KNIGHT OF CUPS
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[CRITIQUE] KNIGHT OF CUPS

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Mise en scène
5
Thèmes
6
Photographie
7
Casting / Personnages
4
Musique
7
Empathie
3
Note des lecteurs11 Notes
7.3
5.3
Note du rédacteur

Avec Knight of Cups Terrence Malick tourne en rond et s’enfonce toujours davantage dans une solitude certaine.

Après le chef-d’œuvre The Tree of Life (2012), Terrence Malick a réalisé dans un esprit similaire mais à la hâte A la merveille (2013). Deux films communs par leur approche et vision nouvelle du cinéaste, et diamétralement opposés dans le ressenti qu’ils provoquent. Avec KNIGHT OF CUPS, il poursuit sa recherche spirituelle sur le monde qui l’entoure, sur le sens de la vie et éventuellement sur ce que lui-même laissera comme trace. Depuis The Tree of Life il paraît évident que le réalisateur est obnubilé par ces questionnements intérieurs. Dans notre article comparatif de ses deux dernières œuvres, nous évoquions l’âge avancé de Malick comme élément de réponse à son approche. Comme s’il se sentait dans un besoin de confessions et de travail sur lui-même. En son temps, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), protagoniste, avait écrit ses Confessions dans lesquelles il faisait une sorte de plaidoyer pour lui-même. L’approche de Malick peut donc être louable. Mais le résultat, lui, est loin de nous enchanter. Il enchaîne en effet les projets qu’il tourne les uns en même temps que les autres. Allant trop vite et ne prenant pas le temps de la réflexion nécessaire sur l’intérêt véritable et l’accessibilité de ses œuvres. Car ses films deviennent ses propres réflexions. Si avec The Tree of Life le résultat fut grandiose, grâce notamment à la faculté du réalisateur à nous inclure dans son œuvre, A la merveille fut particulièrement laborieux car trop personnel, et alors compréhensible et appréciable uniquement par son créateur. KNIGHT OF CUPS, bien que plus intéressant à certains degrés, reste dans cette même approche inaccessible.

KNIGHT OF CUPS

Avec son nouveau film, Terrence Malick relève une série de thèmes plus ou moins évidents. Les personnages n’étant jamais clairement cités, nous nous contenterons de nommer les acteurs qui les « interprètent » ; nous reviendrons par la suite sur ce terme. Christian Bale joue un scénariste plutôt populaire, en atteste l’opportunité de film à gros budget qui se présente à lui. Cependant il n’a plus goût à la vie. Il enchaîne les soirées vides de sens, remplies de gens (du même milieu) superficiels et tout aussi vides. L’argent coule à flot mais n’a plus de valeur. Les jolies filles, un temps divertissantes, ne sont plus que des corps sans âme, toutes plus ou moins identiques et interchangeables. En même temps, il y a un conflit familiale entre Christian Bale, son frère en colère et son père qui n’assume pas ses responsabilités. Chacun à sa manière culpabilise de la mort du troisième frère. On pourrait ici voir un possible rapprochement avec The Tree of Life, comme une sorte de suite de celui-ci. Seulement plutôt que d’aborder son sujet avec un semblant de simplicité, ou tout du moins avec pertinence et logique, Malick tourne en rond et s’enfonce toujours davantage dans une solitude certaine.

Photo du film KNIGHT OF CUPS
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Parmi les choses étonnantes chez Terrence Malick depuis ces dernières années, il y a sa capacité à nous attirer. Avec The Tree of Life, cette attirance provenait du film en soi et de la portée saisissante de ses images sensorielles. Par la suite, le réalisateur a perdu de sa sublime et s’est reposé sur des éléments accessoires, comme en atteste l’évolution et le rôle de sa distribution. Désormais ce sont les noms des acteurs qui attirent. Après Ben Affleck, Olga Kurylenko, Rachel McAdams et Javier Bardem, KNIGHT OF CUPS réunit un panel d’acteurs encore plus impressionnant. Christian Bale donc, mais également Cate Blanchett et Natalie Portman. Un trio principal complété par Antonio Banderas, Imogen Poots, Wes Bentley, Brian Dennehy, Freida Pinto, Terresa Palmer… Y aurait-il désormais un syndrome Malick chez les acteurs qui par principe désirent tourner avec lui ? Pour l’expérience passionnante d’un tournage ou simplement pour pouvoir dire « j’ai tourné avec lui » ? On pense à Robert Altman qui avec Short Cuts (1993) ou Prêt-à-porter (1994) empilait les acteurs de renoms, ou à Woody Allen avec Celebrity (1998) dans lequel il offrait à des stars des rôles minimes. Avec KNIGHT OF CUPS, on est loin (par son approche) d’un résultat aussi excitant qu’avec les films cités précédemment, car ici le réalisateur n’utilise aucun de ses acteurs. Ils n’ont simplement pas de réel rôles à interpréter.
Christian Bale n’a que quatre lignes de dialogue éparpillées. Le reste du temps il ne parle pas, apparaît inexpressif face à ses partenaires qui s’agitent devant lui. Ses partenaires justement, les actrices citées précédemment, sont chacune substituables et se succèdent toutes les dix minutes. Devant le peu de choses qui ressortent de ces rôles, on se demande où est l’apport spécifique du réalisateur sur ses interprètes. Comme le relevait justement Aurélien Ferenczi sur son blog de Télérama, le réalisateur demande aux comédiens un travail de préparation très riche mais qui n’apparaît plus dans le montage final – Rachel Weisz, Jessica Chastain, Michael Sheen ou Amanda Peet ont par exemple participé à A la merveille bien que leurs scènes aient été coupées.

