1430, Jeanne d’Arc, prisonnière d’un puissant seigneur du nord de la France, est vendue aux Anglais. Entre les murs qui l’enferment, le temps d’un convoi longeant la mer ou près du bûcher qui la verra périr, des hommes tentent d’approcher cette jeune femme porteuse d’infini..
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