New York, 1986. Il y a bien longtemps que les romans de Bernard n’ont plus de succès alors que sa femme Joan, qui écrit aussi, est en pleine ascension. Rien ne va plus entre eux. Ils ont décidé de divorcer. C’est une catastrophe pour leurs deux fils, Walt, 16 ans, et Frank, 12 ans.
Les deux garçons perdent leurs repères et sombrent en pleine confusion des sentiments.
Ecartelés entre leurs parents, les deux adolescents vont vieillir, mûrir, parfois trop vite pour leur âge et chacun à leur façon…
Entre tendresse et rage, entre remises en question et émotion, la famille traverse des situations souvent drôles, toujours fortes, et va peu à peu apprendre à se redéfinir.Note de l’Auteur
[rating:8/10]
• Date de sortie : 12 juillet 2006
• Réalisé par Noah Baumbach
• Film américain
• Avec Jeff Daniels, Laura Linney, Jesse Eisenberg
• Durée : 1h21min
• Titre original : The Squid and the Whale
• Bande-Annonce :
Tournée en vingt-trois jours, cette satire de mœurs, avec pour décor le quartier de Park Slope de Brooklyn – les aficionados d’un certain Woody Allen ne manqueront pas de faire le corollaire-, pastiche le couple américain embourgeoisé (pseudo-intellectualisme pédant !) dans les années 80, parents de deux enfants dont la différence d’âge trahit le modèle familial précisément inféodé à notre culture occidentale.
Le scénario, largement inspiré de l’enfance du jeune réalisateur Noah Baumbach, affiche une esthétique finement aboutie – aucune trace de scorie superfétatoire au long des 80 minutes – qu’il est essentiel d’évoquer, puisque le motif matriciel du film repose sur l’Art littéraire : Bernard Berkman (Jeff Daniels) incarne ce romancier ‘has been’ – il doit se contenter de professer à l’université – en lutte avec ses démons intérieurs (les Philistins entre autres !), endoctrinant ses deux fils pour les convaincre du bienfondé de son entreprise.
Joan Berkamn (Laura Linney), l’épouse ‘infidèle’ décide de vivre SA vie de femme en s’accomplissant du métier d’écrivain, et s’accommode sans difficulté de la vie de Bohème. Cette bipolarité conflictuelle s’affichera dans les regards de l’un et l’autre.
Walt Berkman (Jesse Eisenberg) et Frank Berkman (Owen Kline – interprétation d’excellente facture !), les deux ‘souches’, symbolisent la fracture sociale des parents et choisissent leur ‘camp’. Walt, l’adolescent submergé par les frasques intellectuelles de son père, use d’artifices douteux (il reprend de sa signature le ‘Hey You’ de Pink Floyd !) pour attirer l’attention sur lui.
Frank, le cadet, se masturbe dans la bibliothèque de l’école, métaphore oh combien subversive du climat hostile qui règne entre ses parents en pleine procédure de divorce : masturbation ou aliénation de l’esprit par un acte délictuel dans l’enceinte symbolisant le théâtre ontologique de ses géniteurs.
Une atmosphère éminemment ‘sulfurique’ s’insinue dans les rapports familiaux (intergénérationnels), non sans une dose parcimonieuse d’ironie sarcastico-humoristique – les frasques onaniques de Frank sur le ‘Risky Business’ de Tangerine Dream ; les posters de Psychose et de La Mère Et La Putain dans la maison fraîchement décorée ; Bernard lisant La Victime de Saul Bellow.
L’ombre méphistophélique d’un American Beauty plane en filigrane sur la famille Berkman, sans que cette ombre dénature le propos du scénariste s’entend !
Le chef opérateur Robert Yeoman (collaborateur attitré de Wes Anderson) transpose admirablement l’atmosphère éthérée d’une époque et d’un lieu par l’utilisation de couleurs désaturées, affectant de la sorte ce degré d’authenticité unique dans le hiatus relationnel en pleine mutation.
La démarche de Noah Baumbach est assez similaire à celle de Miranda July dans son Me And You And Everyone We Know, film ‘profondément’ intimiste dont la sobriété scénique renforce les motifs psychosociologiques !
Le spectateur se voit donc confier la tâche ingrate – Noah Baumbach l’invite bona fide à pratiquer cette forme de voyeurisme misanthropique pour le salut de sa compréhension – de s’immiscer dans l’univers Berkmanien l’espace de 80 minutes, exercice périlleux mais salvateur pour qui prendra la peine de distancier son regard par rapport à la fulgurance émotionnelle de certains actes ou de certaines réflexions.
Noah Baumbach accouche d’une satire oscillant allégrement entre l’humour névrotique allenien et la comédie lyrique kieslowskienne, pour notre plus grand ravissement…