« Malick tourne en rond et s’enfonce toujours davantage dans une solitude certaine. »

Ainsi le résultat final laisse imaginer que n’importe qui pourrait se trouver à la place de ces interprètes. Les personnages n’ayant pas de grande profondeur. Malick aurait même improvisé un rôle dans l’unique but d’incorporer l’actrice Terresa Palmer à son film. Un personnage de strip-teaseuse qui fera un bout de chemin avec Christian Bale. Aussi peu pertinent que le reste donc, mais révélateur du problème du réalisateur. Avec cette approche consistant à filmer simplement des comédiens qui l’inspirent (en quoi ? On ne sait pas vraiment), Terrence Malick pourrait étirer son œuvre sur plusieurs heures pour un résultat similaire puisque après quinze minutes le tour est fait. En effet, l’idée est comprise assez vite tandis que la réalisation, elle, fait réchauffée. Malick continue de filmer d’une manière faussement naturelle mais tellement attendue qu’elle en devient agaçante. Le réalisateur se contente de filmer ce qui l’entoure, en suivant des acteurs lâchés dans la nature qui n’ont plus qu’à improviser. KNIGHT OF CUPS prend parfois même des airs de film de vacances entre amis. Sauf qu’il n’y a plus la beauté envoûtante de The Tree of Life à laquelle se raccrocher. Mais des immeubles ultra modernes, froids et vides, dont on se lasse et pour lesquels on ne ressent aucun intérêt. Évidemment cela prend sens avec le discours et la vision du monde évoquée plus haut. C’est d’ailleurs dans cette obsession de montrer un monde perdu, sans vitalité, morne et pathétique, qu’on trouve davantage d’intérêt par rapport à son film précédent. Mais à force d’insister sur ce pathétique sans amener la moindre évolution, nous voilà incapable d’éprouver la moindre empathie et de nous sentir inclus dans le récit de Malick.

Photo du film KNIGHT OF CUPS
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Pourtant il y a, cette fois-ci, des éléments prometteurs. On retient, d’une part, le couple Christian Bale / Cate Blanchett, séparé, incapable de vivre ensemble bien que chacun se montre dépendant de l’autre. Du pathos bien lourd et déjà vu, mais soit. Et d’autre part, il y a cette relation avec Natalie Portman. Avec elle, Christian Bale est heureux, moins silencieux, capable de communiquer et d’offrir quelque chose à sa partenaire. Les deux acteurs se reflètent l’un dans l’autre et d’une certaine manière trouvent un équilibre. Car à la différence des autres starlettes qui l’ont précédé, Natalie Portman est inaccessible. C’est une femme mariée. Il n’y aura donc pas d’avenir pour leur couple. C’est donc peut-être justement parce qu’il est voué à la perdre que Christian Bale se retrouve si bien en elle. On regrette forcément que cet unique élément d’intrigue pouvant nous impliquer soit réduit à un court passage.

Au final, les obsessions de Malick sont toujours présentes et traitées de manière habituelle désormais. Mais une nouvelle fois, au-delà de ses qualités techniques, il refuse de partager en nous emmenant vers un semblant d’émotion. Difficile alors de trouver un grand intérêt à son film. Bien que moins prétentieux et ennuyeux qu’A la merveille, KNIGHT OF CUPS ne captive pas, ne retient même pas l’attention. Et face aux promesses faites par son œuvre dans sa globalité, on ressort, non pas agacé, mais simplement avec des regrets.

 

[divider]LA THÉMATIQUE TERRENCE MALICK[/divider]

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La Balade sauvage (1973) – par Paul
– Les Moissons du ciel (1978) – par Paul
La Ligne rouge (1998) – par Paul
– Le Nouveau monde (2005) – par Paul
The Tree of Life (2011) – par Paul
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Le cinéma de Terrence Malick – par Loris

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– Où est passé Terrence Malick ? – par Pierre

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Critique de Knight of Cups par Pierre

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