Il est intéressant de noter à quel point Vice-Versa et LE VOYAGE D’ARLO (à l’affiche à 6 mois d’intervalle) sont à la fois éloignés et très complémentaires.
Si Vice-Versa ne m’avait pas pleinement convaincu, il prouvait néanmoins l’habileté du studio à la lampe à créer des univers riches, graphiques et complexes à même de stimuler notre imagination.
LE VOYAGE D’ARLO prend quant à lui, le total contre-pied émotionnel de Vice-Versa. Ici, la persistance d’un univers fantastique est totalement absente : le récit se recentre sur la recherche de l’émotion, à travers le classique combo : buddy-movie / voyage initiatique. Chaque épreuve et chaque rencontre y sont l’occasion de leçons de vie et d’évolutions intérieure des personnages, le tout porté par une technique proprement À PLEURER (simple : c’est photo-réaliste). Là où Vice-Versa s’illustrait par une direction artistique ultra-riche mais une technique sans éclat, LE VOYAGE D’ARLO est un régal pour les yeux et cherche à nous toucher et… C’est tout.
Dans le détail, oui LE VOYAGE D’ARLO est effectivement doté d’un high-concept (les dinosaures ne se sont pas éteint mais ont évolué), mais ce postulat n’est exploité que le temps de placer un décor – intégralement naturel – ainsi que pour expliquer la seule proposition originale du film : le basculement du comportement humain chez le dinosaure et celui de l’animal chez l’Homme. Comme dans le mésestimé Cars, il s’agit d’un choix esthétique un peu contre-nature mais qu’il faut absolument accepter avec toutes ses incohérences sous peine de passer à coté des autres qualités du film… Donc oui: impossible de comprendre comment un diplodocus peut percer un trou, comment un T-Rex fait-il du feu, pourquoi Spot (l’humain) porte un slip de feuille, etc.
Par contre, les auteurs réussissent à construire un conte à la morale universelle, via un langage visuel et émotionnel ultra-simple : chaque scène – ses dialogues, ses péripéties, ses interactions – est dédiée à l’illustration d’un sentiment. La joie d’une naissance, le courage (et le manque de courage), la beauté de choses simples, le surpassement, l’orgueil, la perte, le manque, la compassion et de très nombreuses autres… Des idées simples que LE VOYAGE D’ARLO, développe de manière admirable à travers des « scénettes » presque indépendantes mais parfaitement reliées. Le réalisateur Peter Sohn associe toutes ces scènes/émotions grâce à un scénario dont l’épure (aller d’un point A à un point B, comme dans tout voyage initiatique) sert pleinement le récit. On pourrait presque même faire un nouveau rapprochement avec le Pixar précédent, en constatant l’aspect émotionnellement unidirectionnel de la plupart des passages – à l’instar des personnages-émotions de Riley; à ceci près que la variété est nettement plus au rendez-vous qu’à travers les 5 (ou plutôt 2) protagonistes de Vice-Versa, et que la cohérence d’ensemble ne fait aucun doute. Dans la grande tradition Pixar, beaucoup de choses sont transmises en peu de mots. Et même s’il n’y a absolument aucun motif original dans LE VOYAGE D’ARLO, il faut reconnaître à Pixar ce talent unique pour « faire d’un déja-vu, un jamais vu », comme dirait ma collègue Pauline.
Ce qu’il manquera peut-être, c’est la variété habituelle des niveaux de lecture présente dans les films du studio. À cause de l’épure si efficace susmentionnée, difficile de voir en LE VOYAGE D’ARLO autre chose qu’un tire-larme agressif et moraliste, une fois le générique de fin « atteint »… Même si l’émotion est pure et parfaitement amenée, même si la morale Pixar-ienne est plus que respectable.
LE VOYAGE D’ARLO se place en complément total de Vice-Versa : émotion, épure et puissance visuelle seront les règles de ce nouveau cru Pixar !
Ainsi, la vraie remarque à propos de ce VOYAGE D’ARLO, c’est qu’autrefois Pixar réussissait par chacun de ses chefs-d’œuvre, à fournir émotion, aboutissement technique, richesse artistique, stimulations multiples, niveaux de lecture variés et même, dans le cas des deux Brad Bird (Les Indestructibles et Ratatouille), une mise en scène plus recherchée qu’a l’accoutumée. On constate depuis 2006 et le rachat de Pixar par Disney qu’une certaine perte d’ambitions entrave progressivement les productions du studio… Les sequels se font bien plus fréquents, le discours est « simplifié »… Et d’ailleurs Vice-Versa et LE VOYAGE D’ARLO pourraient même se voir comme un manifeste dichotomique des deux ambitions thématiques du studio.
Pour pousser la réflexion, les récentes productions Disney et Pixar partagent cet aspect hybride qui les empêche d’être pleinement satisfaisantes. S’il y a globalement du mieux pour le premier, grâce à un certain gain de maturité depuis l’arrivée de John Lasseter à la tête du département animation de Disney (on pense entre autres, au féminisme maladroit de la Reine des Neiges, ou à Big Hero 6 aussi mature que cliché et sans profondeur), pour Pixar, malgré notre plaisir de partiellement retrouver à chaque nouveau film ce feeling unique… On ne peut s’empêcher d’être aussi un peu déçu.
Faut-il y accepter que Pixar ne produira plus de films de la trempe de Toy Story, Monstres et Cie, Nemo ou Wall-E ?
Y croire encore, est-ce s’accrocher à la nostalgie d’un souvenir parfait définit par des émotions pures et variées ? Hmmm.
Georgeslechameau
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