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TARZAN, un remake sauvé par son casting – Critique

Énième adaptation cinématographique des romans d’Edgar Rice Burroughs, TARZAN de David Yates, perpétue la tradition du remake hollywoodien qui, depuis l’avènement du numérique, n’a cessé d’explorer la puissance technologique à travers des récits classiques.

Très vite, ces enjeux prennent la forme spectacularisante que l’on connaît. Autrement dit, l’imagerie numérique supplante les décors naturels et les corps en action (Tarzan compris) laissant voir les coutures du tournage en studio, et non celle de la jungle congolaise. Avec un budget de 180 millions de dollars, on était en droit d’attendre à un peu plus que deux ou trois animaux numériques surtout que certains plans sont loin d’atteindre l’hyperréalisme recherchée (la charge des gnous est à ce titre indigne d’un blockbuster). N’ayant jamais vraiment convaincu sur la saga Harry Potter, David Yates respecte le cahier des charges du studio mais ne parvient jamais à susciter la moindre émotion ou offrir quelques fulgurances visuelles. En termes de mise en images, le film est d’une pauvreté abyssale (cf. les récents remakes du Livre de la Jungle et de La planète des singes relèvent d’un tout autre pouvoir de narration, plus enthousiasmants et chatoyants). A l’inverse l’écriture scénaristique propose quelques « surprises » (l’atypique développement osseux de Tarzan), bien que celles-ci ne soient pas toujours du meilleur goût : le cas du flash-back est symptomatique du cinéma hollywoodien à vouloir toujours recoller les bouts, à tout montrer pour expliquer.

Photo du film TARZAN

Le générique du film débute par des indications historiques « sérieuses » ; ce qui fera quelque peu sourire lorsque celles-ci seront suivies d’une scène d’action entre bons sauvages et coloniaux avec son lot de plans au ralenti et son découpage épileptique. Mais cet argument historique engendre forcément une reformalisation du mythe littéraire qu’est Tarzan, personnage fictif devant faire faces aux instances politiques corrompues. La bonne idée scénaristique est d’avoir introduit les personnages de Léon Rom (Christoph Waltz) et de George Washington Williams (Samuel L. Jackson qui reprend son rôle des 8 salopards) qui déplacent ainsi les enjeux du récit : de la biographie fictive, on passe au roman historique à forte consonance politique (colonialisme, esclavage). Évidemment toutes ces promesses ne seront pas tenues, voire abouties. L’exemple du buddy movie, construit autour de Tarzan et de Williams, livre une ou deux séquences de relâchement sympathique jouant de manière humoristique sur les contrastes physiques des deux personnages et sur leur passé violent et controversé. Le duo fonctionne par le simple talent des comédiens – le style désinvolte de Jackson fait des merveilles face au jeu minéral d’Alexander Skarsgård – car placer dans de tels décors, il reste tout de même difficile de ressentir l’interaction, et donc l’émotion, avec la Nature sauvage et animale (les caresses envers un lion ou un éléphanteau, le combat contre son frère-singe Akut, etc.). Quant au reste des protagonistes, ils sont tous sacrifiés : la courageuse Jane (Margot Robbie), le machiavélique Léon Rom (Waltz qui fait le strict minimum) et le vengeur Mbonga (Djimon Hounsou) en sont réduits à des mimiques de visages, avec possibles grognements ou cris, le tout regard au loin.

Interaction pertinente entre le mythe et l’Histoire autour de la figure du héros, Tarzan fournit deux modèles héroïques : après avoir rétabli l’ordre menacé, le premier fonde une famille, c’est le « repos du guerrier », tandis que le second repart vers d’autres aventures, c’est le cycle de l’Éternel Retour.

Délaissant le monde des singes et le conflit interne de Tarzan, c’est-à-dire la fiction au profit d’un passage de l’Histoire controversée, les scénaristes mélangent le mythe littéraire à la réalité historique sans pour autant enclencher les mutations nécessaires de leur figure mythique. Au final, Tarzan reste plus obstiné à vouloir sauver celle qui l’aime (la jeune fille en détresse) que le peuple congolais (la collectivité asservie), ce qui reste conforme au mythe. Mais il n’est qu’un simple intermédiaire, une sorte de guide tout-terrain, pour l’autre héros de l’histoire, le Dr. Williams. Comme le dispense joyeusement Léon Rom lors d’une scène, le véritable héros est celui qui marque l’Histoire (lui souhaitait sauver la Belgique de la banqueroute), titre qui revient définitivement à Williams dans le film. Interaction pertinente entre le mythe et l’Histoire autour de la figure du héros, TARZAN fournit deux modèles héroïques : après avoir rétabli l’ordre menacé, le premier fonde une famille, c’est le « repos du guerrier » tandis que le second repart vers d’autres aventures, c’est le cycle de l’Éternel Retour.

Antoine Gaudé

• Sortie : 6 juillet 2016
• Réalisation : David Yates
• Acteurs principaux : Alexander Skarsgård, Robbie Margot, Samuel L. Jackson
• Durée : 1h50min
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